LES

SPOROZOAIRES

COURS D'EMBRYOGÉNIE COMPARÉE

DU COLLÈGE DE FRANGE.

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LEÇONS

SUR LES

SPOROZOAIRES

PAR

G. BALBIANI

Professeur au Collcqe de France.

Recueillies par le Docteur J. PELLETAN.

.EWEftt P.%H I^K PROFEi»HEt;R.

AVEC 52 FIGURES INTERCALÉES DANS LE TEXTE

ET 5 PLANCHES LITHOGRAPHIÉES HORS TEXTE.

PARIS OCTAVE DOIN, ÉDITEUR,

8 Place de l'Odèon, 8.

1884

MAÎHABD M. ItETCALT,

AVANT- PROPOS. ''^

La classe des Sporozoaires a été fondée , il y a quelques années , par Leuckart , comme nouvelle grande division naturelle du vaste sous -règne des Protozoaires (i). Il y comprenait , outre les Grégarines , tous ces organismes parasites unicellulaires qui ont été décrits sous le nom général et vague de Psorosper.mies : Psorospermies oviformes, Psorospermies titriculif ormes, Psorospermies des Poissons. Ce mêuie nom de Psorospermies a été donné aussi par quelques auteurs aux spores ou pseudonavicelles des Grégarines. Il en est résulté que ce terme, primitivement créé par Jean Muller pour désigner spécialement les Sporozoaires des Poissons , a été appliqué à des choses fort peu équivalentes ; de une confusion dans le langage scientifique qui rendait urgente une réforme dans la nomenclature de ces êtres. Leuckart (1879) proposa d'abord le mot de Cogcidies pour les Psoro- spermies oviformes ; puis Bûtschli (1881) celui de Myxospo- RmiES pour les Psorospermies des Poissons. Dans mes leçons du semestre d'été 1882, j'ai proposé moi-même de changer

(1) Die Parasiten des Menschen, 2. Aufl. I. Bd. 1879, p. 230.

VI LES SPOROZOAIRES.

en Sargosporidie les expressions de Psorospermies utriculi- formes , tubes de Miesoher ou de Rainey. En outre , j'ai fait rentrer dans la classe des Sporozoaires un cinquième groupe, que j'ai désigné sous le nom de Migrosporidies , comprenant les co7'puscules vibrants des Vers à soie et autres organismes analogues , regardés depuis longtemps comme des Psorospermies par Leydig et par moi (Psorospermies des Articulés).

Les divers groupes composant actuellement la classe des Sporozoaires ne se rattachent pas tous les uns aux autres par des caractères naturels bien évidents. Si les Grégarines , les Coccidies et même les Microsporidies ont entre elles des affinités incontestables^ il n'en est pas de même de la parenté de ces trois groupes avec les deux derniers, ceux des Sarcosporidies et des Myxosporidies. Celles-ci surtout, par la structure compliquée de leurs spores (?) et les phénomènes qu'on y observe, présentent des différences importantes avec les autres Sporozoaires. Je ne serais même pas étonné qu'une étude plus approfondie de ces organismes conduisît à les éliminer de la classe des Sporozoaires et même du règne animal , pour les faire considérer comme des végétaux , confirmant ainsi l'idée que je m'étais faite autrefois de la nature de ces corps (i).

Les Sporozoaires sont des parasites très répandus ; on les â rencontrés chez tous les animaux, depuis les Infusoires jusqu'à l'Homme. Quelques-uns peuvent engendrer des maladies mortelles par leur extrême multiplication dans les

(1) Comptes rendus de l'Académie des Sciences , t. 57, 1863.

AVANT -PROPOS. vil

organes ; par exemple , les Coccidies du foie du Lapin , qu'on a observées également chez l'Homme. Plusieurs se propagent aussi épidémiquement et donnent lieu à des épizooties plus ou moins meurtrières ; telles sont les Sarco- sporidies des Moutons et des Volailles, qui déciment parfois les bergeries et les basses -cours. Un grand nombre de Poissons d'eau douce meurent par le développement des Myxosporidies dans leurs tissus, cause de destruction de ces animaux dans nos viviers encore généralement ignorée. Enfin, l'invasion épidémique des Microsporidies dans les magnaneries donne lieu à la maladie de la pébrine qui , il y a une vingtaine d'années, faillit ruiner l'industrie séricicole dans le monde entier.

Par leur importance économique, comme par les phéno- mènes de leur évolution biologique, les Sporozoaires sont donc dignes de tout l'intérêt des naturalistes. En consacrant à leur histoire quelques-unes de mes leçons , et surtout en publiant celles-ci par les soins de M. le Docteur J. Pelletan , j'ai voulu appeler de nouveau l'attention sur ces organismes, un peu négligés en ce moment pour les Schizomycètes , qui ont une importance bien plus grande pour la pathologie humaine et comparée.

Je me suis attaché à présenter le plus complètement possible l'état actuel de nos connaissances relatives aux Sporozoaires, ce qui m'a amené à exposer les faits importants dont MM. Aimé Schneider et Bûtschli ont enrichi récemment l'histoire des Grégarines et des Coccidies. Mes contributions personnelles concernent principalement les Myxosporidies et les Microsporidies auxquelles se rapportent la plupart

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Vm LES SPOROZOAIRES.

des figures originales des trois dernières planches jointes à ce volume. Si sa publication pouvait engager quelques observateurs à diriger leurs recherches sur l'un ou l'autre des groupes de Sporozoaires , notamment sur celui des Myxosporidies , si intéressant et encore si mal connu , j'aurais pleinement atteint le but que je m'étais proposé.

G. Balbiani.

1" Septembre 1883.

COURS D'EMBRYOGÉNIE COMPARÉE ,^Vo .,.

DU COLLÈGE DE FRANGE. /^^ o^"^"^ ''^^^^\

LES

SPOROZOAIRES

I LES GRÉGARINES.

I

Pour suivre l'ordre que nous avons indiqué dans notre tableau des organismes unicellulaires , nous aurions , après avoir étudié les Infu- soires ciliés, flagellés et cilio-flagellés, à nous occuper maintenant des Infusoires suceurs ou Acinétiens , puis des Rhizopodes , des Labyrin- thulés , etc., mais pour pouvoir donner à l'étude des autres classes de Protozoaires qui nous restent à examiner, le développement que nous avons consacré aux trois premières classes des Infusoires, il nous faudrait employer, non seulement tout ce qui nous reste de leçons cette année , mais encore toutes celles de l'année pro- chaine. En effet, l'histoire des seuls Rhizopodes exigerait beaucoup de temps, car ces êtres forment évidemment la classe la plus im- portante et la plus vaste des Protozoaires , plus vaste même que celle des Infusoires ciliés. Je pourrais , me dira-t-on , me borner

LES SPOROZOAIRES.

à l'étude de la reproduction chez ces organismes , étude qui rentre plus spécialement dans le cadre de mon enseignement , mais cette étude , pour être fructueuse et même intelligible , nécessite celle de leur organisation tout entière , car c'est surtout chez les Proto- zoaires que l'histoire du développement ou l'ontogénie se confond avec l'étude même de l'organisation. Malgré la simplicité de leur structure, je me trouverais ainsi entraîné à entrer dans de très grands détails sur cette structure même , en raison de la variation considérable des types de cette classe . l'on ne compte pas moins de quatre ou cinq groupes, dont quelques auteurs, comme Hseckel, ont fait autant de classes spéciales : Amibiens, Foraminifères, Radiolaires, Héliozoaires, etc. Je ne pourrais guère me dispenser d'entrer dans cette étude morphologique, car les formes de ces Protozoaires nous sont bien moins famihères que celles des Métazoaires. En parlant de ceux-ci , je n'ai pas besoin, le plus souvent, de vous rappeler la constitution de leurs organes de reproduction ; pour les Protozoaires , il en est tout autre- ment, et, à peu près pour chaque être , il faut décrire Torgauisme tout entier. Je n'avais pas calculé toute l'étendue de ce travail , quand j'ai pensé à vous le présenter en un seul cours, alors qu'il me faudrait plu- sieurs années , en même temps que je serais obligé de laisser de côté l'étude des Métazoaires qui , au point de vue ontogénique , méritent beaucoup plus d'attention. Le peu de temps qui me reste cette année ne me permet pas d'entamer l'histoire de ces derniers , je n'ai donc plus qu'à choisir , parmi les organismes unicellulaires , le groupe le plus intéressant au point de vue nous nous plaçons. J'ai pensé que c'était celui des Sporozaires , qui comprend , d'après Leuckart , les Grégarines et les Psorospermies.

Dans le tableau que nous avons donné antérieurement , nous avions placé ce groupe parmi les Protophytes; je reconnais volontiers que c'est une erreur et qu'il faut le placer parmi les Protozoaires. D'ailleurs , il faut reconnaître aussi que , quand on étudie certaines formes de Sporozoaires , il est très difficile de déterminer si l'on a affaire à des animaux ou à des végétaux. Pour d'autres , comme les

LES GREGARINES.

Grégarines , il n'est pas douteux que ce soient des animaux ; mais toutes ne sont pas aussi faciles à définir, et il en est qui se rattachent d'une manière manifeste au règne végétal. Telles sont les Psorosper- mies. Mais ce sont pour nous, au point de vue nous nous pla- çons, des considérations tout à fait secondaires, et j'attache si peu d'importance à ces questions de classification que je ne crois pas nécessaire d'insister sur la place qu'il faut attribuer à ce groupe dans notre tableau.

Ce qui m'a surtout dicté ce choix des Sporozoaires, c'est leur mode d'existence. En effet . ce sont des parasites , et leur histoire se relie à celle de certaines maladies des animaux domestiques et même de l'homme. Et, pour vous donner un exemple du rôle qu'ils peuvent jouer comme cause pathologique, je n"ai qu'à vous rappeler qu'un organisme de ce groupe produit cette épidémie terrible qui a presque ruiné notre industrie séricicole et coûté à la France plus d'un milliard. Cette histoire a donc, en outre, un intérêt éconoinique tout spécial, et quand nous étudierons la pèbrine , vous comprendrez combien elle est inté- ressante, bien qu'elle soit encore si pou connue.

Ma's c'est assez de préambules, entrons tout de suite dans notre sujet.

Les Sporozoaires ])euvent être, eux-mêmes , divisés en cinq groupes ou ordres que nous étudierons successivement : les Grégarines , les Psorospermies oviformes ou Coccidies, les Psorospe7^mies tubuli- f ormes ou Sarcosporidies , les Psorospermies des Poissons ou Myxosporidies et les Psorospermies des Articulés ou Microsporidies. Quelles sont les relations qui existent entre ces cinq groupes? Nulle- ment douteuses pour les deux premiers ; quant aux trois autres , comprenant les Psorospermies utricuUformes , celles des Poissons et celles des Articulés , avec les précédents , elles sont bien moins manifestes. Nous commencerons donc par le groupe des Grégarines,

Qu'est-ce qu'une Grégarine ? D'une manière générale , on peut la définir comme un organisme qui a la constitution d'une simple cellule, comprenant une paroi extérieure ou membrane d'enveloppe

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LES SPOROZOAIRES.

contenu et un noyau. C'est, en effet, sous cet aspect très simple qu'appa- raissent quelques Grégarines. Quelquefois, la cellule peut se compliquer dans sa forme extérieure et dans sa constitution intime. D'abord, la cavité peut être divisée en deux ou trois cavités secondaires par une ou deux cloisons transversales. Cette cellule peut présenter aussi à son extrémité antérieure des appendices de diverse nature , des dents , crochets, tubercules, disques entourés de pointes radiées, en un mot , des appendices très variés qui caractérisent certains types. On a signalé aussi d'autres types portant des appendices ayant la forme de longues soies rigides et constituant autour de l'animal un revêtement complet. Ce sont des soies immobiles et nullement vibratiles ; la nature de ce revêtement a, d'ailleurs, été contestée, et nous verrons , en effet , que 'on doit considérer ces appendices comme purement accidentels. De sorte que la définition des Grégarines subsiste comme des organismes n'ayant jamais de cils vibratiles, ainsi que nous en avons vu chez les Infusoires ciUés, cilio -flagellés et flagellés.

Si la forme extérieure peut se modifier dans certaines circonstances, elle peut même se modifier jusque dans sa constitution intime ; de sorte que parmi les couches d'enveloppe, on peut quelquefois distinguer des fibres longitudinales et , plus souvent , transversales , plus ou moins analogues à celles que nous avons trouvées chez plusieurs Infusoires ciliés et que nous avons comparées aux fibres contractiles. Mais il n'est pas certain qu'elles jouent le même rôle chez les Grégarines.

De plus, cette cellule grégarinaire se reproduit, mais jamais par des phénomènes aussi simples que les cellules ordinaires ou , môme , les Infusoires ciliés ou flagellés , c'est-à-dire par division , ordinairement transversale, en deux autres cellules. Les.Grégarinesnesemultiphent jamais par simple division , leur propagation s'accompagne , au con- traire , de phénomènes excessivement comphqués et que nous étudie- rons avec détail.

Enfin, ce sont des animaux constamment astreints à la vie parasi- taire : ils ne présentent jamais , à l'état adulte , une phase d'existence libre dans le monde ambiant ; que si , quelquefois , leurs propagules

LES GREGARINES.

peuvent }■ paraître, ils ne font jamais que le traverser, et c'est dans l'intérieur des Invertébrés que se passe presque toute leur existence.

Quelques espèces sont complètement inertes et immobiles, dans toutes les phases de leur existence. D'autres , au contraire , ont des mouvements plus ou moins prononcés , et nous verrons plus tard quel est l'agent spécial de ces mouvements.

Avant d'entrer dans l'étude plus approfondie de ce groupe , il est utile de jeter un coup d'œil général sur la marche de nos connaissances relatives à ces organismes.

Les Grégarines, au moins d'après ce que l'on sait aujourd'hui sur les auteurs qui les ont mentionnées les premiers , ont été vues , pour la première fois, par F. Cavolini, {Mémoire sur la génération des Pois- sons et des Crustacés, édition italienne, 1787-1789) dans les appen- dices de l'estomac d'un Crustacé , un Crabe , le Cancer depressus. Cavolini a figuré les tubes appendiculaires de cet estomac avec les Grégarines qu'ils renferment. (Voir la traduction allemande de Zimraermann, 1792).

Ensuite, elles ont été observées, dans le premier quart de ce siècle, par Ramdohr et par Gaede , entomologistes allemands , qui ont fait des travaux nombreux sur l'anatomie des Insectes et qui, dans le cours de ces travaux , ont rencontré des Grégarines , car les Insectes sont une des classes d'animaux qui renferment le plus de ces parasites.

Le môme fait s'est présenté pour notre célèbre entomologiste Léon Diifour , qui a passé toute sa vie à disséquer des Insectes et a trouvé ainsi un grand nouibre de formes de Grégarines (voir les Annales des Sciences naturelles de 1826 à 1837). Il a décrit et figuré diverses formes de Grégarines ainsi observées chemin faisant. C'est même Léon Dufour qui a donné à ces organismes le nom de Grégarines , du mot grex , troupeau , parce que c'est par troupes plus ou moins nom- breuses qu'on les trouve ordinairement réunies dans le tube intestinal. Léon Dufour se trouvant , pour la première fois , en présence d'orga- nismes qui lui étaient inconnus, chercha aies classer et en fit des Vers voisins des Distomes ou Douves ; il leur décrivit même une bouche ,

LES SPOROZ AIRES.

située comme chez certains Distomes, vers la partie moyenne du corps. Cet espace clair central qu'il prit pour une bouche, c'est le noyau. Il est curieux que la même erreur ait été commise par Cavolini , dont Léon Dufour ignorait la découverte. Cavolini a considéré aussi les Grégarines comme des Vers , et , les trouvant placées à la suite l'une de l'autre, il a cru voir un petit Tsenia composé de deux articles, dont chacun aurait une bouche. C'étaient les noyaux des deux Grégarines placées l'une devant l'autre.

En 1837 . Siebold prenait encore les Grégarines pour des œufs d'Insectes, près de dix ans après L. Dufour, dans son Mémoire sur les spermatozoïdes des Invertébrés [Aixh. de Mùller , 1837) ; il parle incidemment, dans une note, de Grégarines, qu'il considère comme des œufs d'Insectes. Cependant , il n'a pas lardé à reconnaître son erreur, et , en 1839 , dans ses Contributions à l'histoire des Animaux invertébrés, il les reconnaît pour des animaux. C'est même lui qui a signalé l'extrême intérêt que présente leur étude. Aussi, est ce à cette époque que les travaux se multiplient, et l'on peut en citer un grand nombre dus à Henle, KôUiker. Meckel. Franlzius, Stein. etc. Stein. avant de s'occuper de ses vastes travaux sur les Infiisoires . était un entomologiste très distingué, et s'était beaucoup occupé de l'anatomie des Insectes. Il a indiqué ainsi pas moins de 68 espèces de Grégarines. Frantzius, comme Stein, a trouvé des Grégarines chez les Myriapodes ; mais Siebold est le premier qui, depuis Cavolini, les ait observées chez les Crustacés : il en a trouvé une belle espèce dans la Crovettine d'eau douce, le Garmnarus pulex. Léon Dufour avait décrit une espèce dans le Lombric terrestre , sous le nom de Proteus teviax. Kôlliker en avait signalé beaucoup dans un grand nombre de Vers de la côte napolitaine.

Stein et ses devanciers connaissaient au moins quatre-vingts espèces de Grégarines , et , depuis cette époque, ce nombre n'a fait que s'ac- croître. Nous verrons , quand nous traiterons des conditions de leur existence , pourquoi on trouve des Grégarines dans certains Insectes , tandis que chez d'autres on n'en rencontre jamais.

LES GREGARINES.

A une époque plus rapprochée de nous, un grand nombre de natura listes se sont occupés aussi de la structure et du développement des Grégarines, questions sur lesquelles Stein, en 1848, avait déjà jeté une vive lumière.

Nous trouvons d'abord un mémoire très intéressant de Lieberkiihn , écrit en français, pour concourir à un prix institué par l'Académie des Sciences de Belgique , ( Mémoires couronnés de cette Académie , 1854). C'est la monographie d'une espèce de Grégarine du Lombric terrestre, indiquée antérieurement par Léon Dufour , Henle , Stein. Nous verrons quelle est l'idée qu'il s'est faite de l'évolution de cette espèce, idée adoptée depuis par beaucoup de naturalistes, qui n'ont pas cherché à la vérifier, mais critiquée depuis peu par M. Aimé Schneider, professeur à la Faculté des Sciences de Poitiers. (Thèse pour le doctorat es sciences naturelles '4875). Nous aurons, en effet, à revenir sur ce sujet.

Après Lieberkiihn, nous trouvons Ed. van Beneden, qui a publié une petite iiionographie sur une espèce trouvée par lui chez un Crustacé , la Grégarine géante du Homard , laquelle ne mesure quelquefois pas moins de seize millimètres et qui, par conséquent, est , non seulement la plus grande espèce de Grégarine que l'on connaisse, mais encore le plus grand des Protozoaires.

Ray Lankester, dans un travail sur les Grégarines ou Monoct/s^es du Lombric et du Siponcle (Quart. Jow^n. of. Micr. /Se, 1866 et 1872) est généralement favorable aux idées de Lieberkiihn, qui sont aussi celles de Van Beneden. Enfin, se présente un mémoire beaucoup plus important que les précédents , la thèse de M. Aimé Schneider, dont nous venons de parler plus haut. C'est une monographie du groupe tout entier des Grégarines, non seulement au point de vue de leur structure , de leur organisation et de leur développement , mais encore relative à la des- cription d'un grand nombre d'espèces nouvelles. Mais elle ne donne pas de classification de ces êtres, l'auteur trouvant ces essais de classi- fication encore prématurés.

Le dernier mémoire, ou le plus récent, que je citerai, est de Biitschli

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8

LES SPOROZOAIRES.

[Arch. de Siebold et de Kôlliker, T. XXXV, 1881). C'est un travail approfondi ; et , en effet , c'est la le point faible de la plupart de ces études : beaucoup d'auteurs ont vu, mais ont vu superficiellement, Biitschli s'est attaché à examiner avec attention certains points de l'histoire de ces animaux, et c'est à quoi il a consacré ce mémoire.

F G. 1. Gregarina gigantea , d après E. van Beneden.

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FiG. 2. Céphalin du Geneio- rhynchus Monnieri (d'après A. Schneider u

Dans cette énumération , je n'ai cité que les travaux principaux et j'ai passé sous silence ceux dans lesquels il n'est question des Gréga- rines que d'une manière incidente. P. Hallez en a décrit plusieurs for- mes dans la Planaria fusca (Contribution à Vhistoire naturelle des Turbellariés, 1879), et A. Giard , dans une Ascidie composée, YAma- roecium punctum.

LES GREGARINES.

Ajoutons encore des observations de Gabriel, qui eut des idées très singulières sur tous les points. D'ailleurs . nous ne connaissons qu'une ou deux communications préliminaires {Zoologischer Anzeiger, 18S0). Gabriel , qui malheureusement est mort depuis , a proposé une classification des Grégarines , basée , non plus comme celle de ses devanciers, sur la morphologie, mais sur l'histoire du développement. Mais comme l'histoire du développement des Grégarines n'est connue que d'une façon assez sommaire, on trouve dans ce travail des idées très singulières et très éloignées de celles qui sont généralement reçues, non-seulement à propos des Grégarines , mais encore à propos du groupe entier des Protozoaires.

Après ce court exposé historique sur cette famille , nous avons à rechercher d'une manière générale , mais cependant suffisamment approfondie, quels sont les caractères des Grégarines qui, depuis 4845, avaient déjà été assimilées par Kôlliker à de simples cellules, comme tous les Pro'ozoaires , car Kôlliker et Siebold sont les principaux champions de la doctrine de l'unicGllularité dos Protozoaires, doctrine adoptée ensuite par presque tous les naturalistes.

La forme extérieure de ces êtres est celle d'un sac allongé, cyhn- drique, plus ou moins long, formé par une enveloppe close de toutes parts, sans ouverture aucune et, par conséquent, sans bouche ni anus, sans trace de tube digestif. Les Grégarines se nourrissent donc par endosmose, comme de simples cellules , à travers la paroi qui forme l'enveloppe du corps. Ce sac présente une longueur variable et peut atteindre, comme nous l'avons dit, jusqu'à seize millimètres. D'autres espèces ne mesurent que quelques centièmes de millimètre.

Dans la plupart des espèces , ce sac ou tube subit . à sa partie anté- rieure, un étranglement qui sépare . en avant, un petit segment tantôt hémisphérique, tantôt en Ibrme de cou plus ou moins allongé. Ce petit segment antérieur est ce que Stein désigne sous le nom de tète ou partie céphalique ; le reste est le corps. Telles senties désignations qu'emploient les auteurs allemands. Cette cloison transversale qui divise la cellule en deux parties a été observée, pour la première fois.

10 LES SPOROZOAIRES.

par Stein , et c'est lui qui a proposé les termes pour désigner les diffé- rentes parties. Quelquefois , il y a deux cloisons , de sorte que le corps est divisé en trois segments. Les Grégariiies ainsi divisées en plusieurs cavités sont réunies dans le groupe des Polycystidèes ^ par opposition aux Monocystidées qui n'ont qu'une cavité intérieure. Ces dénomina- tions de Stein ont été généralement adoptées et acceptées par les auteurs, jusqu'au moment M. A. Schneider a publié sa thèse , dans laquelle il propose de nouvelles dénominations. Quand la Grégarine présente trois segments , et c'est le nombre maximum , ces segments sont désignés par lui , d'avant en arrière , par les noms à'êpimèrHe , protomérite eldeutoméi^le. Quand il n'y a que deux segments , c est le segment antérieur ou épimérite qui manque ; c'est lui qui peut se surajouter aux autres ou s'en séparer, et c'est lui qui porte ces appendices divers , crochets , disques étoiles , etc. , dont nous avons parlé. Ces appendices rappellent beaucoup les organes de fixation qu'on trouve chez quelques Vers intestinaux, chez les Echino- rhynques, et c'est pour cela que certains auteurs anciens avaient pris les Grégarines pour des Vers intestinaux.

Quant aux appendices consistant en des poils ou soies raides qui for- ment un revêtement à l'animal tout entier, comme on l'a observé chez quelques individus de la Grégarine ou Monocysiis du Lombric , par exemple , Stein et Lieberkiihn les ont considérés comme normaux ; mais Lieberkiihn avait admis que l'animal pouvait subir une mue, parce qu'il avait vu souvent des Grégarines de cette espèce libres et nues dans leur enveloppe villeuse. M. Schneider doute beaucoup de la réalité de cette mue , et il a raison , mais il ne sait comment l'inter- préter. Cependant, Adolf Schmidt l'avait déjà expliquée, en 1854, dans un très bon travail sur ce Monocysiis. 11 avait très bien vu ce qui se passe dans ce cas. Cette Grégarine vit dans le testicule du Ver de terre, à l'intérieur des cellules se développent les spermatozo'ides. Or , on sait que pendant le développement des spermatozo'ides, chez presque tous les animaux , et notamment chez le Lombric , on trouve des vési- cules claires qui portent à leur surface des cellules filles nées par

LES GREQARINES.

ii

bourgeonnement: c'est dans ces cellules que se trouvent les jeunes Grégarines En grandissant, les spermatozoïdes leur forment une enveloppe villeusc qui n'appartient pas au tégument de la Grégarine , et qui lui appartient même si peu, que quand celle-ci est complètement développée, elle la rejette. C'est ce qu'avait vu Lieberkûhn. et ce qu'il avait pris pour une mue.

FiG. 3. A, Céphalin de VHoplorhynchus oligacanthus; B, G, Bothryopsis hislri. D, E, Dufouria agilis, d'après A. Schneider.

Les Grégarines présentent , quand on les examine au microscope

^2 LES SPOROZOAIRES.

certains phénomènes qui jettent un grand Jour sur leur vie normale. D'après M. Schneider, en examinant la partie antérieure, par exemple, de certaines Grégarines munies d'appendices , dents ou crochets , comme Y Actinocephalus Dujardini , qui porte un disque entouré de dents, on peut voir l'animal se dépouiller de son disque, qui tombe avec répimèrite. Gela paraît être une mutilation volontaire, comme dit M. Schneider, de l'animal qui continue à se mouvoir, comme s'il n'avait subi aucune modification. La place se cicatrise et l'animal prend une forme beaucoup plus arrondie. Or, cette mutilation à laquelle on assiste, paraît se i)roduire dans la vie normale de l'animal, qui comprendrait dès lors deux phases : une première phase avec l'appareil fixateur , et une seconde phase sans cet appareil. Pendant la première , l'animal s'attache à la paroi des organes, du tube intestinal, etc., et reste com- plètement immobile. Puis , il se débarrasse de cette partie avec son épimérite, prend une forme plus arrondie et devient errant dans la cavité du corps de l'hôte qu'il habite. M. A. Schneider, qui, le premier, a distingué ces deux phases et les deux formes qui les caractérisent , désigne sous les noms de cèphalin la forme stationnaire munie de l'appareil fixateur ( Fig. 2 et 3, A), et de sporadin , la forme libre dé- dépourvue de cet appareil. La partie qui se détache n'est pas seulement l'appareil lui-même, mais l'épimérite qui se sépare en totalité ou en partie , laissant un petit cône qui se confond bientôt avec le protomé- rite. Ainsi, pour connaître la forme réelle d'une Grégarine , il faut la connaître à l'état de cèphalin, c'est-à-dire complète.

Jusqu'à une époque toute récente , on ne connaissait l'état séden- taire que chez les Polycystidées, munies d'appareil fixateur. Biitschlia signalé un état sédentaire chez une Monocystidée ou Grégarine à un seul segment. C'est une Grégarine du Lombric {Monocystis magna), qui atteint jusqu'à cinq miUimètres de longueur. Pendant le jeune âge, cette Grégarine vit la tête enfermée dans les cellules épithôliales du testicule du Lombric. Ces cellules épithéUales sont de deux sortes , quoique toutes vibratiles : les unes sont de petites cellules formant une couche continue : les autres sont des cellules caliciforraes saillantes

LES GRÉGARINES.

43

au-dessus de celles-ci. C'est dans ces dernières que la Grégarine enfonce sa tête, pendant que son long corps sort et pend dans la cavité du testicule. Plus tard, elle se détache et vit libre dans cette cavité.

Il y a des espèces qui vivent associées par couples à côté d'autres individus solitaires ; il en est qui sont toujours accouplées. Les deux individus peuvent être fixés l'un à l'autre par des extrémités semblables , la tête toujours ; elles sont alors dites en apposition. C'est un mode fréquent chez les Monocystidées. Stein avait vu cette réunion chez une Grégarine du Lombric , et avait pris le couple pour un animal unique ; il avait fait de ces formes le genre Zygocysiis [Z. corneia). M. Schneider a observé aussi, chez la Blatta laponica, une Grégarine monocystidée en apposition, le Gamocystis ienax (l).Chez les Polycystidées , la réunion a lieu par des extré- mités dissemblables , la tête d'un individu à la partie postérieure de l'autre , en opposition (Fig. 4.1. Stein avait fait de ces Grégarines, qui vivent toujours deux à deux , le type du genre Gregarina, prenant l'état de réunion pour l'état normal ; exemple : G. ovata du Perce- oreille.

Quand les individus sont réunis par la tête, en apposition, ils sont toujours immobiles ; mo- biles , et souvent même très mobiles , comme s'ils étaient isolés, quand ils sont réunis en oppo- sition. M. A. Schneider pense que les Grégarines réunies ainsi , en opposition ou en apposition , finissent ordinairement par se séparer au moment de la reproduction,

Fig. 4. Clepsidrina Blattarum, individus eu opposition (d'après A. Schneider).

(1) A. Schneider a reconnu depuis que les deux individus de Gamocystis sont placés en opposition comme chez les Clepsidrina et autres genres. ( Voy. Archives de Zool. expér., t. X, p. 443. 1882).

i4 LES SPOROZOAIRES.

et que chaque animal se reproduit alors isolément et pour son compte, dans son kyste ; de sorte que le fait même de la réunion deux par deux lui offre une signification inconnue au point de vue physiologique. D'après les observations de Biitschli , il paraît que c'est une véritable conjugaison , une réunion qui commence de très bonne heure dans le jeune âge ; les individus réunis finissent par s'envelopper d'un kyste commun, dans l'intérieur duquel leur substance se mélange. Le phéno- mène peut donc être considéré comme une reproduction sexuelle. M. A. Schneider ne nie pas que plusieurs individus puissent se réunir dans un même kyste, mais il pense qu'ils étaient d'abord séparés, avant de se réunir dans le kyste commun.

Outre ces deux groupes des Monocystidées» et des Polycystidées, Stein en a admis un troisième , celui des Didymophyides composé de Grégarines présentant une seule tête , deux corps et deux noyaux , c'est-à-dire trois cavités et deux noyaux. Mais KôUiker et M. Schneider ont reconnu que ce n'est pas une forme typique ni générique, mais un mode d'agrégation particuher de deux individus , l'individu postérieur refoulant avec sa tête la partie postérieure de l'animal antérieur, s'invaginant, pour ainsi dire , dans son intérieur et simulant une sorte de cloison. Il en résulte un ensemble qui paraît contenir trois cavités et deux noyaux. C'est le genre Didyinophyies , de Stein , qu'il faut supprimer. D'ailleurs ces espèces n'ont jamais été rencontrées depuis.

LES aREOARINES. 45

II

Abordons maintenant l'étude de la structure intime ou de l'histologie des Grégarines.

Les anciens auteurs, et Stein en 1848, ne distinguaient, dans les Grégarines, que deux parties, une paroi et un contenu. La paroi est formée, suivant Stein. par une membrane simple et facilement permé- able. En effet, cet auteur remarque que toutes les Grégarines. placées au contact de l'eau , se gonflent par absorption du liquide et finissent par éclater. Le contenu est une substance albumineuse. renfermant un grand nombre de corpuscules foncés . à double contour, de forme et d'aspect variables dune espèce à l'autre et tellement abondants qu'ils donnent à l'anirnî»! une couleur laiteuse ou crayeuse. Stein nie l'exis- tence de muscles et de nerfs, et explique les mouvements qu'exécutent les Grégarines par des contractions de la substance centrale du corps. Il s'était donc fait de ces animaux une idée très simple . celle d'une simple cellule.

En 1853. le professeur J. Leidy. naturaliste américain, qui s'est beaucoup occupé des Protozoaires, distingue, entre la membrane d'enveloppe et la substance centrale, une couche spéciale qu'il décrit comme striée longitudinalement, et qu'il appelle couche musculaire ; Leuckart. rendant compte du travail de Leidy dans un des ses Be- richie annuels de VArchivfûr Naturgeschichte (1848-1853). dit qu'il a réussi à confirmer cette observation, mais attribue à la striation une autre signification. Pour lui, elle représenterait un plissement de la tunique, c'est-à-dire serait l'indication d'un état passager. Cette inter- prétation est confirmée par Ray Lankester et E. van Beneden , qui , tous deux, confirment l'existence de cette couche, mais lui donnent une autre signification que Leidy.

En 1872 , E. van Beneden fait un pas de plus dans la connaissance des Grégarines, en étudiant la Grégarine géante du Homard. Il place

46 LES SPOROZOAIRES.

une nouvelle couche entre la membrane externe et la masse centrale, couche qu'il considère comme la véritable couche musculaire des Gré - garines, mais qui n'est point la couche de Leidy, et se trouve entre cette dernière et la membrane extérieure.

Stein n'admettait donc que deux éléments, la membrane d'enveloppe et la masse centrale. Leidy découvre, entre ces éléments, une couche qu'il considère connue musculaire, couche que Leuckart, Ray Lankes- ter et E . van Beneden reconnaissent , mais dont ils attribuent la stria- tion à un plissement et non à des fibrilles. Puis , E. van Beneden dé- crit une autre couche intermédiaire;, sous-cuticulaire, très mince ou à peine plus épaisse que la cuticule homogène, transparente et présen- tant des fibrilles transversales très réfringentes. Ces fibrilles forment des anneaux séparés ou une spirale autour du corps de la Grégarine, et elles apparaissent quelquefois, notamment dans les grandes espèces, avec autant de netteté que la striation des fibres musculaires des Ar- ticulés et des Vertébrés. Pour E. van Beneden, cette striation trans- versale ne serait pas due à des plissements, mais correspondrait à de véritables fibrilles qui seraient situées dans la couche sous-cuticulaire. Il décrit chaque fibrille comme formée de petits corpuscules allongés transversalement, rapprochés les uns des autres et constituant ainsi des anneaux circulaires. Mais la constitution intime de chaque fibrille ne peut être décelée que par de très forts grossissements. En somme, il compare ces fibrilles à celles que l'on observe, tantôt transversales, tantôt longitudinales, chez un grand nombre d'Infusoires ciliés et qui sont considérées comme des fibres contractiles ; et il établit une grande analogie de structure entre les Grégarines et les Infusoires, trouvant, chez les uns et les autres, une cuticule, une couche striée musculaire, une couche de Leidy, qu'il désigne sous le nom de couche corticale , puis, la masse interne correspondant au parenchyme des Infusoires.

Cette interprétation, faite par E. van Beneden, des fibres annulaires des Grégarines n'a pas eu l'approbation de Ray Lankester ni de A. Schneider. Suivant Ray Lankester, ces fibres contractiles ne seraient que des épaississements ou saillies circulaires de la cuticule, d'après

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ses observations sur la Grégarine du Siponcle. Quant à A. Schneider, il ne partage pas non plus l'opinion de E. van Beneden , mais nous devons auparavant exposer ce que dit A. Schneider sur l'organisation des Grégarines, car c'est l'auteur qui les a le mieux étudiées et avecle plus de soin.

11 distingue quatre parties différentes auxquelles il donne des dési- gnations nouvelles. Ce que tous les auteurs appellent cuticule est pour lui Vépicyie ; c'est l'enveloppe de la cellule, sans structure, transpa- rente, quelquefois assez épaisse pour montrer un double contour, et présentant souvent ce que Schneider appelle des stries d'ornement. Ce sont des stries très fines, très serrées, parcourant longitudinalement, quelquefois , mais plus rarement obliquement, l'enveloppe de l'animal. Pour cet auteur , ce sont de simples dispositions ornementales sans signification physiologique. L'épicyte est une membrane azotée , soluble dans l'ucide acétique et dans les alcalis. Au-dessous, est le sarcoci/te , le parenchyme cortical de van Beneden , la couche de Leidy, substance formée par une matière consistante , homogène ou finement granuleuse. Cette couche n'est pas constante; elle peut manquer chez diverses Grégarines . et généralement dans le segment postérieur du corps.

Puis, vient la couche que Schneider indique sous le nom de couche fibrillaire. Ces fibrilles , annelées, spirales , quelquefois anastomosées en réseau à mailles allongées transversalement , seraient placées dans la couche corticale et formeraient avec elle une seule et même couche. Elles ne sont pas non plus un élément constant et manquent chez beau- coup de Grégarines. Elles représentent évidemment ce dont E . van Bene- den fait des éléments contractiles. Nous avons vu que Ray Lankester ne veut y voir que des épaississements ; la manière de voir de Schneider se rapproche beaucoup de celle de Ray Lankester : il ne la considère pas non plus comme contractile , mais pense qu'elle forme comme un appareil de soutènement ou un squelette élastique qui maintient le corps et l'empêche de s'aftaisser. En effet , il donne des raisons très admissibles : elle ne joue pas le rôle d'un élément contractile, car elle

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LES SPOROZOAIRES.

manque chez les Grégarines les plus agiles ; ces espèces , qui man- quent de fibrilles , et même de couche corticale . sont précisément les plus actives . celles qui changent de forme à chaque instant , par exemple , le Boihryopsis hisirio des Coléoptères aquatiques. (Fig. 3, B,C).

Il y a aussi des Grégarines qui présentent des dispositions in- verses , c'est-à-dire qui montrent tous les détails des fibrilles d'une manière très nette, par exemple, le Clepsidrina Munieri, et qui n'ont, au contraire, que des mouvements très lents, quelquefois nuls. D'autres fois encore , le protomérite , c'est-à-dire la partie qui le plus souvent est nmuie de la couche fibrillaire , reste immobile, tandis que le deu- tomérite, dépourvu de fibrilles , est actif.

M. A. Schneider distingue, dans la structure des Grégarines, quatre types difl'érents.

Fig. 5. Figures schématiques des quatre types de structure, d'après A. Schneider.

Dans un premier type , (Fig. 5, A) on reconnaît les deux couches : épicyte et sarcocyte avec fibrilles ainuilaires dans les deux segments. C'est une couche d(3sarcocy te pur qui forme la cloison, tantôt simple , tantôt double, qui sépare le corps de la Grégarine en épimérite, proto- mérite et deutoraérile. La cloison ne renferme jamais de fibrilles , ce que E. van Beneden avait déjà signalé {Clepsidrùm Munieri).

LES GREGARINES. ^9

Dans un deuxième type , {B),on trouve les mêmes couches , mais ^es fibrilles manquent. Tel est le Geneiorhynchus Monnieri , des larves des Libellules. (Fig. 2.)

Un troisième type (G) présente les mêmes caractères dans le segment antérieur, mais dans le segment postérieur on ne reconnaît que la cuticule et la masse centrale {Stylorhynchus , etc.)

Enfin, dans le quatrième type (D), il y a absence complète de sarco- cyte. dans le protomérite comme dans le deutomérite, et l'épicyte ou cuticule s'applique partout sur la masse interne. La cloison est ici membraneuse, très mince, quelquefois très flasque, presque flottante, s'élevant comme un diaphragme. 11 est probable qu'elle est alors formée par un prolongement de la cuticule. Tels sont les Actino- cephalus Dujat^dini, Dufouria agUis{Fig. 3, D. E.), etc.

Examinons maintenant la structure de la masse centrale , que Stein appelle tout simplement le contenu , le parenchyme médullaire de E. van Beneden, Yentocyte de Schneider, et à propos de ce dernier, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que ces nouvelles dénomi- nations étaient inutiles , car elles désignent des parties que nous connaissons chez d'autres Protozoaires : l'épicyte est la membrane d'enveloppe, la cuticule que l'on trouve chez les Infusoires, les Rhizo- podes , etc., le sarcocyte est l'ectosarc ou ectoplasme, l'entocyte est l'endosarc ou endoplasme. Il n'était donc pas utile de créer de nouveaux noms quand il en existait déjà qui s'appliquaient fort bien.

L'entocyte renferme deux parties : d'abord , des granulations très abondantes , sphériques ou irrégulières , très réfringentes qui , dans certaines situations du microscope , présentent un double contour , par exemple , quand on ajuste le foyer sur un point de la périphérie. Ce caractère optique avait conduit Stein à voir dans les granules des globules graisseux. Ceux-ci, très abondants, donnent quelquefois à l'animal une apparence laiteuse et même peuvent le rendre aussi opaque que la craie. Outre ces corpuscules, l'entocyte renferme un liquide qui tient les granules en suspension. C'est le

20 LES SPOROZO AIRES.

mètaplaume de Schneider et c'est lui qui jouerait peut-être le rôle contractile. Cette interprétation mérite, en effet, d'être vérifiée.

Antérieurement à Stein, Henle croyait que les granulations étaient formées par des sels de chaux : il les avait vues entrer en effervescence avec l'acide sulfurique, (ce qui doit être une erreur). Biitschli a publié un travail spécial {Arch. f. "tnikr. Anat. 4870) sur ce sujet et sur les granules de certains Infusoires parasites. Il a reconnu qu'ils sont insolubles dans les acides organiques , même forts . et dans les acides minéraux faibles , mais très solubles dans les acides minéraux concen- trés ; insolubles dans l'alcool , l'éther, et le mélange de ces deux liquides . même à chaud. Mais ils sont très rapidement solubles dans les solutions alcalines : les granules se gonflent et disparaissent com- plètement ou presque complètement. L'iode donne la réaction la plus caractéristique : les granules prennent une teinte rouge brun , vineuse ou violacée , et avec l'acide sulfurique passent au bleu violet". Biitschli en conclut qu'il s'agit d'une substance animale, amyloïde, substance azotée , mais qui présente quelques réactions de l'amidon. Ces sub- stances amylo'ides , dont l'origine est ordinairement pathologique et se trouvent dans certaines dégénérescences du foie ou de la rate ( Kiihne etRudnew), ainsi que leur coloration en violet ou en rouge brun par l'iode, étaient déjà connues : moi-même et Leidy les avions signa- lées, il y a longtemps.

Il y a des Grégarines qui , sans l'emploi des réactifs , sont très colorées , en jaune , rouge , orange , etc. Ce n'est pas la couleur naturelle de l'animal , mais le résultat d'une imprégnation par une matière colorante qui se trouve dans l'intestin de l'hôte. Ainsi, il y a un Chrysomchen, le Timarcha tenebricosa, dont l'intestin est imprégné d'une matière colorante rouge ou orangée. Cet insecte héberge une Grégarine, le Clepsidrina Munieri , que l'on trouve alors colorée en rouge ou en orange.

Une autre Grégarine, très connue, se trouve à volonté dans les vers de farine, c'est-à-dire les larves du Tenehrio molitor , insecte qui infeste toutes les boulangeries mal tenues ; c'est une

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Grégarine très curieuse , le Clepsidrina polymorpha , qui a absolu- ment la forme d'un canon. Elle présente deux parties , un protomérite qui forme la bordure de la gueule du canon et qui renferme à peine quelques granules , et un deutomérite qui représente tout le corps du canon et la culasse, et qui contient , au contraire, un si grand nombre de granulations qu'il est opaque et crayeux.

Un élément constant est le noyau. Les premiers observateurs avaient vu ce noyau , mais sans l'interpréter. Gavolini l'avait signalé , mais l'avait pris pour la bouche. L. Dufour l'avait vu , mais avait commis la même erreur, le prenant aussi pour la bouche d'un Distome. Kôlliker l'a reconnu comme noyau de cellule , ce qui l'a conduit à considérer les Grégarines comme des cellules simples. lien est de même de Stein, qui, en raison du volume de ce noyau, le compare à la vésicule germi- native de l'œuf. Mais il ''efuse, néanmoins, de voir dans les Grégarines de simples cellules , à cause des cloisons qui les segmentent , et qu'on ne voit jamais dans les cellules ordinaires. Aujourd'hui , ce ne serait pas une raison . car les cellules des Protozoaires s'éloignent des cellules simples par bien d'autres caractères , ce qui n'empêche pas qu'on les regarde généralement comme des cellules simples. Ce noyau est toujours situé dans le deutomérite ou deuxième segment du corps. Quelquefois , il est très rapproché de la cloison du protomérite , mais il ne la franchit jamais, circonstance déjà observée par Stein.

Les Grégarines n'ont ordinairement qu'un seul noyau , mais on a décrit des Grégarines sans noyau et d'autres avec deux noyaux. C'est Stein qui a signalé ces dernières , et qui a décrit les Didymophyies , Grégarines qui ont une tête et deux cavités abdominales dont chacune renferme un noyau. Nous avons dit que ce n'est pas un animal , mais deux animaux réunis et dont l'un emboîte sa partie antérieure dans la partie postérieure de l'autre. Stein a décrit le Didymophyies gigantea, dont les deux segments n'ont pas de noyaux, puis, le D. paradoxa qui possède deux noyaux. Ces deux noyaux appartiennent à deux individus réunis bout à bout. Cependant quelques auteurs ont décrit des Grégarines de forme simple possédant deux noyaux.

LES SPOROZOAIRES.

La Térebelle, d'après Kôlliker, contiendrait une Gregarina Terebellœ à deux noyaux. Leidy a vu aussi une Grégarine à deux noyaux chez un Myriapode , YTulus 7narginatus . Udekem a vu aussi deux noyaux chez le Monocysiis du Lombric . et enfin . Schneider kii-même dit avoir rencontré quelques exemplaires de la Grégarine géante , de van Beneden , présentant aussi deux noyaux. Tous ces individus à deux noyaux peuvent être considérés comme des formes anormales ; comme règle générale , il n'y a qu'un noyau qui est placé dans le segment postérieur.

La forme ordinaire du noyau est sphérique , ovoïde , elliptique ; sa membrane paraît élastique ; il est flottant dans la mase du corps et se déplace suivant les mouvements de l'animal. Presque toujours , il est muni d'un nucléole central. C'est un nucléole histologique ordinaire ; Y endoplastule des Infusoires n'existe pas chez les Grégarines. Le nucléole est ordinairement simple , sphérique , quelquefois multiple , {Bothryopsis , Geneiorhynchus). Si l'on suppose les nucléoles très nombreux . très petits , on arrive à une sorte d'amas de granulations très fines . figurant comme une poussière au centre du noyau. [Aciinocephalus). On trouve des variations analogues dans les cellules ordinaires, notamment dans les œufs, et cela, non seulement entre des œufs de même âge , mais entre des œufs d'âge différent (Auerbach). Mais E. van Beneden a fait, relativement au nucléole , une observa- tion bien plus intéressante : il a vu que . chez le même animal . le nucléole se transforme incessamment.

Ainsi . la Grégarine géante possède à un moment donné un gros nucléole; un moment après, il apparaît dans le noyau des corpuscules qui grossissent à vue d'œil, pendant que le nucléole s'efiace et finit par disparaître , remplacé par un plus ou moins grand nombre de corpus- cules, dont les uns prennent le même volume que le nucléole disparu, tandis que les autres s'effacent. Il y a même un stade le noyau paraît complètement dépourvu de nucléole, Ed, van Beneden a vu toutes ces variations se produire dans l'espace de vingt-cinq minutes.

Ce sont des phénomènes histologiques très curieux . et il paraît

LES GREGARINES. 23

que des faits analogues d'apparition et de disparition de nucléoles ont été observés par un observateur russe, Svierczewski, dans les cellules ganglionnaires de la Grenouille {Med. Ceniralhlatt, 1869).

En dehors du noyau, la masse centrale ne renferme aucun autre élément défini : pas de vésicule contractile, ce qui différencie les Grégarines des autres Protozaires, les Infusoires et les Rhizopodes, par exemple, chez qui les vésicules contractiles sont ordinaires. Quelle que soit la fonction qu'oji attribue à ces vésicules, il faut admettre que, chez les Grégarines, cette fonction s'exerce par la peau, qui respire, excrète, absorbe, car elles sont dépourvues de tout appareil digestif. Ce sont donc les Protozaires les plus simples, puisque la seule diffé- renciation qu'on remarque dans leur corps se réduit, chez certaines espèces, à une division du contenu en deux ou trois parties, par une ou deux cloisons.

Jetons un coup d'œil rapide sur la façon dont s'accomplissent les fonctions de la vie animale, sensibilité et mouvements. Ces fonctions ne manquent pas ; les mouvements sont, souvent même, assez énergiques Cependant, ils diffèrent beaucoup, au point de vue de la vivacité , sui- vant la période de la vie de l'animal. On sait que les Grégarines pas- sent une partie de leur existence fixées h la paroi des organes do leur hôte. Pendant ce temps, elles n'exécutent que quelques très légers mouvements volontaires, mais elles sont beaucoup plus actives quand elles ont abandonné leur point d'appui et vivent libres dans le tube intestinal ou la cavité du corps de l'hôte. Cependant, quelques-unes ; même dans cet état, paraissent absolument inertes, les Zygocyslis et les Gamocystis, par exemple, qui vivent réunies deux par deux.

A l'état solitaire, la plupart des Grégarines se meuvent, et-même, quel- quefois, avec beaucoup d'activité, comme \e Monocystis agilis. Ce n'est pas sans une certaine justesse que Stein les a comparées à des Euglènes sans filament, en raison de leur contractilité. Les Polycystidées ont aussi des mouvements très énergiques, mouvements de deux sortes : un mouvement, très singulier, de translation totale, rectiligne, uni- forme ; l'animal paraît glisser tout d'une pièce sur le porte-objet. Il

24 LES SPOROZOAIRES.

peut aller à droite, à gauche, suspendre son mouvement, le reprendre ; il est libre de son allure. Ce mouvement peut être exécuté par des individus solitaires et par des individus associés. Quelle est la cause de ce transport ? Les auteurs l'ignorent absolument. C'est un de ces curieux mouvements durant lequel on ne voit rien se passer, soit à l'ex- térieur, soit à l'intérieur de l'animal. On sait que les Planaires et autres Turbellariés glissent ainsi d'un mouvement uniforme , mais ils ont des cils vibratiles sur toute la surface du corps ; chez les Grégarines, on n'en a jamais vu. Raj Lankester a parlé d'une ondulation imper- ceptible du sarcode ; mais ces animaux sont limités par une membrane qui n'a rien de sarcodique, car on y verrait adhérer les corpuscules ambiants, en raison de la nature glutineuse du sarcode. On sait que c'est aussi par des ondulations imperceptibles du sarcode qu'on a voulu expliquer le mouvement des Navicules, et comme les Diatomées sont limitées par une enveloppe solide, siliceuse, on a dit que, chez les Navicules, il y avait au fond du sillon médian une bande de sarcode nu, qui opérait des mouvements d'ondulation très rapides. Mais ce sont de simples hypothèses. D'ailleurs, Schneider fait remarquer que, s'il se produisait des ondulations quelconques, on devrait observer un mouvement corrélatif dans les granulations intérieures ; or, c'est ce qu'on ne voit jamais. En réahté , la cause de ce mouvement de translation est aussi inconnue que le mouvement analogue des Diatomées.

La seconde sorte de mouvement qu'on remarque chez les Grégarines consiste en mouvements de contraction qui se passent dans le corps, quelquefois très actifs, vermiformes, à l'aide desquels, par exemple, elles se fraient un chemin à travers les matières de l'intestin, d'une manière qui paraît volontaire. Ces mouvements de contraction, très prononcés, donnent quelquefois à l'animal un aspect bizarre , c'est à quoi le Bothryopsis histrio doit son nom.

Quelquefois il se produit des inflexions brusques du corps : la partie postérieure se déjette tout-à-coup et s'aplatit contre la partie anté- rieure, et cela plusieurs fois de suite. Ces mouvements de contraction

LES GREGARINES. 25

sont d'autant plus prononcés que la longueur du corps l'emporte sur la largeur. Chez la Grégarine du Homard , qui a jusqu'à 16'"°' de long sur 0""" 15 de large, la cause de ces contractions est, pour E. van Beneden et Leidy, dans la couche contractile, ce que conteste Schneider, qui nie la nature contractile de cette couche et n'admet pas qu'elle puisse être la cause du mouvement. En effet, il n'a pas constaté ces anneaux contractiles chez une espèce des plus agiles , le Bothryopsis histrio. Ces fibres sont , au contraire , très prononcées chez le Clepsi- drina Munieri , une des Grégarines les plus inertes qu'on connaisse. Il faut donc repousser l'explication de van Beneden et de Leidy, En somme, les auteurs ne sont pas plus d'accord sur la cause des mouve- ments de contraction que ;ur celle des mouvements de translation.

Il est assez singulier, à ( e propos, de voir M. Schneider, qui nie la nature contractile de ces fibrilles et en fait de simples épaississements du sarcocyte , s'appuyer sur leur existence pour défendre l'animalité des Grégarines, Il semble qu'il ne devait pas invoquer cette raison, quand on sait qu'il y a, chez les végétaux, un grand nombre de vaisseaux à épaississements annelés, réticulés, spirales, II s'appuie, avec plus de raison, sur l'énergie des mouvements, par exemple, quand il y a cette contractilité brusque qui replie une partie du corps de la cellule contre l'autre.

Toutes les espèces de Grégarines vivent en parasites dans l'intérieur des animaux, mais il est remarquable qu'on n'a encore trouvé de véritables Grégarines que chez les Invertébrés, Les Vertébrés n'ont pas encore donné de vraies Grégarines , et elles sont remplacées chez eux par une autre forme de Sporozoaires , les Psorospermies ovifor- raes ou Coccidies , qui ont une grande affinité avec les Grégarines, mais ne leur appartiennent réellement pas. Chez les Vertébrés, on trouve aussi une autre forme de Sporozoah'es, celles qu'on appelle Myxosporidies ou Psorospermies des Poissons. Celles-ci ont des affinités beaucoup plus lointaines avec les Grégarines.

Enfin , on trouve aussi des Coccidies chez les Invertébrés. Ainsi, chez certains Mollusques céphalopodes et gastéropodes, on trouve

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26 LES SPOROZOAIRES.

des Psorospermies oviformes ou Goccidies, et par conséquent , ces êtres existent dans les deux embranchements des animaux , tandis que les Grégarines manquent chez les Vertébrés.

Chez les Invertébrés , même , les Grégarines ne sont pas uniformé- ment répandues. Elles sont inconnues chez les Mollusques, qui ren- ferment, au contraire, des Goccidies, on les trouve chez les Ascidies simples et composées , (Ascidia mamillaris, Kôlliker ; Amarœcium punctum, Giard); mais c'est surtout chez les Vers qu'on les trouve en abondance, lesTurbellariés, les Planaires, les Némertiens fKôlHker, A. Schneider), les Géphyriens. On les rencontre chez tous les Vers libres , rarement chez les Vers parasites. Ainsi, les Cestoïdes ou Taenias, les Acanthocéphales, les Trématodes ou Distomes, les Néma- toides parasites ne présentent que très peu de Grégarines, et Aimé Schneider va même jusqu'à nier l'existence de ces Sporozoaires dans tous les Vers parasites.

Quant à moi, j'en connais deux exemples : VOxyurus ornatus des Batraciens, une Grégarine a été signalée par Georg Walter (Zeitschr. f. wiss. Zool. t. IX, 1858), et Y Echinorhynchus proteus des Poissons d'eau douce, qui a fourni à M. Henneguy des Grégari- nes en voie de développement. Moniez en a trouvé aussi des kystes dans V Echinorhynchus proteus. 0. F. Miiller, avait déjà signalé ce fait, quoiqu'il l'eût interprêté d'une manière inexacte.

Mais leur véritable domaine est le monde des Insectes , des Myriapodes et des Crustacés , bien qu'elles soient assez rares chez les Crustacés ; c'est cependant chez le Cancer depressus , que les Grégarines ont été observées pour la première fois par Cavohni. Siebold en a vu aussi une belle espèce dans un petit Crustacé commun, le Gammarus pulex ,h^<i\i\mxm. dans le Gammarus puteanus et E. van Beneden a trouvé le géant des Grégarines dans le Homard. Les Myriapodes sont une véritable mine de Grégarines et c'est chez ces animaux qu'elles sont le plus fréquentes. Ainsi, le Lilhohius forficalus en contient jusqu'à trois espèces : VAdeliaovata. VAcUnoce- phalus Dujardim , V Echinocephalus hispidus; chez un lulus, on trouve un Stenocephcdus , etc.

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28 LES SPOROZOAIRES.

Les Grégarines s^^nt très fréquentes aussi chez les Insectes. C'est en disséquant des Insectes que les premiers auteurs ont découvert une foule d'espèces de Grégarines ; car, jusqu'à l'époque de Stein (1848), on n'en comptait pas dans moins de 68 espèces distinctes. Depuis lors, ce nombre n'a fait qu'augmenter; mais, même chez les Insectes, leur distribution dans les diverses familles présente des traits intéressants, comme l'a montré M. Aimé Schneider dans son mémoire cité.

Rares ou absentes chez les Insectes qui mènent une vie aérienne , à l'état parfait ou sous forme de larves, les Lépidoptères et les Hyménop- tères, elles sont fréquentes chez les espèces, surtout chez les larves, qui vivent dans la terre, comme le Ver blanc du Hanneton , dans le fumier, comme le Géotrupe ; fréquentes aussi chez les Insectes dont les larves sont aquatiques , Diptères, Hémiptères, Névroptères, comme les Libellules, qui fournissent le Geneiot^hynchus Monnietn, VHoplo- rhynchus oligacanthus ; chez les Phryganides , les Mystacides .

Les Coléoptères et les Orthoptères renferment aussi beaucoup de Grégarines les Blaps , par exemple , renferment le Stylorhynchus longicollis, le Tenehrio molUor contient le Clepsidrina polymorpha ; les Blattes sont très souvent remplies du Clepsidrina Blatiarum. etc.

On peut dire que les Polycystidées vivent dans les Articulés , et les Monocystidées dans les autres Invertébrés. Cependant , il y aussi des Insectes qui renferment des Monocystidées.

Au point de vue de l'organe que le parasite habite , il a y a des distinctions intéressantes à faire. Toutes les Polycystidées habitent le tube digestif, mais quand les Articulés renferment des Monocystidées , celles-ci siègent aussi dans le tube digestif. Chez les autres Invertébrés, l'on n'a encore trouvé que des Monocystidées, celles-ci peuvent habiter l'intestin ou la cavité générale du corps.

Le régime de l'hôte exerce aussi une influence appréciable sur la présence ou la fréquence des Grégarines. Elles sont très fréquentes chez les carnassiers , les coprophages, ou les omnivores, qui vivent dans des conditions faciles d'infection. Elles sont rares ou absentes chez les espèces dont le régime est herbivore comme les Lépidoptères.

LES GREGARINES. 29

Enfin, l'influence du genre de vie de l'hôte joue un rôle très important dans le développement des Grégarines, Ainsi , les Insectes qui vivent dans des milieux humides et sombres trouvent, dans ce milieu et cette humidité, des conditions favorables à la maturation des kystes , ces réservoirs dans lesquels s'élaborent les propagules des Grégarines. Ces kystes, rendus avec les excréments, se développent alors facilement, arrivent à maturité , les spores se répandent et sont absorbées par les animaux, qui s'infectent.Les Insectes qui vivent au grand air, trouvent, au contraire, des spores qui se dessèchent, se détruisent, et ils échappent à l'infection.

30 LES SPOROZOAIRES.

III

L'étude du développement des Grégarines est l'un des plus curieux et des plus intéressants chapitres de l'histoire des Protozoaires, car elles présentent dans leur propagation des phénomènes qui rappellent par leur complexité ceux de la conjugaison des Infusoires.

Les anciens naturalistes, qui prenaient les Grégarines pom* des larves d'Helminthes, ne s'étaient que très peu préoccupés de leur propagation. Kolliker, en 1845, émit, pour la première fois, l'idée qu'elles étaient des organismes unicellulaires, et qu'elles devaient par conséquent se multiplier à la manière des cellules simples. On sait que Kolliker avait alors établi un schéma de la division des cellules, dans lequel le noyau se divisait en deux parties, et autour de ces deux noyaux se groupait la substance cellulaire ou protoplasma. C'était la génération endogène des cellules. Kolliker supposait donc que les Grégarines, en raison de leur nature unicellulaire, se multipliaient de la même manière.

Cette hypothèse était basée sur des observations incomplètes, et Kolliker interprétait d'une manière inexacte des faits parfaitement réels. Dans un second travail {Zeitschr. f. wiss. Zool, t. 1. 1849), il se montre moins affîrmatif sur cette multiplication des Grégarines adultes par division, et il avance que leur propagation peut s'expliquer par la segmentation de la substance de l'organisme pour former des germes,

La première connaissance que l'on a eue des kystes dans lesquels les Grégarines s'enferment pour se multiplier remonte à 1835, et appartient à Henle, alors prosecteur à Berlin, 11 mentionna l'existence de ces kystes dans un petit travail inséré dans les Archives de Mùller et relatif aux organes générateurs des Annélides et des Gastéropodes hermaphrodites. Etudiant les organes génitaux du "Ver de terre commun, il y trouva un grand nombre de corpuscules fusiformes

LES GREGARINES. 31

qu'il compara , pour la forme , à des graines de courge. Il fut frappé de l'analogie qu'elles présentent avec les Navicules , Diatomées qu'alors on regardait généralement, avec Ehrenberg, comme des animalcules. 11 les considéra comme des organismes parasites qui devenaient libres par la rupture du kyste qui les renferme en grandes quantités, et il crut même avoir découvert, sous la coque transparente et solide, la trace d'un petit intestin.

En 1819, von Siebold, dans son célèbre mémoire : Contribulions à l'histoire naturelle des Invertébrés, signale l'existence de ces kystes dans le SciarranitidicoUis, Insecte diptère dont l'intestin héberge une Gregarina caudala, aujourd'hui du genre Actinoceplialus de Stein. Il reconnut les corpuscules signalés par Henle et fut frappé de leur ressemblance avec une navette de tisserand ; c'est pour cette raison qu'il leur donna le nom de nai'icelles , et c'est sous ce nom que ces éléments sont encore connus aujourd'hui.

A côté d'eux, Siebold vit des kystes dont le contenu était divisé en deux, et il comprit qu'ils représentaient des phases moins avancées. Mais, il n'avait pas trouvé leur relation avec la Ch'egav'ina caudata qu'il rencontrait en même temps ; par conséquent, tout en ayant bien reconnu la relation qui pouvait exister entre les diverses espèces de kystes, il n'avait pas rattaché ceux-ci aux Grégarines qui les accompa- gnaient.

H. Meckel, en 18-14, dans la glande génitale du Ver de terre, trouva les mêmes vésicules qu'avait déjà signalées Henle ; mais par une singulière erreur, il les prit pour les œufs du Lombric ; et comme il les vit mêlées en grand nombre aux spermatozoïdes , il crut avoir trouvé un état hermaphrodite du Lombric , comme il en avait constaté un , peu de temps auparavant . chez les Gastéropodes pulmonés. Du reste, ce n'est qu'en 1856 qu'ont été reconnus pour la première fois . par Ewald Hering et d'Udekem , les ovules ovariens du Lombric. Henle réfuta cette erreur et rencontra de nombreuses Grégarines libres , en même temps que ces kystes à navicules , mais il ne constata pas une relation entre les kystes et les Grégarines. Dans ce travail , Henle

32 LES SPOROZOAIÏIES.

révoque en doute la multiplication des Grégarines par division, comme le voulait KoUiker, et il montre que ce que cet observateur avait pris pour des Grégarines se divisant en deux dans l'intérieur du kyste , était des kystes dans lesquels la production des navicelles avait commencé par la segmentation binaire du contenu , que c'était des kystes incomplètement développés.

C'est alors, en 1848 , que Stein apparut , et dans les Archives de Mûller, reconnut, le premier, chez le Monocystis du Lombric et chez d'autres formes , d'une manière très certaine , la relation entre les Grégarines, les kystes et les navicelles, Presqu'en même temps (1848), Frantzius publiait un travail dans lequel il arrivait à peu près au même résultat ; seulement, tandis que Stein emploie le mot navicelles pour désigner les germes des Grégarines, Frantzius se sert du moi pseudo- navicelles, qui est d'ailleurs plus juste. Mais pourvu que l'on s'entende sur l'objet, peu importe la désignation.

Stein observa, en outre , la conjugaison de deux individus pour la formation d'un kyste, et étudia toutes les phases de développement du kyste. Il avait donc saisi à la fois toute la série des phénomènes et confirmé , par l'observation , l'idée que Siebold avait émise , comme simple hypothèse , que les kystes à navicelles étaient la phase ultime de la division des kystes à deux masses.

Stein assimile les navicelles à des spores et compare le processus de conjugaison, par lequel deux Grégarines s'enferment dans un kyste pour se multiplier, à la conjugaison des Spirogyra, Zygnema, etc. On peut rapprocher encore cette conjugaison dans un kyste de celle des Colpodes qui s'enveloppent aussi deux à deux dans un kyste , dans lequel leur substance se confond.

Après Stein et Frantzius, la reproduction des Grégarines fut décrite avec plus ou moins de détails par un grand nombre d'observateurs. Ce fut d'abord par Kôlhker, en 1849 , dans un travail dont nous avons déjà parlé. Puis , par Lieberkiihn , dans un mémoire très étendu , ou Recherches sur l'évolution des Grégarines, écrit en français, parce qu'il fut présenté à un concours institué par l'Académie des Sciences de

LES GBEGARINES. 33

Belgique, en 1854. Ensuite, Adolf Schmidt , dans un travail inséré dans les Mémoires de la Soc. d'Histoire naturelle de Senkenberg, en 1854. Puis , Ed. van Beneden , donna l'histoire de la Grégarine géante du Homard {Bull, de l'Acad. royale de Belgique (1871). A. Giard publia une note sur la conjugaison, dans un même kyste, de la Grégarine de ÏAmarœcium punctum (Arch. de Zoologie expèri- 'inentale , t. II, 1873). Puis, Ed. van Beneden encore, en 1871 et 1872, fit paraître deux nouveaux mémoires sur les Grégarines , dans les Bulletins de l'Académie de Belgique; Bay Lankester, dans cette même année 1872, étudia le Monocystis du Siponcle (Quarterly Journal of microscopical Science , iS12) ; enfin, plus récemment, A. Schneider, dans sa thèse souvent citée , et 0. Biitschli [Zeitschr. f. wiss. ZooL, t. XXXV, 1881) , ont fait paraître dos observations très circonstanciées sur les phénomènes de reproduction chez les Gréga- rines, C'est d'après ces différents travaux que je vais essayer de résumer ce que nous savons aujourd'hui sur la propagation de ces parasites.

La reproduction des Grégarines a toujours ou presque toujours lieu dans un kyste. Dès 1848, Stein avait déjà admis comme règle générale que deux individus s'enfermaient dans un kyste et se réduisaient en une masse commune dans laquelle se formaient les navicelles. C'était donc une conjugaison ou une copulation. D'autres auteurs , Lieber- kiihn, Ad. Schmidt, Frantzius , E. van Beneden, pensent que la conjugaison ne précède pas nécessairement l'enkystement , que , même , une seule Grégarine peut s'enkyster et donner, toute seule , naissance h des germes. Néanmoins , il peut arriver, d'après Lieber- kiihn , que deux individus s'enferment dans un même kyste ; mais alors il pense que chacun de ces deux individus produit des navicelles et que leur substance ne se mélange pas. Quelquefois encore, une seule des deux Grégarines produit des spores , tandis que l'autre n'en forme pas.

M. Aimé Schneider admet les deux modes d'enkystement , celui

34 LES SPOROZOAIRES.

d'une Grégarine solitaire et celui de deux Grégarines conjuguées. Dans l'enkystement de la Grégarine solitaire même , il admet diverses formes. Ainsi, l'enkystement, qu'il considère comme un phénomène fréquent , peut avoir lieu sans qu'il y ait , à proprement parler, forma- tion d'un kyste véritable : l'animal ne modifie pas sa forme , mais il perd son noyau et se résout en un amas de petites spores. C'est ce qui arrive chez VAdelea ovata, Grégarine du Lithohius forficatus. 11 peut se faire aussi que l'animal s'enkyste en modifiant sa forme : par exemple, X Actinocephalus Dujat'dini dont A. Schneider a vu les kystes se former sur le porte-objet du microscope. L'animal s'arrondit , sécrète autour de lui une membrane qui devient de plus en plus épaisse et dans laquelle il s'enferme. Puis, dans l'intérieur de ce kyste, il se résout en un amas de spores. Schneider admet aussi comme fréquent l'enkystement de deux individus , ou par conjugaison. Les animaux se réunissent d'abord par leur extrémité antérieure , s'ap- pliquent l'un contre l'autre , s'enferment dans le kyste , à l'intérieur duquel leur substance se confond. C'est ce que Schneider appelle conjugaison véritable , pour la distinguer de la. pseudo-conjugaison, dans laquelle deux Grégarines qui étaient réunies pendant la vie active, en apposition , s'enkystent , mais chacune d'elles formant un kyste spécial. On a alors une sorte de kyste général , mais formé de deux loges dont chacune contient une Grégarine , et c'est dans cha- cune de ces loges que s'opère le phénomène de la sporulation. 11 peut arriver que la cloison des deux loges disparaisse et que les spores se mêlent, mais c'est un phénomène tout à fait différent d'une conjugai- son véritable , d'où le nom de pseudo-conjugaison que lui donne A. Schneider.

Autant que je puis le comprendre, cet auteur ne paraît pas admettre la réunion , dans un môme kyste , de deux individus qui , pendant la vie active , étaient réunis en opposition ; il suppose qu'ils se séparent avant l'enkystement. Cependant , la conjugaison d'animaux réunis à l'état de vie active a été plusieurs fois décrite , par exemple , par Biitschli, chez la Grégarine (Clepsidrina) de la Blatte. Le

LES GREGARINES.

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FiG. 6. Premières phases de l'enkystement de deux individus conjugués de Ctepsidrina Blattarum. A, ils sont appliqués l'un contre l'autre par une surface plus large. B, ils commencent à sécréter une substance gélatineuse, g, qui deviendra l'enveloppe extérieure du kyste. Le segment antérieur ou protomérite, pm, est encore bien, visible dans chaque Grégarine (d'après Butschli.)

premier indice de la conjugaison , d'après ce dernier observateur; consiste dans la tendance que manifeste chaque individu à prendre une forme plus ramassée et à s'arrondir, eu présentant d'une façon moins nette ses deux segments. Puis, les deux animaux réunis exé- cutent un mouvement en cercle de plus en plus rapide , et c'est , pour ainsi dire , par suite de ce mouvement , qu'ils prennent la forme arrondie qu'ils doivent conserver dans le kyste. La substance de la périphérie s'éclaircit, tandis que la partie centrale devient, au contraire, plus foncée , brunâtre ; les granules qui existaient dans le corps des animaux paraissent abandonner la périphérie pour se rassembler au centre. Puis, les deux individus s'appliquent étroitement l'un contre l'autre, une enveloppe membraneuse se produit autour d'eux et devient de plus en plus épaisse ; la partie interne de cette enveloppe paraît formée de couches concentriques ou de lamelles appliquées les unes sur les autres, tandis que la partie externe est plus homogène. C'est la partie lamelleuse qui doit être considérée comme la véritable paroi du kyste. A ce moment , les deux segments de chacun des animaux ne sont pas encore confondus et ils montrent encore leur protomérite et leur deutomérite ; ce n'est qu'après un certain temps que la cloison

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LES SPOROZOAIRES.

disparaît ; puis , en quai'ante-huit heures , toute trace de séparation entre les deux individus s'est évanouie, et leur substance s'est mêlée. Le kyste prend une forme ovoïde , ajoute Biitschli , mais ce dernier détail doit être une particularité propre à l'espèce de Grégarine qu'il a observée, car, le plus souvent, le kyste conserve tout le temps sa forme sphérique.

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FiG. 7. Deux phases plus avancées de l'enkystement. L'enveloppe propre du kyste A;, s'est formée en dedans de l'enveloppe gélatineuse, g. On voit, chez B, les vestiges de quatre sporoductes, spd. Chez A, le protomérite, pin, de l'un des individus est encore visible (d'après BUtschli.)

Chez la Grégarine de la Blatte (Clepsidrina Blattarum) étudiée par Biitschli, les animaux ont employé 75 minutes pour former leur kyste ; mais il faut beaucoup plus de temps pour la production des phéno- mènes qui vont se passer dans le kyste. Nous laisserons , quant à présent , l'histoire de cette Grégarine , à laquelle nous reviendrons bientôt.

La paroi des kystes des Grégarines est toujours très résistante, et parfois très épaisse ; c'est un organe de protection pour les individus qu'ils renferment , et beaucoup plus efficace que la cuticule de l'animal adulte , cuticule si perméable à l'eau. La paroi du kyste , au contraire , placée dans l'eau , résiste parfaitement et ne se laisse pas pénétrer, car le kyste ne se gonfle pas. Elle résiste de même à la dessication. En effet , les kystes sont destinés à être évacués et , en

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tombant dans le monde extérieur, ils peuvent être exposés aux cir- constances les plus diverses ; ils peuvent être immergés ou desséchés. Leur enveloppe est destinée à les protéger contre ces alternatives , et elle remplit parfaitement son office.

D'après l'observation que A. Giard a faite sur une Grégarine parasite d'une Ascidie composée, [Amarœciwm punclum), et qui, par consé- quent, est une Grégarine marine, on peut provoquer artificiellement la conjugaison et l'enkjstement des individus en laissant s'évaporer en partie l'eau de la préparation sur le porte-objet , mais non pas complè- tement, ce qui tuerait les animalcules. Des conditions se produisent ainsi qui avertissent les animaux qu'il y a urgence de s'enkyster pour se préserver de la dessication. On sait qu'on peut aussi provoquer les Infusoires à s'enkyster pour leur conservation , en laissant diminuer l'eau dans laquelle ils vivent , par exemple , les Stylonychies , les Euplotes, etc. Chez les Colpodes, qui forment des kystes de conjugai- son, la dessication paraît aussi avoir une certaine influence sur la formation de ces kystes et , par conséquent , sur le mode de reproduc- tion, d'après les observations déjà anciennes de Gerbe.

On peut se demander si la saison influe sur la production des kystes. A ce sujet , E. van Beneden a observé qu'en examinant les Homards pendant les mois du printemps et de l'été , il trouvait toujours des Grégarines à l'état actif dans l'intestin , et jusqu'à vingt-cinq à la fois , mais pas de kystes. En automne , au contraire , il ne trouvait que des kystes, et pas de Grégarines libres. Ces kystes étaient logés dans la paroi du rectum , sous le revêtement épithélial , formant des séries linéaires de 5 à 7 kystes. Nous verrons comment cette disposition peut s'expliquer.

Voyons maintenant comment se produisent les germes , spores ou propagules.

Le mode de production de ces germes n'a encore été étudié que d'une façon très incomplète ; il est assez mal connu, et j'ai trouvé peu de concordance entre les auteurs qui s'en sont occupés. Le processus,

38 LES SPOROZOAIRES.

d'ailleurs , paraît présenter des variations , même dans une seule et même espèce. Par conséquent, je me vois dans l'impossibilité d'en donner ici un schéma unique et je dois me contenter de relater les observations des principaux auteurs.

D'abord, Stein : La phase la plus précoce du développement qui doit conduire à la formation des pseudonavicelles est celle qui pré- sente , dans le kyste , deux masses sphériques appliquées l'une contre l'autre et formées par le corps des deux individus conjugués. A une phase plus avancée , les deux masses sont fusionnées en une seule : il est nécessaire alors que la cuticule de chaque animal soit résorbée. Lorsque le kyste ne présente plus à son intérieur qu'une masse unique, commence le phénomène de la sporulation. On voit d'abord les granu- lations de la masse commune se rassembler en petits amas isolés, dans toutes les parties du contenu du kyste, et principalement à la péri- phérie. A la surface, se découpent des lobes plus ou moins irréguliers, ce qui donne au contenu l'aspect d'un œuf irrégulièrement segmenté. Un peu plus tard , les amas granuleux qui se trouvaient dans ces lobes ont disparu avec les lobes eux-mêmes qui se trouvent à l'état libre à la périphérie du kyste ; c'est-à-dire qu'il s'est formé , à la surface de la masse, de petites vésicules très claires , composées d'une paroi mince et d'un contenu granuleux. Quand le kyste est ainsi rempli de vési- cules claires , sphériques , ces vésicules commencent à se transformer en navicelles en prenant une forme ovalaire et en s'entourant d'une substance claire , d'aspect mucilagineux , qui forme un prolongement en pointe à chaque extrémité de la vésicule allongée , avec un petit renflement à chaque pôle , disposition plus ou moins marquée , d'ailleurs, suivant les espèces. Quand le kyste est ainsi rempli, on voit que les spores ont une disposition à venir s'accumuler contre la paroi interne du kyste , elles forment une couche périphérique plus ou moins épaisse. La masse centrale est formée d'un liquide contenant des granulations plus ou moins nombreuses ; quelquefois , une partie assez considérable de la substance centrale reste non employée et s'interpose entre les spores. On a alors des figures dans lesquelles

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LES GREGARINES. 39

chaque pseudonavicelle est séparée de ses voisines par des granula- tions en plus ou moins grande quantité. C'est probablement ces granu- lations qui , en se liquéfiant , constituent le liquide du kyste mûr. Telle est la description, donnée par Stein, de la formation des spores chez le Monocystis du Lombric et chez les Grégarines du Tenehrio molitor et de la Blatte.

Lieberkiihn admet que, dans certains cas , les choses peuvent se passer ainsi , c'est-à-dire que le contenu du kyste se transforme en vésicules claires et sphériques dont chacune devient une navicelle. Mais il conteste que le phénomène ait cette généralité; les navicelles peuvent se former encore de deux manières différentes , et cela chez une même espèce, le Monocystis du Lombric , par exemple : d'abord , par le processus décrit par Stein , puis , par un premier mode qui res- semble tout à fait à une segmentation presque régulière , comme cela se produirait sur un œuf, et jusqu'à ce que toute la masse se soit convertie en petites sphères de segmentation. Ces sphères sont très égales et très granuleuses ; elles se transforment en pseudonavicelles en s'allongeant, en se revêtant d'une coque solide et en liquéfiant leur contenu. On peut appeler ce processus formation par segmentation plus ou moins régulière. Mais, à côté de celui-ci, Lieberkiihn en admet un autre , dans lequel le contenu , au lieu de produire ces globules granuleux , se divise en deux moitiés , puis en quatre ou cinq masses plus ou moins volumineuses , et chaque masse se recouvre, par un mécanisme encore mal étudié , d'une couche de petits globules trans- parents ou à peine granuleux. Ce sont ces globules qui se détachent des sphères et se transforment en navicelles. Les sphères se liquéfient et le kyste présente à la fiin le même aspect que dans les cas précédents.

En effet, j'ai observé, sur le Monocystis agilis du Lombric, ces modes de formation des spores et l'on peut admettre la réalité de ces trois processus. Pour l'espèce dont il s'agit, le dernier est peut-être le plus fréquent. (PI. I, fig. 1-8. )

E. van Benedeu a constaté un phénomène curieux dans le kyste de

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la Grégarine du Homard, phénomène qui ne conduit pas directement à la formation des navicelles, mais conduit d'abord à la multiplication des kystes ; c'est une prolifération des Grégarines enkystées. Il a vu le contenu du kyste se diviser en deux masses dont chacune s'arrondit et devient un globule plus ou moins régulier : on croirait donc avoir sous les yeux le début de la formation des pseudonavicelles , mais il n'en est pas ainsi : chaque masse s'entoure d'une enveloppe et forme comme un kyste secondaire dans le kyste primitif. Et ces deux kystes secondaires se divisent à leur tour en deux nouvelles masses qui s'en- tourent aussi d'une membrane ; de sorte que le kyste primitif en a engendré quatre qui sont renfermés dans son enveloppe, mais réunis deux à deux dans les deux enveloppes secondaires. C'est la multi- plication des kystes. Ce phénomène n'a encore été observé que par E. van Beneden, et c'est évidemment par cette multiplication des kystes qu'il faut expliquer leur disposition sériaire, à la file les uns des autres, dont nous avons parlé précédemment.

Quant à la manière dont les navicelles se forment dans les kystes, E. van Beneden ne donne pas de détails à ce sujet.

Aimé Schneider n'a rien ajouté de bien important quant au processus général, mais, chez quelques espèces, il a (iécrit des particularités très intéressantes. Chez le SLylorhynchus oNongaius, Grégarine que nourrit un Insecte Coléoptère, VOpatrum sabulosum, il a vu que le premier phénomène de la sporulation consiste en une sorte de globula- tion de la surface extérieure du kyste. Le contenu, après la fusion des deux individus, (Fig. 8, 1) présente à sa surface des lobes et des lobules très nombreux qui se recouvrent d'une couche de petits globules transparents (2, 3). Quand ces lobules sont produits sur toute la surface des lobes , on les voit s'allonger et prendre une forme fusiforme, mais l'extrémité inférieure des fuseaux demeure implantée dans la masse centrale restée granuleuse (4). Ces petites masses allongées en bâtonnet exécutent des mouvements d'extension et de contraction suivant leur grand axe, tout en restant fixés par une de leurs extrémités sur la masse centrale , tandis qu'en même temps , on

LES GREGARINES.

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FiG. 8. Formation des spores chez le Stylorynchus oblon'jatus. 1 , kyste avant le début du travail sporigène. 2, phase de la gemmation des spores. 3 , premier stade de gemmation (figure plus grossie.) 4 , portion de kyste montrant les masses sporigènes sous forme de petits bâtonnets mobiles. 5, pseudokyste isolé du kyste. 6, Kyste mûr dont 1 enveloppe rompue laisse échapper les chapelets de spores et montre le pseudokyste à l'intérieur du kyste. On voit à côté une portion plus grossie du chapelet de spores (d'après Schneider.)

voit l'autre extrémité se tordre en décrivant un mouvement en 8 de chiffre. Il se produit ainsi dans le kyste une sorte de danse ou de fourmillement très intense et très prolongé , car on peut l'observer pendant vingt heures. Puis , les bâtonnets reviennent à la forme sphé- rique et peu à peu prennent celle des navicelles ovalaires. Au moment l'enveloppe solide des spores commence à se produire, celles-ci sont incolores, mais peu à peu elles prennent une teinte brunâtre, de sorte que le kyste, d'abord de couleur blanche, prend une nuance de plus en plus foncée et finit par devenir noir comme du charbon.

La masse centrale à la surface de laquelle se produisent les globules qui deviendront des navicelles (5, 6) est désignée sous le nom de pseudokyste "^B-v M. Aimé Schneider, qui lui fait jouer un rôle très important dans l'émission des spores, rôle sur lequel nous reviendrons plus tard.

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LSS SPOROZOAIRES.

Bùtschli a suivi les mêmes phénomènes sur le Clepsidrina Blatla- rum. Nous avons déjà décrit, d'après cet auteur, l'enkystement de cette espèce et nous nous sommes arrêtés à la phase le kyste s'est allongé et présente encore la ligne de séparation des deux animaux sur lesquels on peut même quelquefois distinguer encore le proto et le deutomérite.

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FiG. 9. Kyste bien développé de la Clepsidrina Blattarum , mais présentant encore les corps distincts des deux Grégarines; sp, couche cellulaire périphérique des pseudo- navicelles ou spores ; k, enveloppe propre du kyste, g , son enveloppe gélatineuse (d'après Blitschli.l

La formation des pseudonavicelles commence iongtcimps avant que la substance des deux animaux se soit confondue en une seule masse, mais il est possible qu'au moment cette formation des spores a commencé, la fusion des animaux ait déjà eu lieu dans le centre du kyste et que la séparation ne soit qu'extérieure. C'est ce qu'il est difficile de vérifier. La formation des spores commence par une sorte de gemmation à la périphérie des deux individus dans le kyste. On voit, en effet, apparaître à la surface des deux animaux une couche claire formée de petits éléments pressés les uns contre les autres, enveloppant tout le contenu, mais ne pénétrant pas dans la hgne de jonction des deux individus. Cette couche apparaît sous la membrane

LES GREGARINES. 43

comme une couche de cellules qui revêt la masse centrale, ainsi que le blastoderme dans un œuf d'Insecte. On croit voir un épithélium cylin- drique formé de petites cellules polygonales par pression réciproque. Quand on rompt le kyste, les petits éléments s'isolent et prennent la forme sphérique : ce sont de fines cellules sans membrane et munies d'un petit noyau.

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FiG. 10. Portion très grossie du bord d'un kyste au même degré de développement que celui de la fig. 9. q, enveloppe gélatineuse ; k, enveloppe propre ; sp, couche des pseudo- navicelles recouvrant la masse centrale granuleuse (d'après Blitschli.)

La formation de ces petits éléments soulève évidemment diverses questions. On peut se demander quelle est l'origine de leur noyau. On admet difficilement aujourd'hui qu'un noyau puisse se former d'emblée au milieu d'un blastème ; on pense généralement que tout noyau dérive d'un autre noyau, son ancêtre. C'est aussi ce que s'est demandé BiitschU. En ouvrant des kystes qui ne présentaient pas encore cette disposition cellulaire à la surface, il a pu isoler dans la couche péri- phérique claire un grand nombre de noyaux semblables à ceux des petites cellules, ce qui indiquait que ces noyaux préexistaient aux cel- lules. Mais d'où viennent ils? Du noyau originaire des Grégarines conjuguées? En brisant le kyste, Biitschli -a pu trouver les nojaux des deux Grégarines, mais modifiés : ils étaient devenus plus petits et se trouvaient sur la voie d'une transformation. Deux hypothèses sont donc possibles : les noyaux sont nés par une sorte de formation spontanée dans le protoplasma périphérique, ou bien, et cette suppo- sition paraît plus plausible, ils dérivent du noyau originaire des deux Grégarines, car on sait très bien aujourd'hui que dans un œuf d'Insecte

44 LES SPOROZOAIRES.

les noyaux des cellules du blastoderme dérivent du noyau primitif de l'œuf, la vésicule germinative.

Au bout de quelque temps, la surface du kyste est devenue homo- gène, mais toujours plus claire ; l'apparence cellulaire a disparu, et le kyste ne présente à sa surface qu'une zone transparente finement granuleuse. Les cellules ont émigré dans la masse centrale elles ont formé un amas. C'est ainsi que cette masse qui était transparente s'obscurcit au centre. Quel est le mécanisme de cette émigration? On l'ignore. C'est dans cette partie centrale du kyste que les jeunes pseudonavicelles atteignent la maturité en attendant leur évacuation.

Telles sont, d'après Biitschli, les différentes phases de la formation des pseudonavicelles. Toutes ces phases ont été entrevues plus ou moins nettement par les prédécesseurs de Biitschli, tels que Stein et Lieberkiihn. Aimé Schneider, de son côté, a décrit chez les Clepsidrina, Euspora et Gamocystis un aspect de mosaïque qui n'est autre chose que cette couciie unique. A. Schneider n'a pas pu suivre la formation de ces éléments et croit qu'ils dérivent de la fragmentation de la partie claire du kyste. 11 n'a donc pas reconnu cette phase d'une manière aussi complète quu Bûtschli. Il a vu aussi, d'ailleurs, que ces petites cellules émigrent dans l'intérieur du kyste.

C'est ainsi que les faits sont décrits par les auteurs ; il nous reste à voir maintenant comment les spores, arrivées à maturité dans l'inté- rieur du kyste, sont mises en liberté. En d'autres termes, nous avons à étudier leur mode de dissémination dans le monde extérieur et à décrire la série des phases par lesquelles ces spores retournent à l'état de Grégarines, c'est-à-dire à faire l'histoire du développement de ces intéressants protozoaires.

LES GREGARINES. 45

IV

D'après ce que uous avons vu, chez certaines espèces de Grégarines, . ôpores se forment à la surface du kyste, et quand celui-ci est mûr il est rempli de pseudonaviceUes plus ou moins avancées , tandis que la partie non employée se liquéfie et produit une substance plus ou moins abondante et granuleuse. Chez d'autres , les pseudonaviceUes se constituent sous la forme d'une véritable couche de cellules à la périphérie du kyste , couche qui se disloque bientôt , les spores péné- trant au centre du kyste , elles se rassemblent , entourées par la substance gi'anuleuse. A la maturité , elles sont mises en liberté , comme les graines d'une plante qui sortent du fruit lors de sa déhis- cenco. Mais . de même qu'il existe divers procédés pour déterminer la déhiscence du fruit et la dissémination des graines, on trouve qu'il y a aussi divers mécanismes pour la déhiscence des kystes grégarinaires et pour l'émission des pseudonaviceUes.

On a observé jusqu'à trois modes de déhiscence des kystes. Le plus fréquent et le plus simple est la rupture de l'enveloppe du kyste , rupture qui met les spores en liberté. Elle est probablement due au gonflement de la substance granuleuse qui n'a pas pris part à la for- mation des spores. C'est ce qu'on observe chez la plupart des Gréga- rines: Monocystis, Urospora, etc., parmi les Monocyslidées, Hoplo- rhynchus, Aclinocephalus , Pileocephalus , Hyalospora, Porospora, Euspora, etc., parmi les Polycystidées. Mais, dans quelques cas, l'ouverture du kyste et la dissémination des spores se font par un mécanisme beaucoup plus compliqué et qui varie avec les différentes espèces. Par exemple , la rupture peut avoir lieu à l'aide du pseudo- kyste, d'après A. Schneider, et ce cas n'a encore été observé que sur le Stylorhynchus ohlongaius (1). Nous savons que les spores se forment

(1) Ce mode de déhiscence par un pseudokyste a été observé aussi depuis, par M. Aimé Schneider, dans deux genres nouveaux de Grégarines , Lophorhynchus et Trichorhynchus {Archives de Zool. expéi:, t. X, 1882, p. 439).

46 LES SPOROZOAIRES.

chez cette espèce à la surface de la masse granuleuse constituant le contenu primitif du kyste. Ce sont des formations périphériques ; la partie centrale granuleuse ne prend pas part à leur production ; elle constitue un globule arrondi qui s'entoure d'une fine membrane , et il en résulte une sorte de faux kyste dans l'intérieur du premier. C'est ce pseudokyste qui se gonfle au moment de la maturité, fait éclater la membrane du premier kyste et fait échapper les spores sous forme de longs chapelets qui flottent dans le liquide. Le pseudokyste reste dans l'enveloppe du kyste véritable. Il est composé d'une membrane d'enve- loppe beaucoup plus mince que celle du premier, contenant une masse granuleuse homogène dans laquelle on n'observe pas de zone granu- leuse transparente ni de zone opaque comme dans le kyste véritable.

Ce processus se présente déjà comme un premier pas vers une complication plus grande ; il y a kyste et pseudokyste , et ce dernier joue le rôle d'un appareil à dissémination. Mais on trouve un troisième procédé bien plus complexe encore chez deux genres , les seuls , je crois, sur lesquels il ait été observé , les genres Clepsidrina et Gamocystis.

Ce phénomène a été entrevu et figuré d'abord par Stein , mais très incomplètement, puis décrit d'une manière bien plus détaillée par A. Schneider. [Arch. de zool. expèrim. de Lacaze-Duthiers, t. II, 1873 . puis. Comptes rendus de VAc. des Se, 1875. et dans sa thèse, Arch. de zool. exp., t. IV. 1875) : enfin, par Biitschli (Ze^^sc/^ f. wiss. Zool., t., XXXV, 1881), qui est entré dans de plus grands détails sur cette question que A. Schneider, mais qui d'ailleurs confirme presque toutes les observations essentielles de cet auteur. Toutefois , c'est à A. Schneider que revient le mérite d'avoir étudié, le premier, le méca- nisme si curieux de la dissémination des spores dans le Clepsidrina et le Gamocystis.

A propos du Clepsidrina de la Blatte , il nous faut revenir à la formation du kyste , alors que les spores ont pénétré au centre et attendent le moment d'être évacuées par un appareil qui bientôt se constitue dans la partie périphérique du kyste. Cet appareil d'émission

LES GRBGARINES.

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consiste en un système de tubes qui plongent dans le centre de l'amas des spores et traversent la membrane du kyste. C'est par ces tubes que les spores sont évacuées, en raison de quoi A. Schneider les désigne sous le nom do sporoductes, car c'est lui qui les a découverts. Le premier vestige de cet appareil se montre environ quarante-huit heures après la conjugaison des deux animaux dans le kyste, alors que la ligne de démarcation a disparu. 11 débute par la formation d'une enveloppe très fine autour de la masse granuleuse , membrane qui va jouer un rôle important dans l'émission des spores. On sait que le kyste a une grande épaisseur, qu'il est composé d'une masse gélati- neuse, puis, d'une membrane assez épaisse. C'est au dessous de celle- ci que se forme l'enveloppe mince autour de la masse granuleuse (fig. 11, B). Quand cette couche s'est formée, par sécrétion ou par excrétion , on voit sur des points disséminés de la surface du kyste , de petites taches claires qui apparaissent éparses sur le contenu ;

.....S/^tt

Fig. 11. Deux phases plus avancées de l'enkjstement. L'enveloppe propre du kyste k, s'est formée en dedans de l'enveloppe gélatineuse, g. On voit, chez B, les vestiges de quatre sporoductes, spd. Chez A, le protomérite, pm, de l'un des individus est encore visible (d'après BUtschli.)

et on remarque, en faisant pénétrer un peu plus profondément le foyer de l'objectif, que ce sont les extrémités périphériques de cordons protoplasmiques qui plongent de la surface vers le centre du

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LES SPOROZOAIRES.

kyste et traversent toute la couche de substance granuleuse enve- loppant la masse sporifère (fig. 11, B, spd). Ces cordons sont pleins et homogènes, mais dans l'axe du protoplasma qui les constitue s'établis- sent les tubes d'émission proprement dits. Ce sont des tubes mem- braneux qui ne sont que les prolongements de la mince membrane périphérique formée à la surface du contenu. Ils s'ouvrent probable- ment déjà à la surface, mois pendant qu'ils se constituent, les cordons protoplasmiques qui ont, pour ainsi dire , servi de matrice à chacun d'eux, s'épaississent à l'embouchure des tubes et il s'y forme un amas granuleux envoyant des ramifications dans tous les sens, ramifications

FiG. 12. Kysle mtir de Clepsidrina Blattarum montrant ses neuf sporoductes, spd, renversés en dehors ; sp, masse sporifère au centre du kyste ; p, tubes plasmaliques conduisant les spores vers l'orifice interne des sporoductes ; k, enveloppe propre très épaissie et revenue sur elle-même ; g, enveloppe gélatineuse (d'après Biitschli.)

qui s'anastomosent et produisent une sorte de réseau , lequel se distribue dans toute la substance du kyste , (comme le réseau que l'on décrit dans le protoplasma de certaines cellules). Cette dernière observation appartient à Biitschli qui a mis le réseau en évidence à l'aide de la potasse caustique à 35 pour 10^. Celle-ci dissout les gra- nulations en laissant le réseau parfaitement visible , et au centre de celui-ci, les spores (fig. 12). Quand les sporoductes ont commencé à se

LES GREGARINES. 49

dévolopper, ils ne tardent pas à se constituer en tubes. A. Schneider et Biitschli ont décrit cette l'ormation d'une manière à peu près concor- dante . mais le premier observateur distingue , dans les sporoductes, deux portions : une partie basilaire ou périphérique renflée, courte et épaisse , suivie d'une partie centrale beaucoup plus longue et étroite , qui plonge dans la masse centrale des spores. C'est cette portion qui s'évagine et qui soi-t à travers l'enveloppe du kyste et la couche gélatineuse externe pour donner issue aux spores. Biitschli pense que les sporoductes ne sont pas formés de deux parties distinctes, mais que la portion basilaire , plus épaisse , n'est qu'un renflement léger subi par le sporoducte à la limite de l'évagination , car le tube .se retourne comme un doigt de gant et la portion renflée n'est qu'un bourrelet formé par la partie du tube qui ne s'est pas évaginée. Biitschli a montré que ce qui fait paraître plus épaisse la base du tube , c'est une masse de substance fibrillo-grauuleuse qui l'enveloppe et dont on ne connaît pas la nature.

bj^

FiG. 13. Portion basilaire renflée d'un sporoducte évaginé, s/jrf ; by, bourrelet plas- matique entouranl la base ; />, tube de plasma ayant servi de matri-'e au sporoducte , /", masse fibrillo-granuleuse autour de la base du sporoducte (d'après BUlschli?)

Le nombre des sporoductes varie avec la gi-osseur des kystes ; plus les kystes sont volumhieux , plus les tubes d'émission sont nombreux. Chez la Grégarine de la Blatte, qui a particulièrement seivi aux

50 LES SPOROZOAIRES.

observations de Bûtschli, les tubes sont au nombre de trois au minimum et de douze au maximum. Chez le Clepsidrina Munieri qui vit chez un Chrysomélien , le Timarcha tenehricosa , on en trouve de trois à six et chez le Gamocystis ie^ioâ?, jusqu'à douze.

Au moment de la maturité des spores, il se fait, comme nous l'avons dit , une évagination des tubes qui se renversent en dehors , et, lors, ils se dirigent tous vers la partie périphérique et vont plonger dans la substance mucilagineuse homogène qui forme la zone extérieure de l'enveloppe du kyste. Quelle est la cause de cette évagination? A. Schneider l'attribue au gonflement de la substance granuleuse. Je ne comprends pas bien , pour ma part , comment les spores , qui sont plongées au centre , peuvent être expulsées par le gonflement de cette substance granuleuse qui les entoure, gonflement qui ne pourrait, au contraire, que les resserrer au centre. Biitschli me paraît plus près de la vérité quand il attribue l'éruption des sporoductes et la sortie des spores à la seule élasticité de la capsule qui forme la paroi du kyste. En se gonflant , celle-ci tend constamment à réagir sur le contenu et détermine , par sa pression , l'éruption des tubes. Mais, comment les spores sont elles guidées vers les embouchures des canaux ? Si l'on se rappelle ces cordons protoplasmiques dans l'axe desquels se sont formés les sporoductes , on comprend la sortie des spores. Ces cordons, après que les tubes se sont formés et évaginés , laissent à leur place un espace vide en forme de canal qui guide les spores vers les orifices de sortie. Telle est l'exphcation très simple que donne BiitschU de l'émission des spores ; mais il est moins facile de comprendre comment cette zone qui forme l'enveloppe du kyste n'est pas fissurée , fendue , brisée par la pression violente des sporo- ductes qui traversent sa substance. Il faut admettre qu'au moment de la maturité., l'enveloppe du kyste et sa couche mucilagineuse se ramolUssent beaucoup et permettent un passage facile aux sporoductes à travers leur substance.

Ce curieux appareil d'émission a encore été observé sur une autre espèce, le Gamocystis tenax, par A. Schneider, qui en a donné une

LES GREGARINES.

5t

FiG. 14. Kyste du Gtimocystis lenax en voie d'émission des spores (d'après Schneider.)

e.voellente liiiure. Les sporoductes sont plus nombreux que dans l'es- pèce précédente ; leur formation a se produire de la même manière. Ils paraissent aussi composés d'une partie basilaire et d'une partie centrale. La seule différence avec le Clepsidtnna Blaitaruw. est que ies spores, au lieu d'être évacuées en longs filaments moniliformes, restent sous forme d'amas irréguliers à l'extrémité de chaque sporo- ducte et se trouvent logées dans l'épaisseur de la substance mucilagi- ueuse probablement ramollie à ce moment.

Nous avons dit que Stein, le premier, a entrevu ces phénomènes. C'est sur le Clepsidi^ina polymorpha, du Tenehrio molitor, en 1848 ; il avait vu les spores traverser, sous forme de files, Tenveloppu extérieure du kyste, mais il croyait qu'il seprofluisait des fissures dan.s cette enveloppe et que les spores suivaient ces fissures pour sorlii-. 11 n'avait pas vu les tubes dont la découverte appartient à A. Schneider, qui, dès 1873, avait parfaitement reconnu les faits principaux de ce très intéressant mécanisme.

K2 LES SPOROZOAIRES.

Jetons maintenant un coup d'œil sur les spores ou pseudonavi- celles.

Nous avons déjà indiqué les diverses laçons dont elles ont été envi- sagées par les observateurs. Henle, qui, le premier, les a observées à l'état mûr, dans la Grégarine du Lombric, les confond avec les Navi- cules, qui sont aujourd'hui des Diatomées. Il avait parfaitement reconnu en elles des parasites, mais il se trompait dans son interprétation. On regardait alors, du reste, les Diatomées comme des animaux. Siebold leur donne le nom de navicolles, changé en celui de pseudonavicelles par Frantzius. Stein les reconnut pour les propagules des Grégarines et alla même jusqu'à leur donner le nom de spores. Puis, Lieberkiihn, qui a observé toutes les phases de leur formation chez la Grégarine du Lombric , les désigna sous le nom de Psorospermies qui a été appliqué à tant d'organismes divers, et même à des phases de dévelop- pement de tant d'êtres différents qu'il faut le rejeter pour en adopter un autre, car il ne peut que porter la confusion dans l'esprit.

C'est pourquoi A. Schneider propose de les appeler tout simplement spores, ce nom indiquant qu'il considère ces organismes, non pas comme le produit d'une génération sexuelle à la suite d'une féconda- tion, mais comme correspondant aux spores des végétaux, lesquelles se produisent en dehors de toute opération sexuelle. Mais, je crois qu'il s'est un peu trop hâté en déniant à la reproduction des Grégarines le caractère d'un acte sexuel. Stein avait déjà comparé cette multiplica- tion dans un kyste à la conjugaison des Spirogyra l'on voit le contenu de deux cellules conjuguées s'entourer d'une enveloppe pour former une zoospore, fait qui, pour les botanistes, est bien le résultat d'une véritable conjugaison. On ne voit pas pourquoi les zoologistes ne se rallieraient pas à l'opinion des botanistes, en reconnaissant dans le phénomène qui nous occupe une véritable fécondation , mais chez des éléments il n'y a pas encore de différenciation morphologique entre l'élément mâle et l'élément femelle, du moins au point de vue nous pouvons les juger, car il est évident qu'au point de vue physiologique, il y a des différences sexuelles. Je crois donc qu'il faut encore

LES GREGARINES.

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réserver notre opinion relativement à la signification de la reproduc- tion des Grégarines, reproduction que, pour ma part, je suis très tenté de regarder comme un phénomène sexuel.

La forme de spores est très différente suivant les genres, mais il est remarquable que, dans chaque genre, les spores ont la même forme. Chez les Clepsidrina, par exemple, elles sont à peu près rectangu- laires ou en forme de petits barillets, tandis que dans d'autres genres, elles ont l'aspect de petites navicules. C'est par suite de cette forme

FiG. 15. a, b. c, pseudonavicelles du Monocyxtis du Lombric, à trois stades différerts du développement. On voit, chez a et h, le noyau primitif, m, de la spore ; chez c, le fais- ceau des corps falciformes, dont chacun renferme un noyau n, et le nucléus de reliquat, r. La figure de droite représente une spore mûre de Clepsidrina Biattarutn (d'après Butschli.).

des spores, constante dans un même genre, que A. Schneider a pu se servir de ce caractère pour classer les Grégarines par genres , car il est bien difficile d'étabhr une classification sur les espèces à l'état adulte, surtout chez les Monocystidées la ressemblance est complète entre certains genres et certaines espèces, par exemple les Monocystis et les Gonospora. La forme des spores fournit donc un caractère excellent pour l'établissement des genres.

Sous le rapport de leur forme , A. Schneider distingue d'abord des spores simples et des spores qu'on peut , avec lui , appeler concrètes. Ainsi, chezle Pileocephalus chmensis, ÇP\. II, A) les spores simples ont la forme de petits croissants, mais en se réunissant par la moitié de leur longueur, elles donnent naissance à des formes trigones, des spores à

54 LES SPOROZOAIRES.

trois pointes résultant sans cloute d'un accolement pendant leur déve- loppement; ce qui s'explique, d'ailleurs, fort bien par la marche même de ce développement, et nous montre qu'elles résultent de cellules qui se multiplient par division. Ces formes trigones représentent des cel- lules incomplètement divisées. Elles peuvent varier aussi par simple polymorphisme. Ainsi, chez leMonocysiis du Lombric, la forme typique est la navicelle bien connue (PI. II, fig. 1). mais on en trouve d'autres qui sont piriformes, fusiforraes ou triangulaires (PI. II. fig. 2). Ce sont, sans doute, des formes concrètes.

Chez ces mêmes Monocystis, il y a aussi des différences de taille, des macrospores et des microspores, mais qui ne diffèrent absolument que par la taille (PI. II, fig. 3) : et, entre les plus grandes et les plus petites spores, on trouve toutes les tailles possibles. Il est donc difficile de dire, au premier abord, si ces spores différentes appartiennent aune même espèce ou à des espèces difiFérentes. Et, en effet, il y a chez le Lombric, d'autres parasites que le Monocystis agilis. Ainsi , Schmidt a déjà décrit, chez ce ver, une autre Grégarine, le Monocystis magna.

La structure des spores est assez simple. La paroi varie beaucoup comme épaisseur, mais est toujours très lésistante. Cette membrane est presque toujours transparente et incolore , excepté chez le Stylo- rhynchus elle est brune , de sorte que, quand les spores sont réunies dans le kyste, elles donnent a celui-ci une teinte presque aussi nou'e que celle du charbon , apparence manifeste surtout au moment de la rupture, quand les spoi-es brunes tranchent par leui' imance sur la paroi du kyste qui est incolore (1).

Cette membrane d'enveloppe de la spore est intéressante chez quel- ques espèces, le Porospora gigantea , par exemple, genre établi avec le Gregarina gigantea de E. Van Beneden. La membrane est très épaisse et présente des striations comme des canaux poreux (PI. IL B). Chez une autre Grégarine , VAdelea ovata , et je crois que c'est

(1) Celte teinte noire Hes spores a été observée aussi récemment chez le Lophorhynchus insignis (voir Aimé Schneider, Arch. de zool. exp., t. X, 1882, p. 435).

LES GREGARINES. S$

le seul exemple connu l'enveloppe de la spore est formée de deux valves, et il est curieux de rencontrer un caractère que nous trouverons dans certaines Psorospermies avec lesquelles ces organis- mes ont quelques analogies. D'autres spores sont munies d'un prolon- gement de la membrane d'enveloppe en forme de queue , chez VUrospora Nemertis, par exemple (PI. II, âg. 6.)

Relativement au contenu, on ne constate pas moins de différences. Quelquefois, il est complètement homogène, sans granulations, hyalin: tel est le genre Hyalospora (PI. II, C) , dont les spores sont des corpuscules absolument transparents. Ou bien, le contenu est granu- leux, ce qui se présente chez beaucoup de genres ; mais, il y en a chez qui on trouve un véritable noyau. Ce noyau est presque toujours accompagné de corpuscules fort curieux dont A. Schneider a découvert l'existence chez les Grégarines et qu'il appelle corpuscules falciformes . On les trouve , par exemple , dans les spores mûres du Monocystis du Lombric ( PL II, fig. 7 ) , du Gonospora Terehellœ (fig. 5), de VUrospora Nemertis {ûg. 6\ du Dvfouria agilis (fig. 4)(1). Le nombre de ces singuliers corpuscules varie d'un genre à l'autre : chez le Monocystis du Lombric , on en trouve de 6 à 8, chez le Gonospora Terehellœ, de 8 à 10, etc.

Gomment se forment ces éléments? Evidemment, ils prennent naissance aux dépens de la substance qui forme le contenu de la spore. lequel, quand celle-ci est jeune , est répandu dans toute sa cavité. A mesure que la spore grossit et s'entoure d'une enveloppe , le contenu quitte les pôles et vient se rassembler vers le centre ; et c'est sans doute par suite d'un clivage ou d'une segmentation du contenu que prennent naissance les corpuscules falciformes. Bûtschli dit que quand, chez le Monocystis du Lombric , on examine la spore par un de ses pôles , on voit les corpuscules falciformes en projection , formant comme une trace de segmentation rayonnant du centre vers la péri-

(1) Plus fard ils ont été retrouvés par Schneider chez les Stylorhynchus, Lophorhynchus , Clepsidiina, Trichorhynchus {loc. cit.)

56 LES SPOROZOAIRES.

phérie , tandis que le centre est occupé par un petit amas granuleux. Puis, ils so groupent en faisceau dans l'intérieur de la spore, compre- nant entre eux une petite masse qui paraît résulter de la substance interne non employée et qui a l'aspect d'un globule granuleux , ordinairement placé au centre de la spore , entre les corpuscules falciformes, quelquefois à l'une des extrémités. C'est le nuclêus de 7^eliquat de Schneider ( PI. II, fig. 1-7 ).

La structure intime des corpuscules falciformes est assez simple. Ils contiennent un protoplasma à peu près homogène , pâle , avec des granulations très fines. Cependant , dans quelques cas , Bùtschli et A. Schneider ont vu un noyau , qui , comme je l'ai dit , n'a été décelé encore, à ce que je crois, que chez le Monocysiis du Lombric (1). Schneider, qui , le premier, en a signalé l'existence, l'a reconnu à l'aide de l'acide osmique, et Bùtschli par l'acide acétique, et le carmin. 11 n'est donc pas douteux qu'il y a des spores contenant des corpus - cules falciformes et un noyau. Ces corpuscules falciformes se ren contrent dans les spores à maturité, ou répandus dans l'animal même qui héberge la Grégarine ou les kystes. Mais, quelquefois, ces spores ne se montrent qu'après que le kyste a été évacué, pour les espèces qui habitent le tube digestif, ce qui eu rend l'étude extrêmement difficile. Lorsqu'on cultive dans l'eau les spores recueillies avant maturité, on constate que le développement se continue et va jusqu'à la production des corpuscules falciformes , mais il ne se produit jamais d'autres modifications : le développement s'arrête là. C'est donc la phase ultime de ces petits corps , quand on les place dans le monde ambiant. Lorsqu'on les introduit dans l'organisme d'un animal de la même espèce que celui dont ils sont sortis , ces corpuscules falciformes , qui représentent la phase ultime du développement de la spore , deviennent-ils directement de petites Grégai'ines , ou bien subissent-ils de nouvelles modifications avant de reproduire la Grégarine qui leur a donné naissance ?

(1) Plus récemmeut. M. Schneider a découvert aussi un noyau dans les corpuscule<- falciformes des Stylorhynchus , Lophorhynchus et Trichorhynchus,

LES GREGARINES. 57

Pour résoudre cette question, il faudrait suivre le développement des Grègarines : malheureusement , c'est la partie la plus incomplète de leur histoire , et , il faut l'avouer, la plus difficile à étudier, aussi bien , du reste, que pour les autres parasites, car les conditions d'observation sont toujours très difficiles à analyser Ainsi, le premier observateur que nous rencontrons dans cette voie est Stein , qui s'est occupé de savoir ce que deviennent les pseudonavicelles. Il a d'abord vu que , chez la plupart des Insectes, les kystes n'arrivent pas à maturité com- plète dans le tube digestif de l'animal, sauf chez une espèce, uti Hémiptère de la famille des Punaises, le Réduve masqué, Reduvius personatus : il s'agit de la Grégarine qu'il a nommée Spo7'adina Reduvii. Chez les autres espèces, il n'a jamais trouvé de kystes mûrs. Il a fini par remarquer que c'est surtout dans la partie posté- rieure du tube digestif , le gros intestin , qu'on rencontre des kystes présentant des degrés de maturation plus avancée , et pour en trouver qui contiennent des spjres tout à fait mîirs, c'est dans les excréments rejetés qu'il faut chercher. Il a trouvé ainsi des kystes mûrs des Grè- garines de la Blatte , du Ténébrion de la farine , etc. C'est dans ces conditions aussi que Bûtschli a trouvé des kystes rompus et des navicelles mises en liberté, ce qui représente bien le degré ultime de leur maturité.

Stein a donc supposé qu'après leur mise en liberté par la rupture du kyste , les navicelles sont absorbées par des animaux de la même espèce que ceux qui ont hébergé les Grègarines enkystées, qu'elles se développent dans leurs organes en nouveaux individus et que c'est ainsi que commence et se ferme le cycle de leur évolution. Il a vu aussi, dans l'œsophage de quelques Blattes, des kystes qui paraissaient avoir été avalés par ces Insectes et ne provenant pas des Grègarines habitant leur intestin. Il a rencontré encore, dans cette partie de l'intestin, des spores libres et des Grègarines déjà bien reconnais- sablés . mais dont la taille dépassait à peine celle des spores elles- mêmtis : d'où il a conclu au développement direct des spores en petites Grègarines.

58 LES SPOROZO AIRES.

Des observations analogues ont été faites par Stein à propos de la Grégarine du Lombric ; toutefois, les choses sont , ici, plus difficiles à comprendre , car ce n'est plus dans l'intestin que vit cette Grégarine, mais dans le testicule , c'est-à-dire dans la cavité génitale du corps. Stein, ayant vu que, chez la Blatte, les kystes ne s'ouvrent qu'après avoir été évacués , supposa qu'il en est de même chez le Lombric. Mais comment les kystes sont-ils évacués, dans ce cas? On ne sait pas encore très bien comment se fait l'accouplement et comment le sperme est émis chez le Ver de terre ; nous ne sommes donc pas autorisés à dire que Stein s'est trompé , cependant il n'a pas donné de preuves à l'appui de ses assertions. Il a dit que les kystes étaient évacués avec le sperme et tombaient dans le monde ambiant ils étaient absorbés par d'autres vers. Parvenus dans l'intestin , ils en traversaient la paroi pour se loger dans le testicule. Il a pensé que ces individus migrateurs étaient les Grégarines revêtues d'une cuticule garnie de ces longues soies rigides dont nous avons parlé et qui ne sont que des zoospermes en voie de développement. Il a cru même avoir trouvé , chez ces Grégarines poilues , un aiguillon à la partie antérieure et a supposé qu'elles se servaient de ce petit dard pour percer l'intestin. Parvenues dans le testicule , qui est en connexion avec l'intestin, arrivées, pour ainsi dire, à destination, elles rejetaient leur revêtement poilu et leur dard, désormais inutiles, et devenaient adultes comme celles que l'on trouve dans l'intestin.

Quoi qu'il en soit, Stein n'a pas observé directement la transforma - tion de la pseudonavicelle en Grégarine, car c'est toujours le point difficile, l'observation directe. On peut donc toujours se poser, après comme avant Stein , la question de savoir si la transformation des spores en Grégarines se fait d'une manière directe ou seulement après des modifications plus ou moins compliquées.

D'après Lieberkiihn, (1854), la métamorphose des spores en Gréga- rines est peu compliquée ; néanmoins la pseudonavicelle ne produit pas directement une Grégarine toute formée , comme le croit Stein mais une petite Amibe qui se convertit ensuite en Grégarine. Il affirme

LES GREGARINES.

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avoir rencoHtré chez le Lombric toutes les phases de transition entre l'Amibe ot la petite Grégarine . quant à la forme , les granulations intérieures, le mode de mouvement, etc.

On peut faire à cette assertion de Lieberkiilin plusieurs objections. D'abord . il n'a pas observé directement la transformation de l'Amibe en Grégarine ; ensuite , on peut se demander ce qu'il appelle des Amibes, car il a pris pour Amibes les corpuscules qui flottent dans la cavité périviscérale du Lombric , corpuscules appelés vulgairement globules du sang chez cet animal , et qui sont tellement nombreux que ce liquide est aussi chargé de corpuscules que le pus. Ce sont les leucocytes de ces Invertébrés. Ils se comportent comme des Amibes au point de vue des mouvements et de l'absorption des corps étrangers qu'ils rencontrent , et l'on peut leur faire absorber des particules colorées. Lieborkûhn n'a donc pas démontré la transformation des pseudonavicelles en Amibes . ni celle des Amibes en Grégarines. C'est cette lacune qu'E. van Beneden a cherché a combler.

Fl«. 16. Premières phases du développement de la Grégarine géante du Homard Porospora giyanlea Schn ); 1,^,3, 4, phase nmiboïde ou de cytode générateur; 5, celui-ci tommence à produire les deux pseudopodes qui deviendront les pseudofilaires : 6, 1, états plus avancés de la formation des pseudopodes; 8, 9, 10, le pseudopo "e plus développé s'est détaché et est d venu une pscudofîlaire ; l'autre bras continue à s'accroître pour se transformer à son tour en pseudofilaire, 1 1 (d'après E. van Beneden

60

LES SPOROZOATRES.

Ed. van Beneden a suivi le développement de la Grégarine géante du Homard. Suivant lui, la Grégarine est d'abord une petite masse arrondie de protoplasma sans enveloppe ni noyau , une Monère qui se meut en émettant des pseudopodes. Mais, à un certain moment , la Monère s'arrondit , rentre ses pseudopodes et ne tarde pas à émettre deux prolongements ou bras qui ont une destinée toute spéciale. C'est la phase de cytode générateur. Des deux prolongements , l'un est plus court et pâle, l'autre, plus long, plus gros, plus granuleux, exécute des mouvements de contraction et d'extension très vifs, comme un véritable pseudopode , pendant plusieurs heures. Puis , il s'allonge graduellement, se sépare du cytode générateur, devient indépendant, et se met à se mouvoir comme un petit ver nématoïde. Pendant ce temps, l'autre bras, immobile et pâle, devient semblable au premier en absorbant la substance du cytode, acquiert de l'activité, s'allonge et se contracte à son tour ; c'est un autre pseudopode, qui se développe

FiG. 17. Transformation de la pseudofilaire en jeune Grégarine. 12, pseudofilaire mon- trant le premier vestige du noyau sous la forme d'un nucléole libre; 13, \m espace clair s'est formé autour du nucléole et le corps de la pseudofilaire s'est raccourci; 14, 15, 16, le corps se raccourcit de plus en plus en s'élargissant à une de ses extrémités; le segment céphalique commence à apparaître sous la forme d'un petit renflement hr misphérique ; n. 18, la petite Grégarine s'allonge et grossit ; le noyau s'est complètement différencié pt une cloison transversale sépare la tête du corps (d'après E. van Beneden.)

LES GREGARINES.

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et se sépare pour constituer ce petit corps vermiforme que E . van Beneden appelle pseudo/ilaire, en raison de sa ressemblance avec une jeune Filaire. Ces filaments protoplasmiques s'agitent dans le liquide avec des mouvements vermiformes très rapides ; ils sont plus renflés à une extrémité et. peu à peu, ils prennent plus de laigeur, s'arrondissent, deviennent ovoïdes, s'immobilisent, et. au milieu de leur

F'iQ. 18. Dernières phases du développement de la Grégarine géant» ( d'après E . van Beneden ).

largeur, on voit apparaître une petite tache foncée, un globule, qui sera

le nucléole autour duquel se forme une zone claire constituant le noyau.

C'est alors que commencent les phases qui amènent la pseudofiîaire

62 LES SPOROZOAIRES.

à l'état de Grégariue. Il se forme bientôt à son extrémité antérieure un renflement en coupole dans lequel se concentre le protoplasma granuleux, et, dès ce moment, on reconnaît déjà une petitfi Grégarine qui n'a plus qu'à croître pour devenir la Gi^egarina giganiea du HomarJ, laquelle peut atteindre jusqu'à 16 millimètres de longueur.

Telles sont les observations d'E. van Beneden sur cette Grégarine. Elles paraissent bien complètes , mais il est utile qu'elles soient vérifiées. Ray Laikester, un ou deux ans plus tard, a confirmé plusieurs de ces résultats, quoique avec quelques différences (Qitarte'W^ Journ. ofMicrosc. Science, 1872). Cet auteur a donné aussi l'histoire de l'évolution d'une Grégarine, mais ce n'est pas un(î Polycystidée, c'est une Monosystidée. le Monoci/siis Sipunculi.

Les spores dans cette espèce sont munies d'une queue ou prolonge- ment postérieur, comme celles que A. Schneider a vues chez VUrospora. Ce sont les pseudonavicelles qui donnent naissance à une petite Amibe, dans laquelle nous retrouvons la phase monérienne d'E. van Beneden. 11 n'y a d'abord pas de membrane d'enveloppe, pas de vésicule contractile, pas de noyau. Mais il ne tarde pas à se l'ornKi-r une membrane et un noyau, et cette petite Monère, Iranstormée en cellule, prend de l'accroissement. Toutefois cet accroissement est iné- gal : la partie antérieiu'e devient plus volumineuse que la partie posté- rieui-e qui ne figure plus que comme une queue, qui bientôt, est reje- tée. Il ne reste plus que le corps avec son enveloppe. Celui-ci se divise plusieurs fois longitudinalement et les produits de ces divisions sont auiant de petites Grégarines qui n'ont plus qu'à grandir. H y a quelques traits d'analogie avec les faits signalés par E. van Beneden. Nous trouvons bien la phase monérienne et quelque chose qui ressem- ble au bras caduque du cytode générateur. Mais, ici, c'est une espèce de queue qui disparaît et c'est le corps qui se développe. On voit donc qu'il y a dans ces observations quelques ditférences avec celles d'E. van Beneden, et qu'il conviendrait que ces travaux fussent repris ut confirmés.

Aime Schneider a plus dogmatisé qu'observé ; il a critiqué les ot>ser-

LES GREGARINES. 63

valions de ses devanciers et n'a pas apporté beaucoup de faits impor- tants à l'histoire de ce développeraeiit. Il critique beaucoup la théorie de Lieberkûhn qui admet la transforma Lion de la spore on Amibe, et il conteste, justement, je crois, la validité des raisons données par Lie- berkiihn. Il dit que ni lui ni personne n'a vu cette transformation chez le Mo'tiocyslis du Lombric, et c'est piécisément sur cette espèce que Lieberkiihn prétend avoir observé cette transformation et avoir ren- contré de.s kystes qui, au lieu de navicelles, renferment des Amibes. De plus, rien ne prouve que ces kystes s'ouvrent dans la cavité du corps du Lombric, et l'analogie établirait, en effet, qu'ils sont destinés à s'ouvrir dans le monde ambiant, ce que Stein avait déjà reconnu pour les Grégarines des Insectes , et même pour celle du Lombric, dont il est précisément question ici. On sait que la maturation des spores, dans tous les kystes de Grégarines, se fait très bien dans l'eau, tant pour la Grégarine du Lombric que pour les autres. M. Schneider se demande , si cette phase amiboiide existe, pourquoi cette matura- tion n'irait pas jusqu'à la transformation des spores en Amibes. 11 a conservé dans l'eau, pendant deux et trois semaines, des kystes du Monocyslis agilis et n'a jamais pu obtenir la transformation des spores en Amibes. Ce n'est pa.s qu'il nie, en principe, cette transformation, mais il montre que les preuves données par Lieberkiihn n'ont aucune valeur démonstrative.

D ailleurs, la Grégarine du Lombric est du nombre de celles qui produisent, dans l'intérieur des spores, des corps falciformes. Or, ces corps avaient été vus par Lieberkiihn, qui les a même figurés dans une planche de son ouvrage (PI. 6, fig. 5), ils sont très reconnais sables^ au nombre de deux, dans chaque navicelle du kyste. Mais il n'y a pas attaché d'importance , puisqu'il n'en parle ni dans la légende, ni dans le texte, laissant à A. Schneider l'honneur d'avoir, le premier, appelé l'attention sur ces corps et d'avoir généralisé leur existence chez les Grégarines. C'est donc toute une phase qui a échappé à Lieberkiihn, et par conséquent ses démonstrations sur l'histoire et le développement de ces êtres sont frappées de défiance. >''tw^^'V'N.

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64 LES SPOROZO AIRES.

A. Schneider n'a jamais observé chez les Grégarines de phase anii- boïde ; cependant, chez les Psorospermies, il a vu les corps falciforines devenir amiboïdes avant de reproduire la forme type. L'Amibe de- vrait donc toujours succéder au corps falciforme et non le procéder , comme chez les Goccidies. Donc, dans laGrégarine du Lombric, si cette transformation a lieu . elle doit procéder d'une phase le con- tenu de la spore s'est organisé en corpuscules falciformes. Mais il est possible aussi que cette phase amiboïde n'existe pas et que les corpus- cules falciformes produisent directement de petites Grégarines dont ils ont déjà l'organisation, c'est-à-dire de petites masses de protopiasma avec un noyau central. Par conséquent, il pourrait se faire qu'il y eût transformation directe.

Maintenant, il y a des espèces nombreuses chez lesquelles on n'a pas rencontré de corpuscules falciformes et dont les navicelles ne contiennent qu'un protoplasma tantôt homogène et clair , tantôt granuleux. Il est possible que, chez ces espèces, les spores se déve- loppent comme E. Van Beneden l'a décrit pour la Grégarine du Homard, c'est-à-dire traversent d'abord une phase d'Amibe, puis de cytode générateur , de pseudoâlaire, pour arriver à l'état de petite Grégarine. Et il se pourrait que chez les espèces dont les spores présentent à l'intérieur des corps falciformes, celles-ci se développent sans avoir traversé la phase amiboïde. 11 y aurait quelque chose qui ressemble au développement des Psoros- permies oviformeset qui établirait une différence entre deux groupes d'êtres qui se ressemblent tant sous d'autres rapports.

En somme, je ne suivrai pas plus loin Aimé Schneider dans ses arguments dogmatiques ; il n'a fait aucune observation personnelle sur le développement d'une Grégarine, et j'adopte complètement sa conclu- sion, à savoir que l'histoire du développement de ces Protozoaires est encore presque entièrement à faire.

Biitschli a-t-il réussi à soulever un coin de ce voile ? C'est ce que nous allons examiner. 11 est assez singulier que parmi les nom- breux auteurs qui se sont occupés du développement des Grégai-ines,

LES GREGARINES. 65

aucun n'ait songé à la méthode d'investigation qui a fourni de si bons résultats pour l'étude des Helminthes , à savoir faire ingérer à des animaux indemnes des germes de Grégarines, et voir comment ces germes se comportent. C'est ainsi que, pour les Helminthes, on est arrivé à des résultats si remarquables ; il suffit de rappeler les travaux de P. J. Van Beneden, Kiichenmeister, Leuckart, von Siebold, etc. Nous avons vu que Stein avait déjà constaté des faits qui démontrent que les kystes ou les pseudonavicelles des Grégarines sont ingérés par des animaux de même espèce que ceux qui contiennent les Grégarines elle-mêmes adultes. 11 avait trouvé un kyste , chez une Blatte, dans l'œsophage, point jamais on ne rencontre deGrégarine développée. Ce kyste avait donc été ingéré avec les aliments. Cette rencontre eût inspirer l'idée de faire quelques observations dans lesquelles on se serait proposé de transmettre les kystes à des Blattes, pour suivre les transformations qu'ils subissent dans le tube digestif ; on ne l'avait pas fait jusqu'ici, et c'est Biitschli qui, le premier, a cherché à recourir à cette méthode. Il a opéré sur la Blatte. Il donna à manger à ces insec- tes une bouiUie de fai'ine et d'eau dans laquelle il avait mêlé des kystes à pseudonavicelles de la Clepsidrina Blattarum recueillis dans les -excréments d'autres Blattes. Cette bouillie fut mangée avec avidité par les animaux et Bûtschli examina ceux-ci au bout de trois jours , s'at- tendant è trouver les jeunes Grégarines en contact avec l'épithélium du tube digestif. 11 fit macérer cet épithélium dans un mélange d'eau salée et d'acide acétique, afin de pouvoir le dissocier plus facilement. Il reconnut ainsi un grand nombre de cellules qui contenaient des Grégarines dont les plus petites dépassaient à peine la taille des pseudonavicelles , de 6 à 8 jx. Elles étaient plongées chacune dans une cellule épithéliale, engagées jusqu'à mi-corps ou un peu au-delà , piriformes , avec la partie la plus large dans l'intérieur de la cellule, le noyau dans la partie extérieure. Le corps ne présentait pas alors de division , et la Grégarine était à l'état de Mcnocystidée. A côté de ces jeunes formes, d'autres étaient un peu plus avancées, et l'on reconnaissait les deux segments par une

66

LES SPOROZOAIRES.

cloison ou ligne foncée qui traversait la largeur du corps. La partie contenant le noyau croissait plus rapidement que l'autre qui paraissait devenir la tête ou protomérite. C'étaient donc déjà des Grégarines com- mençant à atteindre 27 [x. Comment s'étaient-elles développées ?

f..-.

FlG. 18. Développement de la Clepridrina Blaltarum. A, jeunes Grégarines dans trois cellules épillieliales de l'intestin; n, noyau de la cellule cpitheliale. B, premières phases du développement de ces jeunes ; a, avant la formation de la cloison transversale ; b, c, la cloison s'est formée et divise le corps en deux segments. G, Grégarines plus dévelop- pées, enfoncées par leur épimérite dans les cellules épithéliales de l'intestin (d'après BUtschli.)

Avaient-elles traversé des phases amiboïde, monérienne, pseudoâlaire? Le contenu des pseudonavicelles s'était- il organisé en corpuscules fal- ciformes, et étaient-ce ces corpuscules qui étaient devenus déjeunes Grégarines ? Ces corpuscules n'ont jamais été observés chez les Gré- garines de la Blatte (Clepsidrina Blaltarum) (1). Le contenu des spores n'est qu'une masse de protoplasma granuleux ; mais il pourrait très bien se faire que les corpuscules ne se produisissent pas quand on cul-

(1) Nous avons vu plus haut , p. 55 , noie 1^ qu'il faut ranger les Clepsidrina parmi les espèces chez lesquelles l'existence de ces corpuscules a été constatée par Aimé Schneider; c'est chez la C. macrocephala du Gryllus sylvestris qu'il les a observés.

LES GREGARINES. 67

tive les spores dans l'eau, et se forment quand le développement a lieu dans le tube digestif de l'hôte. C'est une voie ouverte à l'hypo- thèse. — Toutes ces questions n'ont pas reçu de solution parles recher- ches de Biitscbli. Cet observateur n'a donc pas mieux réussi que ses devanciers à jeter quelque jour sur les premières phases du développe- ment des Grégarines ; mais je crois qu'il ne s'est pas placé dans les conditions voulues. 11 a nourri des Blattes avec de la farine contenant des pseudonavicelles et ne les a ouvertes qu'au bout de trois jours. Par ce long intervalle de temps entre l'ingestion et l'examen, il a laissé échapper les phases initiales. Il faut suivre les phénomènes pas à pas et ouvrir les Blattes à des intervalles très rapprochés, en commençant quelques heures après l'ingestion, car ces parasites peuvent parcourir très rapidement les différentes phases de leur développement.

Mais d'autres points de l'histoire de ces Grégarines demandent aussi à être éclaircis, et ne l'ont pas été par Biitschli. Nous avons vu que les plus âgées de ces Grégarines étaient formées de deux segments, mais pour arriver à l'état adulte, elles doivent acquérir un troisième segment qui manque encore, l'épimérite ; car chez les Blattes renfermant la Grégarine adulte, Biitschh a trouvé la forme complète, polycystidée, à trois segments, l'épimérite étant enfoncé dans la cellule épithéliale. Quels sont les rapports des deux segments de la jeune Grégarine avec le troisième segment de l'adulte ? Est-ce le segment antérieur tout entier qui devient le protoraérite de la Grégarine adulte, ou bien se divise-t-il par un septum en deux autres dont l'un devient l'épimérite et l'autre le protomérite. ? Ce sont des questions qui doivent être approfondies et dont nous ignorons encore la solution.

Je vous ai retracé aussi complètement et aussi fidèlement que possible l'état de nos connaissances sur l'histoire de ces parasites, et la conclu- sion que j'en puis tirer est très simple : c'est que nous ne savons presque rien sur les points les plus importants de cette histoire. Nos connaissances positives s'arrêtent à la transformation du contenu de la spore en corps falciformes , observée chez un certain nombre

68 LES SPOROZOAIRES.

d'espèces , ce que nous devons à Aimé Schneider. Mais ces corps représentent-ils la phase ultime du développement dans l'intérieur de la spore ? S'il en est ainsi, comment sont-ils mis en liberté ? Que deviennent-ils dans ces conditions ? Que font-ils au contact des liquides du tube digestif ? Se transforment-ils directement en petites Grégarines ? Aucun auteur, ni même E . Van Beneden, qui a donné l'histoire la plus complète du développement d'une espèce, n'a observé la phase de la transformation des spores et n'a constaté l'existence des corps falciformes. Et cette condition de la transformation du contenu de la spore ne pourrait-elle pas être une condition indispensable comme chez les Psorospermies oviformes ? Si c'est une condition nécessaire chez ces Psorospermies, il ne serait pas surprenant qu'il en fût de même chez les Grégarines proprement dites.

Mais la réponse à toutes ces questions nous est encore inconnue. (1)

(1) Schneider a fait récemment [Comptes rendus, 3 juillet 1882, et^rcA. de zool. exper., t. X, N" 3, p. 423 (1882j, des obserx'ations inléressanles sur le développement du Stylo- rhynchus longicoliis. de l'intestin du Blaps. Ayant placé des spores mûres de cette Gréga- rine dans du liquide intestinal de Blaps , il a vu les spores s'ouvrir spontanément et donner issue à un paquet de corpuscules falciformes intriqués les uns dans les autres, et ces paquets isolés se réunir eux-mêmes en pelotons plus ou moins volumineux , dans lesquels les cor- puscules continuaient à s'agiter pendant plus de quatre heures , sans qu'aucun d'eux se fût transformé en une Amibe. D'autre part , Schneider a observé dans les cellules épithéliales de l'estomac de ces mêmes Blaps , des petits corps ovoïdes granuleux , munis d'un noyau propre, et ayant la plus grande ressemblance avec les jeunes Grégarines observées par Butschli dans les cellules épithéUales des Blattes nourries avec les spores de la Clepsidrina Blattarum, ainsi que nous l'avons relaté plus haut dans le texte.

LES COCCIDIES. 69

II

LES PSOROSPERMIES OVIFORMES OU COCCIDIES.

I

Les PsoROSPERMiES OVIFORMES ont été récemment désignées sous le nom de Goccidies par Leuckart dans la deuxième édition de son Histoire des parasites de V homme (1879). En effet, le nom de Psorospermies a été appliqué à quatre catégories d'êtres distincts dans le groupe des Sporozoaires : d'abord aux kystes et aux pseudo- navicelles des Grégarines, par Lieberkiihn qui employait très volontiers ce nom ; puis à des Sporozoaires trouvés par J. Mûller chez les Pois- sons , et c'est précisément pour ces parasites des Poissons que ce nom de Psorospermies a été créé par J. Millier lui-môme ; puis, à des organismes rencontrés dans les muscles striés des Mammifères , les tubes de Miescher ou de Rainey, qui ont reçu aussi le nom de Pso- rospermies utriculiformes ; et , enfin , aux organismes que nous appelons aujourd'hui Goccidies.

On rencontre fréquemment dans le foie des Lapins, et je com- mence en quelque sorte en suivant l'historique de la découverte de ces êtres, qui ont été, en effet, signalés pour la première fois dans les cellules hépatiques du Lapin, des masses blanchâtres, de consistance variable, tantôt assez solide ou caséeuse, ou liquide ou semi-liquide, qui semblent de petits abcès ramollis, logés dans les canalicules hépa- tiques qu'ils suivent pendant un trajet plus ou moins long. Les canali- cules paraissent injectés par cette matière blanchâtre ou blanc jaunâtre,

70 LES SPOROZOAIRES.

et cette couleur, qui tranche sur celle du tissu normal, permet de les suivre dans toute leur étendue. Quelquefois cette matière est distribuée irrégulièrement, formant des dilatations tuberculiformes qui présen- tent tous les degrés de consistance, depuis celle du tubercule cru jusqu'à celle du tubercule ramolli. Ces productions sont une cause de mort pour le Lapin. Quand on les examine au microscope on y constate la présence des éléments altérés du foie, des conduits biliaires dont les cellules épithéliales cylindriques sont détachées et plus ou moins alté- rées. En même temps, on y trouve de nombreuses granulations libres et des corps fortement granuleux présentant, pour ainsi dire, toutes les dimensions possibles. Les uns et les autres ne sont que des parasites à divers états de développement : les formes incomplètement développées offrant l'aspect de petits corps logés dans les cellules épithéliales qui se sont dilatées, les formes adultes ayant celui de coques ovoïdes constituées par une capsule à double contour contenant dans son inté- rieur une masse granuleuse d'apparence diverse.

Ces corps ont naturellement beaucoup intrigué les premiers observa- teurs qui les ont rencontrés. C'est un médecin anglais, Hake, qui, en 1839, les a trouvés le premier dans le foie du Lapin. Depuis lors, ils ont été vus par un grand nombre de naturalistes et de médecins chez une foule d'autres espèces animales, vertébrées et invertébrées, et dans d'autres organes que le foie. On les a signalés chez les Mammifères, les Oiseaux, les Batraciens, les Articulés, les Mollusques, et même chez l'Homme. C'est ainsi qu'ils ont été trouvés dans les cellules épi- théhales de l'intestin chez beaucoup de Mammifères : chez le Lapin, parRemak, Klebs, Kôlliker, Lieberkiihn, Waldenburg, Vulpian ; chez le Chien par Virchow, Leuckart ; chez le Chat, par Fink (Thèse de Strasbourg, 1854); dans l'intestin du Chat, encore par Vulpian [Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1858) ; chez la Souris, par Eimer, et, finalement, chez l'Homme {Mèm. de la Soc. de BioL, 1858 ) , par Gubler, qui les a rencontrés dans le foie d'un malade dont ils avaient occasionné la mort. Nous reviendrons plus tard sur ce cas.

LES COCCIDIES. 71

Ils ont été signalés chez les Oiseaux par Rivolta, Silvestrini, par moi-même, en 1873, dans diverses productions pathologiques chez la Poule ; chez le Triton, par Aimé Schneider. On les a trouvés aussi chez les Mollusques Céphalopodes et Gastéropodes {Hélix horlensis, etc.), et chez les Articulés, {fMhobius forficatus, Glomeris.)

Quelles sont les opinions que les auteurs qui se sont trouvés pour la première fois en présence de ces corps se sont faites sur ces singulières productions ? Comme cela arrive toujours quand on rencontre un objet nouveau, on a cherché à les rapprocher d'objets déjà connus. Dans le cas qui nous occupe, ces corpuscules ont d'abord été consi- dérés comme des éléments histologiques altérés, de simples productions pathologiques. Hake les regarda comme une forme particulière des globules du pus. C'étaient encore des éléments histologiques altérés pour Nasse, Handfleld Jones, Leuckart, autrefois. Puis, on en fit des œufs d'Helminthes, et l'on s'est adressé à toutes les espèces d'Helminthes pour les leur attribuer. Cependant, pour le plus grand nombre et particulièrement pour les auteurs français, c'étaient des œufs d'un Distome ou Douve : ce fut l'opinion de Rayer, de Dujardin, de Brown- Séquard, de Davaine, de Ch. Robin et Lebert, et de Gubler, dans le cas suivi de mort chez l'Homme, dont nous avons parlé. Kiichen- raeister en fit des œufs d'un Nématoïde, KôUiker d'un Bothriocéphale. Vulpian les a appelés tout simplement des corps oviformes et n'a jamais affirmé que ce fût des œufs de Distome , se tenant à ce sujet dans une réserve très louable.

Cependant, dès 1845, Remak avait déjà émis l'opinion que c'étaient des parasites et cherché à les classer à côté des Psorospermies des Pois- sons que J. Millier avait trouvées en 1841. C'est Remak qui les a ren- contrés le premier dans les cellules épithéliales de l'intestin du Lapin. En 1856, Lieberkiihn comparait ces corps oviformes à des kystes de Grégarines, assimilant les corpuscules particuliers que nous verrons se former dans leur intérieur aux spores des Grégarines, qu'il appelait des Psorospermies. C'est une vue très juste, mais qu'il n'a pas suivie jusqu'au bout, et il s'est borné à rattacher ces spores aux spores d'une

72 LES SPOROZOAIRES.

Grêgarine qu'il ne connaissait pas adulte, mais qui devait certainement être reconnue quelque jour. Nous verrons que dans cette vue de Lieberkiihn il y a du vrai et du faux.

Avant d'entrer dans des détails plus particuliers sur l'histoire de ces corps, nous avons d'abord à faire connaître leur structure. Leur orga- nisation fondamentale est la même dans toutes les variétés. Il y a, d'ail- leurs, parmi les Coccidies comme parmi tous les autres organismes, des formes plus simples et des formes plus complexes dérivant des pre- mières, et nous verrons que cette complication résulte non pas de diffé- rences provenant de l'état adulte, mais du mode de leur développement. C'est ce qui nous amène à parler de leur classification.

Avant Leuckart, on ne distinguait aucune espèce, ni aucun groupe parmi ces organismes : c'étaient des Psorospermies oviformes ou corps oviformes, rien de plus. On décrivait toutes les formes en les ratta- chant à une même espèce, sans faire aucune tentative de systématisa- tion. C'est Leuckart qui, dans la 2" édition de son Histoire des parasites de l'Homme, a formé le premier genre, Coccidium, et la première espèce, C. oviforme, pour le parasite trouvé dans le foie du Lapin. Depuis lors, on a décrit un grand nombre d'autres espèces, mais jus- qu'à ces derniers temps, on n'avait pas encore cherché à établir parmi elles une classification systématique. C'est ce que Aimé Schneider a tenté de faire dans un mémoire récent {Arch. de Zool. expérimentale t. X. 1878) en présentant pour la première fois une méthode et un projet de classification dans lequel le genre Coccidium ne vient plus en première ligne parcequ'il ne représente pas la forme la plus simple de ce groupe. Nous donnons ci-contre le tableau qui résume cette classification.

LES COCCIDIES.

73

Classification des Psorospormies oviformes ou Coccidibs (d'après A. Schneider.)

Tribus.

Genres

Tout le contenu du ( CorpusculeB au

kyste se transforme en] nombre de 4... Orthospora.

une spore unique : Mo- j Corpuscules en

NOSPOREES. f nombre indéfini. Eimeria

Le contenu du kyste\ o Spores (Disnorée.) se convertit en un nombre ' "^ constant et défini de spo- res : Oligosporées.

4 Spores (Tetra sporécs)

Corpuscules en nombre défini..

Cydospora.

Corpuscules en nombre indéfini. Isospora.

1 seul corpuscule. Coccidium.

3" Le contenu du kyste se convertit en un grand ( nombre de spores : Po- LTSPORÉES

Klossia. (Benedenia)

74 LES SPOROZOAIRES.

II

On peut considérer deuxpériodes chez les Psorosperraies oviformes, une période d'accroissement ou de végétation et une période de repro- duction. Examinons ces deux phases.

Pendant la première période , d'accroissement ou de végétation : toutes les Psorospermies oviformes ou Goccidies sont formées par de petites masses de protoplasma finement granuleux , munies générale- ment d'un noyau qui n'est pas toujours très visible au milieu des gra- nulations qui l'entourent ; on n'y voit pas encore de membrane d'enve- loppe. La Psorospermie, pendant cette période, vit donc dans l'intérieur d'une cellule , car ces organismes sont des parasites intracellu- laires , tandis que les Grégarines , au moins à l'état adulte , sont extracellulaires. Les Goccidies sont incluses dans les cellules épi- théliales , et c'est avec raison qu'Aimé Schneider les a comparées , sous cette forme, aux Grégarines monocystidées , car elles ont la même composition. Leur organisation est alors tellement simple qu'il est impossible de les distinguer les unes des autres , et , pour les classer, il est nécessaire de recourir à d'autres caractères qu'elles présentent pendant la période de reproduction. En effet , elles ne diffèrent guère que par une taille plus ou moins volumineuse , par la nature du plasma qui renferme souvent des granulations plus ou moins fines, moléculaires ou plus grossières. Puis, on constate une différence d'habitat, c'est-à-dire qu'elles paraissent assignées chacune à une espèce animale déterminée, et chez cette espèce animale même elles ont certains sièges de prédilection : les unes, le foie ; les autres, les cellules épithéliales de l'intestin, etc. Schneider a même signalé, comme donnant asile à certaines espèces, les vaisseaux de Malpighi des Articulés.

Mais les différences s'accusent davantage pendant la période de reproduction, et ce sont précisément ces différences qui ont fourni à

LES COCCIDIES. 75

A. Schneider les bases de sa classification. Avant lui , il n'existait, comme nous l'avons dit, qu'un genre, proposé par Leuckart, pour la Psorospermie oviforme la plus anciennement connue, celle du foie malade du Lapin, le genre Coccidium. Aimé Schneider en a ajouté cinq autres et il a réparti ces six genres en trois tribus d'après le nom- bre des spores qui se forment dans l'individu transformé en kyste. C'est ainsi qu'il a divisé cette famille en Monosporées qui ne forment qu'une spore, en Oligosporèes qui forment un petit nombre de spores, de deux à quatre, et en Polysporées qui forment un nombre considé- rable et non défini de spores. Les deux premières de ces tribus sont divisées elles-mêmes d'après les caractères qui constituent les genres. Quand il y a production d'une spore unique et qu'on trouve dans celle ci un nombre défini de corpuscules falciformes, quatre, par exemple, on a affaire au genre Orthospora. Quand, avec une seule spore on rencon- tre un nombre indéfini de corpuscules falciformes , c'est le genre Eiyneria. Dans la deuxième tribu, il y a deux sections, celle des Distporées et celle des Tétrasporée», suivant qu'il y a deux ou quatre spores. Les Disporées fournissent de même deux genres, suivant le nombre de corpuscules falciformes que contiennent ces spores : dans le genre Cyclospora, ce nombre est défini ; il est indéfini dans le genre Isospora. Les Tétrasporées ne contiennent que le seul genre Cocci- dium. dont chacune des quatre spores ne contient qu'un seul cor- puscule falciforme (1). On pourra trouver plus tard une Oligosporée tétrasporée dont chacune des quatre spores contiendra plusieurs cor- puscules, cela constituera un genre nouveau. Enfin, la troisième tribu celle des Polysporées, ne renferme que le genre Klossia, caractérisé uniquement par le nombre indéfini des spores que produit chaque individu.

D'après ces caractères, la Coccidie la plus simple est celle qui, avec le plus petit nombre de spores, donne le plus petit nombre de corpus-

(1) C'est ce que Schneider admettait avec tout le monde à 1 époque de la leçon ; nous verrons plus loin , en décrivant le genre Coccidium, que le nombre réel des corpuscules de la spore est de deux.

76

LES SPOROZOAIRES.

Cilles falciformes : c'est le genre Orthospora. 11 est tout entier la création de M, Aimé Schneider. V Orthospora propria habite les cel- lules épithéhales de l'intestin des Tritons ; nous n'avons pas pu le retrouver. C'est aux environs de Poitiers que cet observateur l'a rencontré dans plusieurs espèces, notamment chez le Jriton cristatus.

FiG. 19. Orthospora propria du Triton cristatus (A. Schneider).

1, Kyste; 2, 8, contraction du contenu en boule centrale ; 4, 5, 6, formation de la spore ; "7 et 8, corpuscules falciformes.

Cette Psorospermie est une petite masse de protoplasma, d'abord sans enveloppe, qui s'entoure ensuite d'une membrane, grossit, s'en- kyste, rompt la cellule dans laquelle elle était contenue et tombe dans la cavité de l'intestin. C'est qu'on la trouve enkystée. Le contenu remplit d'abord tout le kyste, puis il se contracte en boule ; mais cette contraction présente quelques phénomènes particuliers. Ordinaire- ment, il se forme une boule qui reste au centre du kyste, mais, dans cette espèce, la boule reste en rapport avec un des pôles du kyste. La coque de ce kyste, qui est épaisse et présente un double contour est munie, précisément au pôle se trouve la masse contractée, d'un petit mamelon ou stigma qui fait saillie dans l'intérieur du kyste. La masse contractée adhère à ce mamelon, puis descend dans le kyste en restant attachée au manchon par un petit filament au bout duquel elle paraît pendre. C'est le filament suspenseur d'Aimé Schneider. Chez d'autres espèces, on rencontre quelque chose d'analogue , mais on ne connaît pas encore la signification de cette disposition. La masse centrale s'organise alors en quatre corpuscules falciformes , commençant par quatre bourgeons qui se produisent à sa surface par du protoplasma presque hyahn. Ils poussent quelquefois deux d'un

LES COCCIDIES.

77

côté et deux de l'autre, s'allongent en quatre bâtonnets qui ne méritent pas le nom de « falciformes, » car c'est à peine s'ils sont recourbés. Ils sont plus épais à une extrémité et semblent constitués par trois segments, deux terminaux et un moyen. Le segment moyen paraît taillé en un double biseau par lequel il s'enclave entre les deux segments extrêmes qui ne se touchent que par un point. Le plasma des segments extrêmes est plus homogène et plus clair, tandis que dans le segment en biseau il est plus granuleux. C'est sans doute que le corpuscule n'est pas encore mûr, car tous les corpuscules ne sont pas construits ainsi : il en est qui sont formés d'une seule masse homogène.

En outre des corpuscules, les spores renferment un noyau de reli- quat, masse sphérique formée par la masse primitive granuleuse qui n*a pas été employée pour la formation des corpuscules.

Que deviennent ces spores et notamment les corpuscules contenus dans leur intérieur? Aimé Schneider n'a pas réussi à suivre leur développement qui, sans doute, se fait en dehors de l'animal dans lequel on a trouvé la Psorospermie à l'état complet. Mais nous ver- rons par la suite, dans d'autres genres, des espèces sur lesquelles on a pu suivre le développement des corpuscules falciformes et reconnaître ce qu'ils deviennent.

FiG. 20. Eimeria nova du Glomeris (A. Schneider).

1, i. Eimeria dans la cellule du Glomeris, 3, rupture ae la cellule; 4, formation des corpuscules falciformes ; 5, 6, 1, corpuscules falciformes nucléés.

Le genre Eimeria comprend deux espèces : l'une, ancienne, décou- verte par Eimer en 1870 , et l'autre , nouvelle , Eimeria nova , de A. Schneider. Cet auteur l'a rencontrée dans les tubes de Malpighi d'un Myriapode , le Glwneris. C'est une petite masse ovalaire avec

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LES SPOROZOAIRES.

noyau et nucléole, sans enveloppe , qui grossit, puis s'entoure d'une membrane , rompt la cellule qui la contient et tombe dans la cavité du tube de Malpighi. Elle est alors munie d'une membrane externe, épaisse et résistante, et d'une membrane interne plus mince. Elle se transforme en un faisceau de corpuscules falciforraes en rapport par une extrémité avec le noyau de reliquat. Ces corpuscules, traités par l'acide osmique, montrent, d'une manière très nette, un noyau. Ce fait est important puisqu'il }• a une théorie d'après laquelle les corpuscules falciformes se transforment directement en Grégarines et en Goccidies. Ces petits corps sont doués de mouvements assez énergiques : ils se recourbent et se redressent en détendant leurs extrémités , pendant un temps plus ou moins considérable et avec une force plus ou moins grande.

Ce n'est pas sur cette espèce qu'on a pu suivre le développement ultérieur des corpuscules falciformes, c'est sur l'autre espèce du même genre, VEimeria falciformis. On a pu assister à tout le cycle évolutif de ce parasite, petite Coccidie découverte, enl870,parEimer, aujour- d'hui professeur à Tùbingen. 11 l'a décrite sous le nom de Gregarina falciformis, dans un petit mémoire intitulé : Reche7vhes sur les Pso- 7^ospermies ovifo'i^mes des FeHe&res. C'est A.Schneider qui, en en fai-

FiG. 21. Eimeria falciformis de la Souris ('l'après Eimor).

1, Eimeria dans ane cellule épithéliale dont le noyau est refoulé ; 2, kyste ; 3, formation delà spore; 4, 5, spores; 6, T, corpuscule falcifornie; 8, 9, 10, corpuscule passant a l'état amiboïde.

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sant une Goccidie, lui a donné le nom d'Eimer. Celui-ci nous apprend qu'il tenait en captivité, depuis assez longtemps, trois souris qu'il nour- rissait convenablement , lorsque celles-ci vinrent à mourir pour une cause qu'il ne put pas apprécier. Il les ouvrit et trouva dans l'intestin une foule de petits organismes dont il a étudié toutes les phases de développement. Il a vu que les cellules épithéliales de l'intestin renfer- maient des masses plus ou moins sphériques et volumineuses de plasma granuleux, munies d'un noyau, refoulant le noyau propre des cellules épithéliales. Dans la cavité de l'intestin, il a trouvé des masses sem- blables, mais libres et entourées d'une double membrane d'enveloppe. La première membrane, externe, était épaisse, formant coque et la seconde, plus fine, la tapissait à l'intérieur. Avec ces kystes , il en a trouvé d'autres dans lesquels la masse interne était divisée en un plus ou moins grand nombre de sphères, et d'autres dont le contenu était formé par des bâtonnets falciformes ou recourbés, et disposés comme les méridiens d'une sphère et appliqués contre la face interne de la membrane intérieure. Ces bâtonnets, qui sont des corpuscules falci- formes, étaient en rapport avec un noyau, le noyau de rehquat. Eimer a pu suivre toutes les phases de développement des kystes à contenu indivis jusqu'à la formation des corpuscules falciformes. Bientôt les corpuscules se dérangent et prennent des dispositions plus ou moins irrégulières. Mais Eimer a trouvé aussi avec les corpuscules falciformes, d'autres corpuscules tout semblables, libres dans l'intestin et les a vus exécuter des mouvements assez énergiques, se recourbant et se redressant alternativement, quelquefois s'enroulant sur eux- mêmes. Le plasma paraissait s'accumuler à l'une de leurs extrémités, et bientôt les corpuscules se transformaient en une espèce de petit glo- bule qui, au bout d'un certain temps, devenait une masse amiboïde. C'est cette Amibe qui, d'après Eimer, après avoir rampé quelque temps sur les cellules épithéliales pénètre dans une de ces cellules , puis grossit et revient kla phase primitive.

Eimer a donc vu et décrit le cycle évolutif tout entier d'une Gocci- die ; il s'agit de savoir s'il a bien vu , car ses observations n'ont pas

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encore été vérifiées, surtout dans cette phase importante les corpus- cules falciforraes se changent en Amibes. Il a trouvé les mêmes kystes à bâtonnets falciformes et des corpuscules libres dans les excréments de ses souris et d'autres souris venant de la même localité. Il en a con- clu que ces corpuscules et ces kystes sont rejetés avec les déjections, avalés avec les aliments par d'autres souris dans lesquelles ils se déve- loppent, et ainsi de suite.

La différence qui distingue ce genre Eimeria, il ne se forme qu'une spore, du genre Orihospora , il ne se produit aussi qu'une spore, consiste en ce que la spore de ce dernier fournit seulement quatre corpuscules falciformes, tandis que, dans le genre Evneria, elle en produit un nombre indéfini.

Je crois que c'est dans ce même genre qu'il faut faire rentrer la Psorospermie oviforme découverte par Bùtschli chez un Myriapode, le Lithobius forficatus. En effet , dans un mémoire intéressant publié par lui en 1881 {Zeilschr. f. wiss. Zool. t. XXXV), BûtschU décrit une Goccidie qu'il a trouvée à l'état intracelkilaire dans les cellules épithéliales de l'intestin du Lithobius et qui se présente, à son âge le plus jeune, comme une masse falciforme, offrant un beau noyau avec un gros nucléole. La petite masse est encore nue, mais, à une phase plus avancée , elle présente une membrane d'enveloppe épaisse, doublée d'une couche interne plus fine. La membrane externe porte un épaississement en pointe ou en calotte à l'un de ses pôles.

Ces kystes se trouvent en grandes quantités dans la cavité digestive de l'animal, et, à une phase plus avancée, Bùtschli a vu leur transfor- mation en un grand nombre de corps en bâtonnet recourbé, munis d'un noyau et d'un nucléole. Ce sont des faisceaux de corpuscules falciformes doués des mouvements que nous avons déjà décrits. Bùtschli insiste sur la découverte qu'il a faite de ce noyau , et il remarque avec raison que c'est la première fois que ce noyau est démontré dans les corpuscules falciformes des Coccidies ; mais chez les Grégarines, Aimé Schneider, en 1875, avait déjà signalé un noyau dans les corpuscules falciformes du Monocystis agilis En 1881 ,

LES COGCIDIES.

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Bûtschli a signalé aussi et figuré un noyau dans les corpuscules aes Grégarines monocystidées. Chez les Coccidies, la première observation de ce genre n'a pas tardé à être confirmée par A. Schneider chez ÏEimeria nova, comme nous venons de le voir. Les observations de ces deux auteurs se sont suivies de très près , car Biitschli a publié les siennes au printemps de l'année 1881 {Zeitschr. f. icisa. ZooL t. XXXV), et A. Schneider pendant l'automne suivant (.4rc/i. de ZooL ejrpèynm. t. IX).

Biitschli a rencontré aussi ces corpuscules falciformes libres dans l'intestin du Liihobius; c'est donc au moment le kyste se rompt. Je vous ai signalé cette forme trèsjeune reconnue par Biitschli ; il semble qu'elle représente le corpuscule falciforme pénétré , peut-être à l'état d'Amibe, dans les cellules et réalise la forme la plus jeune du parasite. Biitschli n'a pas nommé cette espèce et A. Schneider ne semble pas en avoir eu connaissance. Elle paraît rentrer dans le genre Eimeria , car elle présente la caractéristique du genre : une seule spore et un grand nombre de corpuscules falciformes. On peut la désigner sous le i!om d'Eimerta Bûtschlii (1).

Nous arrivons maintenant à la tribu des Oligosporèes, dans laquelle nous ti'ouvons un premier groupe , celui des Dlsporécs , caractérisé [)ar la formation de deux spores et contenant deux genres : d'abord le genre Cyclospora. C'est une Oligosporée à deux spores dont chacune contient un nombre défini de corpuscules, mais ordinaire- ment deux. On ne connaît qu'une espèce , le Cyclospora glomericola

FiG 22. C]/clospora §lomericota (.\. SclineiJer).

I, Kyste 2, contraclioQ du contenu; 3, 4, formation des sporoblastes ; 5, formation des spores; 6, spore avec corpuscules falciformes et noyau de reliquat.

(1) Depuis, BUtschli a disignd cette espèce sous le nom d'Eimei tj, Scfoxideri. [Protozoa Bd. 1 von Bronn's Klassen und Ordnungen aes Thieireicht, 2. Aufl. p. 5'ô.)

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qui se trouve dans les cellules épithéliales de l'intestiii du Glomeris , ce même Myriapode dans les tubes de Malpighi duquel nous avons rencontré VEimeria nova. Ce parasite est très fréquent en automne, à l'état enkysté, dans l'intestin de l'animal. Le contenu du kyste remplit d'abord toute sa cavité ; puis , il se contracte et abandonne les deux extrémités , les deux pôles opposés de ce kyste ovoïde , pour se concentrer vers le milieu. Pendant qu'il quitte ainsi la paroi interne , il sécrète à sa surface une membrane secondaire , interne , qui vient s'appliquer contre la première. En même temps , on voit le noyau , qui était primitivement renfermé dans le centre même de la masse intérieure , s'avancer peu à peu vers la périphérie en suivant la ligne équatoriale , se placer à la surface , puis disparaître à vue. Disparaît-il réellement , ou devient-il simplement moins accusé on prenant un indice de réfraction et des caractères optiques particuliers? A ce moment, Aimé Schneider a vu apparaître à chaque pèle , mais dans le contenu du kyste et sous la membrane , un petit globule brillant et arrondi , et il compare cette disparition du noyau avec formation de deux globules à la disparition de la vésicule ger- minative de l'œuf et à la formation des globules polaires. Cette com- paraison est-elle fondée ? Toujours est-il qu'après que ce phéno- mène s'est produit le contenu du kyste se divise en deux parties et il se forme deux sphères de segmentation , sphères qui bientôt s'orga- nisent chacune en une spore et qui , en raison de cette destination , ont reçu d'Aimé Schneider le nom de sporoblastes. Bientôt cliaque sporoblaste s'éclaircit à un de ses pôles , s'entoure d'une membrane et produit , dans son intérieur, deux corpuscules i'alciformes avec un noyau de reliquat. Le développement de ces spores n'a pas été suivi plus loin. J'ajouterai que les spores mûres de cette espèce, renfermées dans le kyste , et même, plus rarement, à l'état de liberté, ont été retrouvées dans les déjections des Glomeris. Ainsi répandues dans le monde ambiant , elles sont reprises , probablement avec les matières ahmentaires, par des animaux de la même espèce et c'est de cette manière que se fait la propagation de ce Cyclospora.

LES COCCIDIES.

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J'arrive au second genre de cette tribu , le genre Isospora , dont les kystes ont deux spores formant un nombre indéfini de corpuscules. A ce genre appartient une espèce rencontrée par A. Schneider dans la Limace noire , \ Isospora rara. Il est probable que si l'on voulait examiner tous les Invertébrés , et particulièrement les Mollusques , on trouverait un grand nombre de ces petits organismes , et l'on ferait

FiG. 23. Isospora rara de la Limace grisa (A. Schneider).

1, Kyste ; 2, segmentation du kjste ; 3, formation des sports ; 4, formation des corpuscules falciformes ; 5, rorpusrule falciforme.

un riche butin d'espèces nouvelles. VIsospora rara n'a été trouvé qu'exceptionnellement. Dans les kystes , la masse primitive se divise en deux sporoblastes , et chaque sporoblaste se recouvre d'une mem- brane particulière , membrane propre de la spore dans laquelle le contenu s'organise en nombreux corpuscules falciformes , recourbés , et qui paraissent formés de trois segments dont les deux terminaux plus réfringents. Cette apparence correspond sans doute à un état de maturité incomplète.

La plus intéressante et la plus anciennement connue de toutes les espèces de ce groupe est celle qui habite le foie et les cellules épithé- liales de l'intestin du Lapin , le Coccidium oviforme. Je vous ai cité les opinions émises sur ce singulier organisme. Nous savons mainte- nant qu'il appartient au groupe des productions grégarinaires, Lieberkûhn a été retenu contre la tendance qu'il avait d'en faire une Grégarino véritable par ce fait qu'il supposait que toutes les Grégarines se reproduisent par une transformation amiboïde qui représente la première phase de leur développement. N'ayant pu constater cette phase amiboïde chez la Psorospermie oviforme du Lapin , il ne l'avait

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LES SPOROZOAIRES.

pas classée parmi les Grégarines. Toute l'histoire do cet organisme montre qu'il faut le ranger parmi les Coecidies.

On peut, en effet, distinguer, dans l'évolution de la Psorospermie oviforme du Lapin , une phase d'accroissement et une phase de repro- duction. La phase d'accroissement se passe tout entière dans les cellules épithéhales des conduits biliaires de l'hôte , car la Coccidie

FlG. 24. Coccidium oviforme dans les cellules épithéliales des conduits hépatiques et refoulant les noyaux de ces cellules (d'après Balbiani).

est intracellulaire. Ces conduits sont fortement dilatés par le parasite et il se produit de véritables poches , non seulement en raison de la dilatation des parois , mais par la rupture et la destruction du tissu. Il en résulte un processus d'irritation qui détermine la prolifération du tissu conjonctif du sfroma hépatique ; les faisceaux de ce tissu con-

FlG. 25. Coupe d'un foie de Lapin envahi par le Coccidium oviforme. Les conduits hépatiques sont dilatés par les productions parasitaires (d'après Balbiani).

LES COCCIDIES. 85

jonctif , les cellules épithéliales implantées sur ce stroma , avec les parasites dans les cellules accrues, tombent dans la cavité do la poche. Quand on incise ce'.te p«)clie , on trouve , dans le liquide caséeux ou purulent qui la remplit, des cellules épithéliales détachées contenant le parasite à toutes ses phases , et formant des masses plus ou moins volumineuses qui refoulent le noyau de la cellule vers une de ses extrémités.

Comme dans les cas que nous avons déjà signalés , le contenu du kyste le remplit d'abord complètement, et celui-ci, qui a la forme d'un œuf allongé , a une paroi plus mince à l'un de ses pôles qui présente une petite dépression en forme de raicropyle. Est-ce réellement un raicropyle?On ne le sait. Le contenu, grisâtre, compte, d'après mes mesures récentes , 36 [x de longueur sur 18 [>. de largeur. Puis , le kyste grossit et acquiert une paroi plus épaisse ; il atteint 43 \x sur 22. Alors , le contenu se contracte en boule au centre , et c'est la phase ultime du développement que l'on observe dans le foie ou dans l'intestin du Lapin ; on n'a jamais vu , dans ces conditions , le parasite organisé différemment , et tous les auteurs sont d'accord à admettre que, pour pouvoir pousser les observations plus loin , il faut placer les kystes dans d'autres conditions.

C'est Kauffmann qui a eu l'idée, en 1847, de réaliser ces nouvelles conditions et de placer les kystes dans l'eau. Il a vu, au bout de quinze jours , le contenu se diviser en deux ou quatre parties , mais toutes les modifications se sont arrêtées là. D'ailleurs, Kauffmann considérait ces corpuscules comme des parties de l'organisme altérées par une maladie qu'il compare à la tuberculose. Ces résultats ont été confirmés, en 185i, par Lieberkiihn et, en 1860, par Davaine. Stieda, en 1865, et Waldenburg , en 1867 , allèrent plus loin. Ils placèrent des foies de Lapins infestés de Psorospermies dans de l'eau pure ou dans des solutions faibles de bichromate de potasse ou d'acide chromique. C'est ainsi que Waldenburg , au bout de quatre ou cinq jours , Stieda , au tout de quatre ou cinq semaines , observèrent la segmentation du contenu du kyste en deux, puis en quatre parties. Mais, à partir de ce

LES SPOROZOAraES.

moment, laurs observations présentent de notables divergences. Examinons d'abord l'observation beaucoup plus exacte de Stieda.

D'après lui, chacune des quatre parties du contenu ainsi segmenté s'allonge et produit , dans son intérieur, un bâtonnet cylindrique légèrement recourbé et aux extrémités un peu renflées en une sorte de boule; dans la concavité du bâtonnet est logée une masse granuleuse, le tout renfermé dans une paroi propre , celle de la spore. Ainsi , Stieda avait bien reconnu quatre spores formant chacune un corpus- cule falciforme et un noyau de reliquat, mais il n'employait pas ces termes et ne connaissait pas la signification de ces parties. Il réussit aussi à isoler les bâtonnets qu'il a pu décrire très exactement. (Arch. r. path. Anat. t. XXXII, 1865).

Waldenburg s'est trompé dans ses observations , mais comme on les cite souvent, il est utile de les signaler. Après la division du contenu du kyste en quatre parties, chacune de ces parties se diviserait elle-même en quatre autres , ce qui fait seize petites sphères qui sortent du kyste sous forme d'un corps amiboïde et représentent la période la plus jeune du développement delaPsorospermie. ('Virchow's Archiva. XL, 1867].

Les observateurs modernes ont confirmé les assertions de Stieda et réfuté celles de Waldenburg : Leuckart, par exemple, dans la 2*' édi- tion de son ouvrage sur les parasites de l'homme. J'ai moi-même beaucoup étudié ces parasites et observé tout le cycle évolutif de la Coccidie du Lapin. Sur les kystes placés dans l'eau, j'ai vu , comme Stieda, la division en quatre spores, mais je suis arrivé à quelques faits particuliers dont je dois dire quelques mots. Quand on relit les auteurs qui ont traité cette question, on est surpris de constater que les divers observateurs varient considérablement dans l'appréciation du temps nécessaire pour le développement et la segmentation du kyste. Kauffmann évalue ce temps à quinze jours à partir de la phase ultime à laquelle on le trouve dans les organes du Lapin. Stieda le porte à six semaines , Lieberkûhn à quelques mois. Waldenburg et Reincke (Diss. inaug. 1866), dans quelques cas , le fixent à quatre ou cinq jours. Leuckart le considère comme subordonné à la température

LES COCGIDIES. 87

ambiante ; ainsi , en hiver, dans une chambre chauffée , le déve- loppement se fait en quatre semaines, tandis qu'il ne se produit qu'au bout de neuf semaines dans une chambre non chauffée. Quelle est la raison de ces divergences si grandes? Je crois l'avoir trouvée, car j'ai remarqué que cette durée est, en effet, variable et dépend uniquement des conditions dans lesquelles on place les kystes, de l'accès plus ou moins facile de l'oxygène à la surface de ces corps et de leur activité respiratoire. Ainsi, l'épaisseur de la couche d'eau qui la recouvre a une très grande influence sur le temps que la Psorospermie met à se diviser, mais une fois qu'elle a commencé sa segmentation , les phases se succèdent assez rapidement. En effet, quand on place de petits morceaux de foie infesté de Coccidies dans de l'eau, si la couche d'eau qui les recouvre a une épaisseur de 2 ou 3 centimètres, la segmentation des kystes se produit après un laps de quhize jours à trois semaines. Si la couche d'eau est plus mince et seulement de 2 ou 3 millimètres, et que h; vase ait une ouverture très large, comme un verre de montre, par exemple, la segmentation se produit en deux ou trois jours, au moins dans une chambre chauffée à 15-18° C, ou en été. Au bout de dix à quinze jours , les kystes renferment tous des spores bien développées avec des corpuscules falciformes ; puis, une fois commencées , les phases du développement se poursuivent avec la môme rapidité sur tous les kystes.

J'ai obtenu les mêmes résultats dans le sable humide qui fournit de très bonnes conditions pour le développement des Psorospermies comme pour celui des œufs des Nématoïdes. C'est par ce moyen , en effet , que Leuckart a réalisé un grand nombre de ses belles expé- riences sur les Nématoïdes , et les conditions sont meilleures encore que dans l'eau.

On constate des différences analogues quand, au lieu de placer dans l'eau le pus psorospermique, on y dépose des morceaux de foie tout entiers. Il arrive alors que le foie se pourrit et la putréfaction empêche le développement d'un grand nombre de kystes. Ceux qui , devenus

88 LES SPOROZOAIRES.

libres, se sont déposés au fond du vase et qui échappent à la putréfac- tion continuent leur évolution. D'ailleurs, dans toutes les cultures, les seuls kystes qui se développent sont ceux qui sont arrivés à la phase ultime, celle le contenu du kyste est contracté en boule au centre ; tous les autres restent pendant un certain temps dans le même état, puis se détruisent plus ou moins rapidement.

LES COCCIDIBS. W

III

Nous avons vu, sur le Coccidium oviforme et sur d'autres espèces, que le développement des Coccidies s'opère en deux temps ou périodes; pendant la première , les kystes se forment et poussent leur évolution jusqu'à ce que le contenu de ces kystes se contracte en boule au centre, et le processus s'arrête tant que les kystes sont contenus dans l'animal qui les héberge. La seconde période se passe dans le milieu cosmique ; le développement y reprend et se continue jusqu'à ce que le contenu des kystes se soit converti en quatre spores présentant chacune un corpuscule falciforme, dans le Coccidium oviforme, et un noyau de reliquat (1), Il est impossible de ne pas remarquer l'analogie que présente ce mode de développement en deux temps, avec celui d'un grand nombre d'Helminthes, les Nématoïdes , par exemple, chez lesquels l'œuf se développe aussi en deux périodes : première période dans l'intérieur de l'animal qui héberge le parasite, et seconde période dans le milieu ambiant. Ainsi , pour l'Ascaride lombri- coïde , on le trouve , dans les matières exciémontitielles de l'Homme, à l'état d'œuf dont le vitellus remplit encore toute la cavité. Il persiste dans cet état jusqu'à ce qu'il soit mis en contact avec le milieu ambiant. Placé dans l'eau , il reprend son développement après un temps variable avec la température. Schubart . Richter, Leuckart et Davaine ont constaté qu'il a une période de repos qui peut se prolonger de trois mois à six mois (Leuckart et Davaine). Le vitellus se divise alors, et subit la segmentation jusqu'à ce que l'œuf renferme un embryon bien développé. Le Slrongle géant , comme je l'ai constaté, présente un état de développement plus avancé dans les organes de l'hôte, car l'œuf s'est déjà divisé en deux sphères de seg- mentation, mais le processus ne va pas plus loin. Cet œuf, un peu

(1) Nous verrons plus loin que, dans cette espèce, chaque spore contient non pas un seul corpuscule falciforme, comme on l'a avancé jusqu'à présent, mais deux.

90 LES SPOROZOAIRES.

polygonal , à angles mousses , placé dans l'eau . met cinq mois pour subir le développement qui va jusqu'à la formation d'un embryon, (Jomm. de VAnat. de Ch. Robin t. vu, 1871).

On sait aussi que chez beaucoup d'Helminthes, l'embryon séjounie longtemps dans l'œuf sans éclore; quel que soit le temps pendant lequel on garde celui-ci dans l'eau ou dans le sable humide, il ne continue son développement que quand l'œuf se retrouve placé dans le sein de l'animal qui doit être son iiôte : l'Homme pour l'Ascariile lombricoïde , mais, pour le Strongle, je n'ai pu trouver l'animal dans lequel s'achève le développement. Pour l'Ascaride lombricoïde, Davaiiie a trouvé l'em- bryon vivant au bout de quatre ans, dans l'eau ; il en est probablement de même des Coccidies . Il est à supposer, en effet , que la survie des spores de ces organismes se prolonge pendant longtemps , mais on n'a pas encore de renseignements très précis sur cette question, comme or» en possède sur la durée de l'œuf de Y Ascaris lumbricoides (1) .

Ce développement en deux phases étant connu , il est facile de se représenter la manière dont se fait la transmission d'un animal à l'autre. Les kystes, expulsés avec les excréments d'un premier hôte, se développent dans l'eau ou dans la terre humide. Enquatorze ou quinze jours, ils sont mûrs et probablement entraînés, les liquides qui les conte- naient s'étant desséchés, avec les poussières, par les courants d'air ; ils viennent tomber sur les aliments d'animaux sains. Parvenus de cette manière dans le tube digestif de ceux-ci, les kystes mettent en liberté leurs spores qui se ti'ansforment en nouvelles Coccidies; celles-ci sé- journent dans le canal intestinal, si ce sont des Coccidies de l'intestin, ou s'introduisent dans les conduits biliaires par le canal cholédoque, si ce sont des Coccidies du foie.

La propagation des Coccidies est favorisée par la réunion de nom- breux animaux dans un même local, ce qui explique la fréquence de ces parasites chez les Lapins, et particulièrement chez ceux de Paris.

(1) Nous con ervons depuis le mois d'avril 1882, dans de l'eau pure, des spores mûres de Coicidium oviforms donl le contenu, form? par les corpuscules fal-iforme- et le nurléus de reliquat, présente encore un aspect parfaitement frais (note de juin 1883). .

LES COCCIDIES. 9\

D'ailleurs , c'est la loi de toutes les maladies parasitaires de s'entre- tenir par le rassemblement des individus dans un même lieu. Ces faits expliquent comment la psorospermose est si fréquente chez les Lapins domestiques, tandis qu'elle est rare chez les Lapins sauvages qui ont, eji général, un genre de vie tout différent , et sont disséminés sur un vaste espace. Je tiens de mon ami et collègue, le professeur Brown- Séquard , qui a disséqué tant de Lapins des deux mondes, qu'il n'a jamais observé de foie psorospermique chez les Lapins de l'Amérique du Nord, lesquels vivent à l'état sauvage.

Le mode de pénétration de ces parasites par le tube digestif n'est donc pas douteux. Nous avons eu, M. Henneguy et moi, l'occasion d'examiner récemment un jeune Lapin, et dans la masse volumineuse que renfermait l'estomac , ainsi que dans les aliments digérés do l'in- testin, nous avons trouvé un grand nombre de Goccidies arrivées à la phase ultime qu'elles atteignent chez les animaux qui les hébergent. L'animal présentait bien quelques petites tumeurs dans son foie, mais les Psorospermies de l'intestin étaient si nombreuses que leur pré- sence ne pouvait pas s'expliquer par celles du foie. C'étaient évidemment des Coccidies ingérées avec les aliments. Du reste , nous en avons trouvé un grand nombre dans l'estomac, ainsi que je l'ai dit, et même dans la partie inférieure de l'œsophage. Ces parasites avaient donc bien été introduits avec les matières alimentaires.

Si ce mode de propagation n'est pas douteux , nous connaissons beaucoup moins bien la marche même de l'évolution du parasite après son introduction dans le tube digestif. Que deviennent les kystes et les spores au contact des liquides de l'estomac et de Tinteslin ? 11 fau; avouer l'insuffisance de nos connaissances à ce sujet. Les seuls observateurs qui aient tenté de résoudre cette question sont Walden- burg et Rivolta. Rivolta a opéré sur des Poules ; ces oiseaux sont, en efifet, infestés par une Coccidie , mais celle-ci est d'un autre genre que celle qui nous occupe particulièrement , et les faits peuvent être différents. Waldenburg a expérimenté avec des Lapins. Il a fait ingérer à de jeunes Lapins de quatre semaines des Coccidies qu'il

92 LRS SPOROZOAIRES.

supposait mûres. Après quatre jours, il trouva, à la surface de l'in- testin, chez les jeunes animaux , de petites granulations formées d'un plasma granuleux entouré d'une membrane très fine , et présentant quelque analogie avec les jeunes Coccidies des cellules épithéliales du foie. Il fit des expériences de contrôle en tuant des Lapins du même âge, mais élevés dans un autre local. Ceux-ci ne présentaient pas de petits corps granuleux sur la paroi de l'intestin. Je dois cependant ajouter que ces faits ne peuvent pas être acceptés sans quelques réflexions , car Waldenburg ne s'était pas fait une idée très nette de révolution du Coccidium oviforme. Il n'avait pas vu ces quatre spores mûres indiquées par Stieda ; il a écarté des vues justes pour y substi- tuer des idées erronées, comme on l'a reconnu plus tard. Quant aux expériences de Rivolta sur la Poule , elles ne méritent pas beaucoup plus de confiance que celles de Waldenburg, car il ne s'était pas fait une idée beaucoup plus exacte de l'évolution de ces Psorospermies. Ainsi, dans ses premières observations, il supposait que le contenu du kyste se divisait en quatre globules qui étaient revêtus de cils vibra- tiles et qu'il comparait h des Infusoircs, supposition absolument fausse. (Voir, pour Waldenburg, Virchow's Archiv, t. XLX, 1867; et, pour ^\\(A\.?i.,Gio7'naIemedic. veterin.L IV, 1869).

On peut se faire nue idée a priori des phases que traversent ces corps dans l'économie animale. Il est probable que les spores commen- cent par être mises en liberté avant de se développer. Mais comment ? Est-ce par rupture de la membrane du kyste? Sortent-elles par ce point qu'on a nommé micropyle ?

Il est probable aussi que ces spores, c'est-à-dire le ou les corpuscules falciformes qu'elles renferment , se transforment en petites masses amiboïdes représentant l'état le plus jeune de la Psorospermie . Que si celles-ci appartiennent à une espèce intestinale, elles se fixent dans les cellules épithéliales de l'intestin , ou bien , si elles appartiennent à une espèce hépatique, elles pénètrent dans le foie par le canal cholédoque. Telle est probablement la marche de l'évolution de ces parasites, mais ce ne sont que des vues a pynori.

LES COCCIDIES. 93

Il serait aussi très intéressant de reconnaître par quel mécanisme les petits corps amiboïdes pénètrent dans les cellules épithéliales. Nous connaissons des exemples de cette pénétration d'un parasite dans l'intérieur des cellules chez un gi-and nombre d'espèces animales et végétales. C'est dans cette cellule animale ou végétale que le parasite achève son développement ; mais nous ignorons presque complètement le mécanisme de cette pénétration : le parasite perce-t-il la membrane, quelquefois très résistante de la cellule par un processus mécanique, ou bien le dissout-il par une action chimique ? Quand nous étudierons d'autres parasites appartenant au groupe des Sporozoaires, nous trou- verons encore d'autres cas de pénétration dans les cellules, par exemple, chez les Psorospermies des Poissons et celles des Vers à soie.

Le Lapin n'est pas le seul Mamrailère dans les organes duquel on trouve les Psorospermies. On rencontre aussi des organismes du même groupe chez le Chien, le Chat, l'Homme lui-même, mais ils sont moins bien connus que la Coccidie du Lapin , et l'évolution de ces espèces n'a pas été poursuivie comme celle du Coccidhim oviforrae. Malgré leur ressemblance avec cette dernière espèce , il se pourrait qu'elles appartinssent à des espèces différentes. C'est ainsi qu'on aurait pu croire que la Psorospermic qui vit dans les cellules épithé- liales de l'intestin de la Souris appartenait au genre Coccidium ; or, nous avons vu qu'elle rentre dans le genre Eimeria. Cette Coccidie de la Souris est monosporée, c'est donc à tort qu'Eimer a voulu identifier ces deux espèces. Leuckart incline, au contraire, à en faire deux espèces différentes. 11 croit que la Coccidie du Chat, du Lapin, de l'Homme, et peut-être même la Coccidie intestinale du Lapin, appartiennent à une autre espèce que celle du foie de ce dernier animal ; il se fonde pour cela sur diverses raisons , telles que la différence de l'habitat et sur un autre caractère que je considère comme erroné : l'inégale durée de l'incubation de ces Coccidies en dehors de l'économie animale. Ainsi, les Coccidies de l'intestin emploient un temps beaucoup plus court , à ce qu'il croit , pour re- prendre la série de leur développement, que les Coccidies du foie qui

94 LES SPOROZOAIRES.

ne se développent que quelques semaines ou même plusieurs mois plus lard. Leuckart pense pouvoir se fonder sur ce caractère pour attri- buer ces Coccidies à des espèces différentes. Je crois , au contraire , pouvoir prouver que ces différences dépendent, comme nous l'avons dit, des conditions do l'incubation et, par exemple , de la quantité d'eau qui recouvre les kystes. Sous une épaisseur assez considérable , 2 à 3 centimètres , l'évolution se fait très lentement , parce que la respiration des organismes s'accomplit difficilement; sous une couche de 2 à 3 millimètres, au contraire, le développement est rapide, parce que la respiration se fait bien.

Quoi qu'il en soit , Leuckart est d'avis de faire une espèce particu- lière des Coccidies de l'intestin , pour laquelle il propose le nom de Coccidium perforans ; ce serait cette espèce qui vit dans les cellules épithéliales de Tintestin chez plusieurs animaux. Quant au nom , il viendrait de ce que c'est sur l'épithélium intestinal qu'on a constaté d'abord la perforation des cellules au moment les Psoros- permies les abandonnent pour tomber à l'état de kystes dans la cavité de l'intestin. L'épithélium subit alors un travail de dénudation qui détermine des irritations et divers phénomènes pathologiques , ainsi que nous l'avons montré pour le Coccidium oviforme.

On a observé aussi des Coccidies dans l'intestin de l'Homme , Kjellberg et Eimer en ont trouvé dans des cadavres humains, dans le foie , par exemple , mais leur existence n'avait pu être diagnostiquée pendant la vie. Plus lard , Rivolta et Grassi auraient rencontré des corps oviformes chez l'Iiomme vivant, dans les matières intestinales d'enfants et d'adultes; chez un jeune garçon, Grassi a constaté, pendant près de trois mois, des Coccidies rendues avec les déjections. Rivolta en a rencontré aussi chez un homme atteint de fièvre intermittente , mais il faut avouer que les descriptions et les figures qui en sont données sont trop incertaines pour qu'on puisse rien affirmer et, pour ma part , je doute fort qu'il s'agisse réellement de Coocidies , car les figures me paraissent plutôt représenter des œufs d'Helminthes altérés.

LES COCCIDIES. 95

Mais une observation beaucoup plus complète et plus intéressante est celle qu'a faite Gubler, et qui se trouve consignée dans les Mémoires de la Société de biologie (2° série, t. V, 1858). Cette obser- vation est d'autant plus intéressante que la maladie put être diagnos- tiquée pendant la vie, non pas au point de vue de l'existence des Psorospermies, mais quant aux lésions produites. 11 s'agit d'un ouvrier carrier, âgé de quarante-cinq ans , entré à l'hôpital Beaujon en 1858 pour divers troubles des fonctions digestives. chloro-anémie profonde, etc. Le foie était très augmenté de volume ; dans la région liypo- chondriaque droite, on constatait la présence d'une tumeur pleine de liquide, douloureuse à la pression. Gubler diagnostiqua une tumeur hydatique. Pendant son séjour à l'hôpital , le malade vint à tomber ; il fut aussitôt pris de frissons, de douleurs intenses dans le côte droit, de délire, et mourut le surlendemain de sa chute. A l'autopsie, on trouva des lésions tiès intéressantes. Le foie était très hypertrophié et conte- nait une vingtaine de tumeurs grosses comme une noix ou un œuf, et une autre, remarquable par ses dimensions : Gubler la compare à la tête d'un fœtus de six mois, c'est-à-dire qu'elle avait de 12 à 15 centi- mètres de diamètre. Toutes les tumeurs renfermaient une matière de consistance variable , tantôt une masse caséeuse plus ou moins épaisse, tantôt un hquide blanc jaunâtre puriforme , et ces ma- tières renfermaient des quantités prodigieuses de corpuscules ovi- formes que Gubler et d'autres observateurs regardèrent comme des œufs do Distome , mais , d'après la description très exacte qu'il en donne, il est évident qu'il s'agit de Goccidies. Gubler signale même, à l'extrémité amincie du corpuscule , la petite dépression que nous y connaissons et qu'il compare à un micropyle ou un opercule. Quant au contenu du kyste, tantôt il en remplissait toute la cavité, tantôt il était ramassé en bouleau centre, comme nous l'avons vu chez le Lapin. Du reste, et c'était une circonstance qui avait beaucoup frappé Gubler, il lui fut impossible de trouver dans ce foie malade aucun Distome ni aucun autre Helminthe.

En reproduisant cette observation, Leuckart se pose cette question ;

9e LES SPOROZOAIRES.

comment cet homme a-t-il pris ces germes, comment s'est faite, chez rHorame, cette invasion de la Goccidie du Lapin? Malheureuse- ment , on n'avait aucun renseignement sur le genre de vie du malade de Gubler. Peut-être a-t-il fait usage d'eau de citerne ou de puits en communication avec une étable h Lapins, ou mangé des aliments sahs par la poussière d'une do ces étables? Si cette supposition est vraie, on doit s'étonner que cette maladie ne soit pas plus fréquente chezl'Homme, car il est chez nous des gens qui élèvent des Lapins en grand nombre, vivent pour ainsi dire avec eux , les logent jusque dans la chambre ils couchent et sont en contactr continuel avec ces animaux. Toutefois, cette maladie ne paraît pas être aussi rare qu'on pourrait le supposer. Dressler, de Prague , a trouvé des Psorospermies dans le foie d'un ca- davre humain. Leuckart, dans la seconde édition de son grand ouvrage sur les parasites de l'Homme, signale deux autres cas analogues, et il est probable que si Tattention des savants était plus spécialement dirigée de ce c(Mé, les observations de ce genre se multiplieraient de plus en plus.

Mais ce n'est pas seulement dans l'intestin de l'Homme que les Psorospermies paraissent exister. On a prétendu qu'elles peuvent se trouver dans le rein , dans les cheveux , etc. Un médecin russe, Lindemann , dans une première observation que Leuckart rapporte, sans la garantir, dans la première édition de ses Parasites de V Homme, a signalé un malade mort de la maladie de Bright , et dont le rein présentait des amas d'un brun roussâtre , dans la tunique albuginée , amas formés de globules en plus ou moins grand nombre , envahissant la substance du rein et siégeant dans le tissu conjonctif de cet organe, dont ils écartaient les fibres de leur direction normale. L'auteur ne donne pas d'autre détail, et il est bien difficile, d'après ces faits très incomplètement décrits , de savoir s'il s'agit réellement de Psorosper- mies du rein. Une autre observation présente encore moins de certi- tude, bien que les journaux parisiens s'en soient jadis emparés et se soient Uvrés à ce sujet à de nombreuses appréciations plus ou moins fantaisistes. Elle est consignée dans les Bulletins de la Société hnp.

LES GOCCIDIES. 97

des naturalistes de Moscou pour 1863 et se rapporte à des masses psorospermiqiies trouvées à la racine des cheveux chez une jeune fille. Ces masses avaient l""™ de long, formant des saillies de 1/6 de millimètre composées de globules. Indépendamment de ces masses, l'auteur aurait vu sur les cheveux des corps formés de deux segments, immobiles, présentant un noyau et ressemblant à de véritables Gréga- rines rampant à la surface du cheveu , ce qui est un siège tout à fait insolite pour ces organismes et incompatible avec le genre de vie de ces êtres. D'après Lindemann , cette Grégarine serait assez fréquente à Nijni-Novgorod et vivrait dans le tube digestif des poux , qui seraient les hôtes habituels de la chevelure des femmes de ce pays ; les Grégarines quitteraient les poux pour s'enkyster sur les cheveux , elles formeraient ces amas psorospermiques. Or, ces cheveux servent souvent à confectionner ces chignons postiches que les dames recherchent avec tant d'empressement, et comme ces Psorospermies résistent à toutes les préparations que les négociants en ces articles font subir aux cheveux, il en résulterait que nos élégantes s'implante- raient sur la tête, à grand renfort d'argent , les Psorospermies conte- nues dans les excréments des poux russes. Peut-être n'y a-t-il , au fond de tout cela, qu'un petit roman ?

Des cas plus graves sont ceux que produisent les Psorospermies quand elles constituent des épizooties chez les animaux domestiques , non seulement chez le Lapin, mais aussi chez les volailles. Rivolta et Silvestrini ont observé une mortalité très grande chez les Poules, aux environs de Pise, avec tous les caractères d'une psorospermose. 11 s'a- gissait, en effet, de Psorospermies vivant dans les cellules épithéliales de la conjonctive et des voies aériennes elles produisaient un gonflement inflammatoire aboutissant à l'asphyxie. En 1873, MM. Arloing et Tripier reçurent d'un vétérinaire des environs de Tou- louse , des Poules mortes et d'autres encore vivantes avec les- quelles ils purent entreprendre des expériences. Ces animaux pré- sentaient des tumeurs nombreuses , de volume variable , dans le foie, l'intestin, l'œsophage, les poumons. La mort était précédée d'un

lES SPOROZOAIRES.

état d'émaciation extrême à l'inanition, caries Poules ne digéraient pas lo peu d'aliments qu'elles prenaient. Les tumeurs étaient presque entièrement composées de Psorospermies et contenaient la même matière tuborculiforme que nous avons vue chez le Lapin. Prié par MM. Arloing et Tripier d'examiner ces produits, j'ai trouvé à ces orga- nismes des caractères analogues à ceux qu'Eimer avait décrits chez la Psorospermie de la Souris. Ce qui est intéressant, c'est qu' Arloing et Tripier ont pu déterminer une psorospermose artificielle en faisant manger à des poulets la matière de ces tumeurs. Du reste , des expériences tout à fait analogues ont été faites , avec le même succès, par Rivolta et Silvestrini.

Tels sont les faits concernant les Psorospermies oviformes apparte- nant au genre Coccidimn, qui est certainement le plus intéressant. Si je suis entré dans ces détails , peut-être un peu longs , c'est pour mieux vous montrer que les Psorospermies peuvent jouer un rôle important dans les maladies parasitaires graves , de nature à affecter la forme épizootique, et un peu négligées pour l'étude des maladies attribuées à des Schizomycètes , maladies beaucoup plus redoutables d'ailleurs. Mais j'ai voulu faire voir que les Psorospermies elles-mêmes peuvent déterminer des maladies très graves dont la cause peut être méconnue si l'on ne la recherche pas à l'aide du microscope. Du reste, nous trouverons, en étudiant les autres groupes de Sporozoaires, d'autres agents tout aussi actifs que les Bactériens et tout aussi terribles : tels sont ceux de la pébrine , qui a ruiné l'industrie de la soie dans toute l'Europe, car c'est à peine si, depuis quelques années, cette industrie commence à renaître en France et surtout en Italie.

Il nous reste encore à examiner le genre Klossia , créé par Aimé Schneider. C'est h une espèce de ce genre que se rapporte la première description , très complète et très exacte, que nous possédions d'une Psorospermie oviforrae , le Klossia helicina, description déjà assez ancienne. Ce genre est unique dans cette tribu des Polysporèes, et l'espèce de ce genre qui est le mieux connue- vit dans le Colimaçon vugaire, Hehx hortensis , dont elle habite le rein (voir l'explication

LES COCCIDIES.

99

des figures 1 à 7 de la planche III). Son évolution a été complètement et supérieurement étudiée par Hermann Kloss (Mém. de la Soc. de Senkenberg , t. I, 1855) dans un mémoire accompagné d'admirables figures. Tandis que dans tous les autres genres nous avons vu le parasite changer d'habitat pendant le cours de son développement, ici, au contraire, l'évolution se fait tout entière dans la même cellule. C'est une masse granuleuse qui se divise en fragments sphériques , chacun formant une vésicule qui s'entoure d'une paroi assez épaisse et produit à son intérieur des corpuscules falciformes. Ces vésicules sont donc des spores ; elles ont la même constitution que les autres Coccidies et renferment des corpuscules falciformes et un noyau de reliquat. Elles ressemblent donc aux Eimeria, mais il y a un grand nombre de spores dans le kyste, Kloss, ayant mis en liberté ces corpuscules falciformes, a constaté chez eux des mouvements de contraction , les extrémités s'éloignent et se rap- prochent, et il se forme un petit corps amiboïde qui semble pénétrer dans les cellules épithéhales des canalicules du rein pour recommen- cer le même cycle d'évolution .

FiG. 26. Klossia helicina de YHelix horlensis (d'après Kloss.) et Coccidies de l'Homme. 1 , Klossia dans la cellule de YHelix ; 2, kyste et formation des spores; 3, organisation des corpuscules falciformes ; 4. corpuscules falciformes mis en liberté ; 5, 6, Coccidies de l'Homme, d'après Leuckart (voir Davaine, Entozoaires, 2'^ éd. p. 268).

Lorsque Kloss a rencontré ce parasite, il ne savait pas à quel orga- nisme il avait affaire et se contenta de le décrire comme un parasite du rein de V Hélice des jardins. Leuckart, dans son Bericht de

«00 T.ES SPOROZOAIRES.

1855, soupçonna que ce pouvait être une Grégarine. Aimé Schneider démontra que ce n'était pas une Grégarine , mais une Psorospermie oviforme, h laquelle il a donné le nom que nous avons cité plus haut : Klossia helicina.

Si Aimé Schneider était remonté seulement une année plus haut dans ses recherches bibliographiques, à 1854 , il aurait pu rencontrer une espèce de Klossia qui avait été décrite encore avant celle que Klossa observée chez le Limaçon. C'est Lieberkiihn qui, dans son mémoire sur l'évolution des Grégarines, a mentionné la première espèce devant être rapportée k ce genre, mais dans des termes tellement vagues qu'il était difficile de soupçonner qu'il s'agissait d'un Klossia. Lieberkiihn lui-même croyait avoir affaire à une Grégarine. Il avait vu chez la Seiche, Sepia of/îcinalis, des kystes qui renfermaient des spores qu'il décrit comme elliptiques. Il attribue ces kystes à une Grégarine inconnue encore à l'état libre et mobile. Plus tard , ces mêmes kystes ont été trouvés chez le Poulpe et la Seiche par Eberth {Zeilschr. f. wiss., Zool. t. XI, 1862), sous forme de vésicules d'un blanc grisâtre, larges quelquefois de 1""", placées non seulement sous la peau , mais sous la muqueuse de presque tous les organes intérieurs , tantôt éparses, tantôt groupées en petits amas saillants. Eberth attribue ces kystes à une Grégarine qu'il n'a pas non plus ren- contrée à l'état libre et mobile. Il donne de nombreuses figures des kystes, pour montrer les variations du contenu. Le kyste contient un grand nombre de globules sphériques granuleux, dont Eberth attribue la formation à une segmentation régulière du contenu ; puis , une membrane se forme à la surface des globules qui s'éclaircissent k l'intérieur, et il donne des figures qui prouvent qu'il avait parfaitement vu les corpuscules falciformes, et cela dès 1862. Il a même considéré cette forme comme un état mûr et représenté une petite masse granu- leuse dont la signification lui échappe, et qui est est notre noyau de rehquafc.

Il n'existait alors que le travail de Kloss sur la Psorospermie de l'Hélice et il était complètement inconnu, car aucun auteur ne l'a

LES COCCIDIES. 10<

mentionné. Eimer lui-même, qui a donné une bibliographie complète à propos de la Coccidie de la Souris, a ignoré le mémoire de Kloss , ce qu'Aimé Schneider lui reproche très vivement.

Ces mêmes Goccidies des Céphalopodes ont été décrites depuis dans les Archives de Zoologie expérimentale , en 1875 , par A. Schneider sous le nom de Benedenia octopiana, mais l'an dernier, il a identifié les deux genres Klossia et Benedenia. Pour la Coccidie du Poulpe Klossia octopiana , cet auteur donne une bonne description de l'évolution du contenu du kyste et confirme les observations d'Eberth. 11 a vu, dans les kystes plus âgés, les sphères se transformer en vésicules ou spores naissantes , puis former des corpuscules falciformes , une quinzaine environ ; ces corpuscules sont quelquefois disposés en vspirale , d'autres fois parallèlement sur deux rangs se coupant à angle droit , ce qui ji'a rien de caractéristique . puisqu'à la maturité leur arrangement se détruit. Isolés , ils sont cylindriques , et , examinés dans le sang du Poulpe , on les voit exé- cuter des mouvements de contraction dont nous connaissons de nom- breux exemples. Dans l'eau, ils sont immobiles. Leurs transformations n'ont pas été suivies (1).

Une troisième espèce vit dans le rein d'un Gastéropode aquatique, le Neriiina fîuviatilis. C'est le Klossia soror. A. Schneider a décrit son évolution, et c'est à propos de cette espèce que le mode de formation des spores a été reconnu d'une manière évidente. Les amas granuleux naissent par un véritable bourgeonnement à la surface de la masse granuleuse interne. Ils forment des globules hyalins , très transpa- rents , qui se déplacent , et la masse granuleuse est employée tout entière à la formation de ces bourgeons ou sporoblastes. Les spores mûres ont la structure ordinaire: leur paroi est épaisse, et elles con- tiennent quatre corpuscules falciformes avec un noyau interne, ce que nous avons déjà vu plusieurs fois. Ces corpuscules ont déjà la consti- tution H'une véritable petite Psorospermie, et il est probable que c'est

(1) Voit àans les Archives de Zoologie expérimentale, t. XI, 1883, p. "7, le nouveau travail de M. Schneider ?ur la sporulation du Klossia octopiana.

102 LES SPOROZOAIRES.

par une transformation simple qu'ils passent à l'état de Psorospermie adulte.

Signalons , à propos de cette espèce , une petite erreur dans les planches qui accompagnent le travail d'Aimé Schneider. L'autour décrit les spores comme contenant quatre corpuscules falciformes, et dans la planche relative à la Psorospermie qui nous occupe on voit une figure dans laquelle une spore contient sept corpuscules. Il paraît, d'ailleurs, que les planches ont été dessinées avant que le texte et. probablement , les observations ne fussent achevées , c'est ce qui explique ces quelques petites divergences.

Telle est l'histoire de tous les genres de Coccidies qui sont connus jusqu'ici. Pour terminer ce chapitre, il me reste à signaler l'extrême ressemblance que ces corpuscules présentent dans leur développe- ment avec les Grégarines proprement dites. On peut les considérer comme des Grégarines différant des autres par quelques traits particu- liers qui sont au nombre de quatre. C'est ainsi qu'elles ne mènent jaiJiais la vie hbre pendant la période d'accroissement ; elles vivent dans l'intérieur des cellules; leur enkystement est toujours solitaire et n'est jamais précédé d'une conjugaison. Cet enkystement sohtaire a, d'ailleurs, été signalé aussi chez quelques Grégarines véritables , mais il est de règle chez les Psorospermies oviformes. Enfin, elles sont toujours dénuées de mouvement, immobiles à toutes les phases de leur existence. Il n'y a de mouvement que quand le contenu du kyste se transforme en corpuscules falciformes et chez les corpuscules falciformes eux-mêmes, tandis que certaines Grégarines sont excessivement actives. Ajoutons que, chez ces dernières, il se produit toujours des spores très nombreuses dans l'intérieur du kyste, tandis que chez les Psorosper- mies oviformes nous n'avons trouvé que le seul genre Klossia chez lequel il se forme des spores en grand nombre. Dans tous les autres, les spores sont en petit nombre, ou même il n'en existe qu'une seule. Les Klossia étabhssent donc une transition entre le groupe des Coccidies et celui des Grégarines . On peut , en effet , considérer les Coccidies

LES COCCIDIES. |03

comme des Grégarines modifiées par un parasitisme plus étroit ; telles sont plus dégradées par leur habitat et par leur existence parasitique portée aussi loin que possible, puisqu'elles vivent, non seulement dans les organes de leur hôte, mais dans les cellules mêmes , c'est-à-dire dans les parties élémentaires des tissus anatomiques.

De plus , par la découverte des corpuscules falciformes chez les Grégarines, Aimé Schneider a évidemment fondé sur une base solide la relation des Grégarines et des Coccidies , relation établie par la formation d'un kyste qui a la même constitution dans les deux groupes et donne toujours pour termes ultimes les corpuscules falciformes et le noyau de reliquat. On peut donc dire justement qu'Aimé Schneider a rendu un véritable service à la science par ses remarquables tra- vaux sur les Grégarines et les Psorospermies oviforraes ou Coccidies.

Nous devons revenir sur la structure des spores du Coccidium oviforme^ Psorospermie parasite du foie du Lapin, dont nous avons parlé dans la dernière leçon. Depuis le mémoire de Stieda qui, le pre- mier, en 1865, a décrit le mode de formation des spores dans les kystes, on admettait, avec cet auteur, que chaque spore de cette Goccidie ne renfermait qu'un seul corpuscule falciforme , ayant l'aspect d'un bâtonnet recourbé, rentlé en boule aux extrémités, plus étroit à la partie moyenne, embrassant dans sa concavité le noyau de reliquat. Leuckart a confirmé, dans la deuxième édition de son livre sur les Parasites de l'homme, l'observation de Stieda. Cependant, par sa forme, ce corpuscule falciforme diffère de ceux des autres Psorosper- mies qui sont terminés en pointe, et, dans tous les cas, ne présentent pas de renflement en boule aux deux extrémités.

Cette forme du corpuscule , supposé unique , chez le Coccidium oviforme, cette différence avec les éléments analogues chez les autres Psorospermies n'ont pas laissé que de m'étonner et j'ai résolu d'étu- dier de plus près la structure de ces corpuscules ; c'est ce que j'ai fai*. tout récemment.

Pour observer ces corpuscules avec de forts grossissements, j'ai comprimé les kystes, et ceux-ci, brisés, ont laissé échapper leurs quatre

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LES SPOROZOAIRES.

spores. Par la pression, le corpuscule de chacune de ces spores s'est dédoublé en deux bâtonnets qui, dans leur position naturelle, sont accolés l'un contre l'autre, dans une position inverse, tête-bêche (fig. 27, m, n, o). Chacun de ces bâtonnets est recourbé, renflé à une de ses extrémités qui est homogène et réfringente, pointu à l'autre extrémité qui est plus granuleuse. Suivant les hasards de l'opération ces deux bâtonnets prennent, à la suite de la compression, des positions diverses, mais à l'état naturel, ils sont toujours étroitement appliqués l'un contre l'autre, dans une situation inverse, de manière à figurer un seul corpuscule renflé aux deux extrémités (m).

Fig. 27. Coccidium ovifortne du foie du Lapin (d'après Balbiani).

a, b, c, jeunes Coccidies renfermées dans les cellules épithéliales des canalicules hépatiques; a, noyau de la cellule épithéliale ; d, e, f, Coccidies adultes enkystées \ g - 1, déve- loppement des spores ; m, spore mûre isolée, très grossie, montrant les deux corpuscules falciformes dans leur position naturelle avec le nucléus de reliquat ; n, spore comprimée avec les deux corpuscules écartés l'un de l'autre ; o, un corpuscule falciforme ; y, son noyau.

Il résulte de cette observation nouvelle que les corpuscules falcifor- mes dans la Coccidie du Lapin sont constitués comme chez les autres espèces. J'ai aussi, à l'aide de très forts grossissements, voulu me rendre compte de leur structure intime, et j'ai pu constater leur analogie avec ce que les mêmes éléments présentent chez certaines

LES COCCIDIES. -105

espèces. Ainsi, ils possèdent un noyau, fig. 27 o,y, placé un peu au-des- sous de la partie renflée homogène, réfringente. Ce noyau est muni d'un petit nucléole dont la présence est très difficile à constater. On peut cependant y parvenir à l'aide de l'acide osmique et du picrocar- minate qu'on laisse agir pendant quarante-huit heures, parce que la membrane de la spore jouit d'une grande imperméabilité. Chacun de ces bâtonnets présente donc la structure typique que nous avons reconnue chez les Psorospermies.

Ainsi, le nombre des corpuscules falciformes est de deux au lieu d'un. Il faut donc corriger sur ce point la caractéristique qu'Aimé Schneider donne au genre Coccidium, laquelle reste la même pour tout le reste : c'est-à-dire que ce genre présente quatre spores conte- nant chacune deux corpuscules falciformes.

406 LES SPOROZOAIRES.

III

LES FSOROSPERMIES UTRICULIFORMES

ou SARGOSPORIDIES.

I

Les Psorospermies utriculiformes que l'on désigne souvent sous le nom (le tuhes de Miescher ou de Rainey, nous sont encore très peu connues , bien qu'elles soient très fréquentes , par exemple , chez le Bœuf, le Mouton , le Porc et autres Mammifères, même à l'état sau- vage. C'est chez la Souris qu'elles ont été trouvées pour la première fois par F. Miescher, professeur à Bàle, en 1843 [Mèwi. de la Soc. d'hist. naturelle de Bâlel. C'est dans les muscles qu'il les a rencon- trées , et, en effet, ces Psorospermies sont toujours des parasites des muscles , et exclusivement des muscles striés. Il a observé des tubes allongés mesurant quelquefois 1, 2 et 3 millimètres de longueur, dirigés dans le sens des fibres , revêtus d'une paroi membraneuse , mince, avec un contenu particulier, composé de petits corps globuleux ou ovalaires , remplissant la cavité du tube , en quantités innom- brables. — (Ce mémoire se trouve dans le recueil, assez rare, que nous avons cité plus haut , mais les figures originales sont repro- duites dans une note que von Siebold a publiée dans le tome V du Zeitschr. f. loiss. Zool. avec une analyse et explication des figures).

En présence de ces tubes, Miescher ne supposait pas avoir affaire à un parasite, ou, du moins, il les expliquait par une altération patholo- gique des fibres musculaires. Il croyait que le sarcoiemme , au lieu de

LES SARCOSPORIDIES.

407

se remplir de fibrilles, se remplissait de ces tubes, et que c'était le sarcolemme lui même transformé ; mais cela n'excluait pas non plus l'idée que ce pût être des parasites. Siebold s'est rangé à cette dernière manière do voir quand il a retrouvé ces mêmes tubes, et les a consi- dérés comme des parasites végétaux, des entophytes, de la famille des

FiG. 2. Tubes psorospermiques des muscles de la Souris { figure de Miescher, reproduite d'après Siebold.)

Mucédinées. A cette époque, de 1840 à 1850, il caractérisait comme animal tout organisme doué de mouvement, et comme végétal tout ce qui était immobile; c'est pour cette raison qu'il classa ces tubes parmi les végétaux. On sait aujourd'hui que ce schéma doit être écarté, carie mouvement n'est plus regardé comme un caractère de l'animalité.

'lOg LES SPOROZOAIRES.

Puis, vintHessling qui observa dans le muscle du cœur du bœuf, du mouton, du chevreuil, des productions semblables {Zeitschrift F. wiss. ZooL, t. V, 1854). Il les décrivit comme des masses allongées, situées dans l'épaisseur des fibres musculaires, masses présentant aussi un contenu et une membrane formant une utricule élastique, épaisse, homogène. Le contenu serait divisé en boules, masses ou parties sphéri- ques, formées de corpuscules analogues à ceux que Miescher avait vus dans les tubes psorospermiques de la Souris. Hessling compare ce contenu aux spores de certains Champignons et croit avoir vu ces corps se multiplier par division, car il en a observé qui présentaient une strie transversale qu'il considéra comme une trace de division.

Ces mêmes productions ont été vues ensuite par un grand nombre d'auteurs chez beaucoup d'animaux, mais toujours chez des Mammi- fères et dans les muscles striés. Je citerai pour mémoire les observa- tions de Leisering et Winckler,de Dammann sur les Psorosperraies utriculiformes du Mouton ; mais nous reviendrons sur ces travaux. Puis, ceux de Pagenstecher sur les mêmes tubes trouvés chez un Bouc ; de Virchow, chez le Porc ; de Ratzel, chez le Singe ; enfin l'observation du D'' Huet sur les Psorospermies d'un Otarie mort , il y a quelques jours, au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, et chez lequel il n'y a pas un seul faisceau primitif des muscles qui ne renferme de ces tubes. {Bull, de la Soc. de Biologie, 1882). Mais, jusqu'ici, on ne les a pas trouvés chez l'Homme, tandis que nous savons que l'Homme peut être atteint de Psorospermies oviformes.

La description la plus complète que je connaisse de ces productions est due à Manz et à Leuckart. Les observations de Manz {A)'ch. f. rtiiky\ Anat., t. ni, 1867) sont relatives aux Psorospermies du Porc, animal dont les tissus sont un véritable musée d'organismes parasitaires de toutes sortes. Chez le Porc, ces masses psorospermiques se sont pré- sentées à Manz sous la forme vue par Hessling, c'est-à-dire de corps plus ou moins allongés, suivant que le muscle est contracté ou étendu. La paroi est formée par une cuticule très épaisse, surtout aux extrémités , traversée par des lignes radiaires très nombreuses

LES SARCOSPORIDIES. 409

el serrées , que Manz interprêtait volontiers comme des cils ou comme des fissures très fines produites dans cette cuticule épaisse. Ce sont des canalicules poreux. C'est la manière de voir de Leuckart. Mais d'autres auteurs , Rivolta , Rainey , les ont décrits comme des cils vibratiles. Cette cuticule épaisse se désagrège facilement , se rompt en petits bâtonnets. C'est pourquoi ces masses psorosper- miques sont peu maniables : quand on veut les enlever, la cuticule se brise. On ne peut les isoler que quand elles sont jeunes, alors que la cuticule présente plus de résistance. Le contenu est formé

FiG. 29. Tube psorospermique du diaphragme du Porc , donl l'enveloppe est rompue sur un point. On voit à côté quelques-uns des corpuscules qui en forment le contenu (d'après Manz.)

par des corps de toutes formes , globuleux , ovalaires , en croissant ou réniformes, dans les tubes que Manz considère comme adultes. Dans les jeunes, qui ont un millimètre de longueur et moins, ce sont des globules ou vésicules qu'il compare à des leucocytes avec noyau. 11 suppose que c'est dans ces vésicules que s'organisent les corpuscules réniformes, puis que la petite membrane d'enveloppe se détruit. U croit

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LES SPOROZOAIRES,

aussi, comme Hessling, que ces corpuscules peuvent se multiplier par division. Us ne sont pas répandus uniformément dans la cavité du tube, mais forment des masses sphériques qui deviennent polyédriques par compression. Quelques auteurs ont même supposé que ces masses arrondies sont contenues dans des loges fermées , cloisonnées. Ainsi pense Ratzel pour les Psorospermies du Singe qu'il a observées, et chez lesquelles il y avait des tubes qui mesuraient de deux à trois millimètres de longueur, sur 0'"'",20 de largeur. Les corpuscules ne dépassent guère 4 à 6 [X.

FiG. 30. Psorospermies des muscles du Porc : A, vues à un grossissement de 40 diamètres; B, fibre musculaire isolée contenant un tube psorospermique, grossie 100 fois. C corpuscules formant le contenu des tubes (d'après Leuckart).

Chez l'Otarie étudié par le D'' Huet, les tubes avaient de un à quatre millimètres de long, sur 20 à 30 [x de large. Il y en avait aussi déplus courts. Us se prolongeaient dans l'intérieur des faisceaux primitifs, sous le sarcolemme, dans l'épaisseur du faisceau,quelquefois se rapprochant du sarcolemme. Les corpuscules, étudiés par le D"" Huet avec un objec- tif à immersion , sont décrits comme ayant la forme d'un croissant.

LES SARCOSPORIDIES.

H4

Sur un fragment de muscle conservé dans l'alcool et qui m'a été remis par M. Mégnin, je n'ai observé que des corpuscules naviculaires très

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FiG. 31. Psorospcrmies ulriculiforraes de l'Otarie {Otaria Californiana) (d'après Balbiani). 1 , Fragment de muscle strié montrant les Psorospermies dans les faisceaux musculaires ; 2, faisceau primitif plus grossi occupé par une Psorospermie ; 3 , groupe de masses arrondies contenant les corpuscules ; 4, corpuscules isolés : a, non mûrs; 6, corpus- cules mûrs.

petits, libres dans la cavité du tube ou agglomérés en masses arron- dies (Fig. 30, a, h). Nous n'avons ici rien qui ressemble à la cuticule épaisse avec canaux poreux dont nous avons parlé plus haut à propos

H2 LES SPOROZOAIRES.

de la Psorospermie utriculiforme du Porc. Ces tubes rappellent plutôt ceux de la Souris. La cavité du tube n'est pas divisée en masses ou portions arrondies et les corpuscules la remplissent complètement et d'une façon uniforme.

Telles sont les connaissances que nous possédons jusqu'à présent sur ces parasites. On a cherché à interpréter la signification de ces diffé- rentes parties. C'est ainsi que Leuckart a voulu comparer ces boules ou masses distinctes qui remplissent les tubes de la Psorospermie du Porc à des spores, et les corpuscules rèniformes qu'elles renferment aux corpuscules falciformes des Grégarines et des Coccidies. Je ne sais pas si cette comparaison est juste, mais pour les spores , il faudrait qu'elles fussent entourées d'une membrane, et personne n'a signalé l'existence de cette membrane. Par conséquent, il convient d'attendre de nouvelles recherches pour étabhr le bien fondé de cette compa- raison.

Nous avons vu que le siège, pour ainsi dire exclusif de ces produc- tions est les muscles striés volontaires, et même les muscles striés invo- lontaires, comme ceux de l'œsophage dans sa partie supérieure. On les a trouvées dans l'œsophage du Moulon, dans certaines tumeurs formées sur l'œsophage du Cheval (Siedamgrotzki, 1872). 11 arrive même quel- quefois que tous les muscles en sont tellement farcis qu'on n'enlève pas la plus petite partie de substance musculaire, et c'est le cas de cet Otarie aont nous avons parlé, sans y rencontrer des tubes psoros- permiques. Mais les muscles de prédilection sont ceux qui sont voisins du canal digestif, le psoas, le diaphragme, la langue, et même l'œil. Il est probable que le tube digestif est le point de départ de l'infection. Les parasites pénètrent par les voies digestives et émigrent dans les muscles voisins, comme les Trichines. C'est en raison de ce siège exclusif que je propose de les désigner sous un nom plus significatif que « tubes de Miescher », ou « Psorospermies utriculiformes », plus conforme à nos habitudes scientifiques, le nom de Sarcosporidies, correspondant aux Coccidies de Leuckart, aux Myxosporidies de Biitschli, et qui rappelle leur caractère le plus constant.

LES SARCOSPORIDIES. U2

Quand il s'agit de l'histoire des parasites, il est toujours une question très intéressante qui se présente des premières : quel est le mode de transmission de ce parasite ? Il est probable qu'il se transmet par le canal alimentaire, mais jusqu'ici les expériences directes manquent complètement. Manz a fait avaler à des animaux de la chair infestée de Psorospermies utriculiformes, mais quand il chercha à retrouver les parasites chez ces animaux, il n'en aperçut aucune trace dans les parois de l'intestin et dans les muscles.

A propos de leur histoire pathologique, on peut se demander si ces Psorospermies déterminent des troubles graves quand elles existent en grande quantité. Est-il une maladie spéciale qui soit due à leur présence dans les muscles? Virchow a publié dans son Archiv, t. 37, 1866, un travail sur ce sujet. Il a pris des renseignements sur l'état de santé des animaux dans les muscles desquels il avait trouvé un grand nombre de ces parasites, Porc, Mouton, etc., renseignements qui lui ont appris que certains symptômes graves s'étaient montrés pendant la vie chez ces animaux. Ceux-ci éprouvaient, au moins pendant les derniers temps, une soif ardente, de l'anorexie, une température élevée, des taches ou des nodosités avaient apparu sur les téguments ; ils montraient souvent de la gêne dans la marche et une paralysie partielle du train posté- rieur.

Chez l'Homme ou chez l'animal qui mange cette chair infestée , peut-il se produire des effets nuisibles? Nous n'en savons rien. L'expé- rience de Manz n'est pas probante; il faudrait faire de nouvelles recherches. Mais il est évident que, pour exercer des effets nuisibles, il faudrait que cette viande infestée fût consommée crue ou cuite seule- ment en dehors, comme certains jambons. Ratzel a vu que le Singe chez lequel il a observé des Psorospermies était, depuis plusieurs semaines , souffrant et presque paralysé , et , en effet , les parasites étaient très nombreux dans tous les muscles.

On a observé aussi de véritables épizooties causées par ces parasites, surtout sur des troupeaux de moutons. (Leisering et Winckler, Ayxh. de Virchow, 1866). A Marienwerder, en Prusse, les Moutons mouraient

Aii LES SPOROZOAIRES.

subitement avec de nombreuses tumeurs sur l'œsophage, tumeurs jau- nâtres, du volume d'un pois à celui d'une noisette, situées surtout dans la paroi musculaire de l'œsophage, proéminant dans le tissu conjonctif entourant ce conduit. Ces tumeurs contenaient toutes un liquide plus ou moins dense, ayant l'aspect du pus ou du lait et contenant une immense quantité de ces corpuscules que nous connaissons. D'autres fois, les tumeurs étaient moins ramolUes et formées par une substance dense, présentant alors l'aspect des tubes psorospermiques serrés les uns contre les autres, de telle sorte que la substance musculaire avait presque entièrement disparu .

Dammann, chez le Mouton (Virchow^s Archw, t. 41, 1867), les a trou- vées en très grand nombre rassemblées dans le pharynx , le larynx , l'œsophage, elles déterminaient une irritation vive, de l'œdème de la glotte, jusqu'à l'asphyxie. Elles existaient même dans le diaphragme, les muscles intercostaux et abdominaux que l'on trouvait remplis de tubes ou de corpuscules libres.

Le résultat de ces faits et d'autres analogues est que les Sarcospo- ridies peuvent occasionner des accidents mortels, comme les Cocci- dies oviformes du Lapin, mais ce que nous connaissons le moins, c'est leur mode de transmission d'un individu à un autre. Que cette trans- mission se fasse par les voies alimentaires, cela ne paraît pas douteux, mais est-ce par spores libres, en nature, répandues dans l'air respiré ou dans l'eau des boissons ? est-ce par l'ingestion de viandes qui en contiennent ? On a trouvé les Sarcosporidies chez des carnivores, mais sauf l'Otarie, c'est toujours chez les herbivores ou les omnivores qu'on les a signalées. Toutes ces questions sont loin, comme on le voit, d'être élucidées.

Enfin, une dernière question qui se présente est celle qui concerne leur place dans la classification méthodique. Ces parasites sont-ils des Sporozoaires ? C'est l'opinion de la plupart des auteurs et celle de Leuckart. En fait, il est difficile de les classer ailleurs. Siebold et quelques autres auteurs en faisaient des végétaux ; mais , à cette époque, on les connaissait encore moins qu'aujourd'hui, et nous avons

LES SARCOSPORIDIES. mZ

VU, d'ailleurs, sur quel critérium on se fondait pour faire un végétal de ces organismes.

Je crois que leurs affinités les plus prochaines sont avec les Sporo- zoaireS; et particulièrement en raison de la forme de ces corps qu'on doit regarder comme reproducteurs, corps réniformes ou fusiformes qui rappellent les corps falciformes des Grégarines et des Coccidies. Ils se rapprochent encore des Coccidies, habitants intracellulaires des épithéliums, par leur siège exclusif, l'intérieur des cellules musculaires. Mais ces tubes ainsi formés et remplis do corpuscules propagateurs ne représentent que l'état de reproduction de ces êtres , il doit exister un état antérieur, représentant l'état de végétation ou d'accroissement, comme il en existe un chez les Grégarines et les Coccidies. On possède, en effet, quelques observations tendant à démontrer que ces tubes ont une phase antérieure.

11 s'agit des observations faites avec beaucoup de soin par Hessling sur les Psorospermies utriculiformes du cœur du Bœuf, du Mouton et du Chevreuil. Il a vu de petits amas arrondis ou ovalaires, exclusi- vement formés par un plasma finement granuleux, sans enveloppe ni noyau. Puis, ces amas ont grossi, revêtu une membrane d'enve- loppe, et il a apparu dans leur intérieur des globules pâles. Ces glo- bules, d'après Manz, sont des spores naissantes. Ces détails rappel- lent la manière dont les spores se forment dans certaines Coccidies. Ces spores prendraient plus tard la forme d'un croissant ou d'un rein. On est donc en droit de faire un rapprochement entre ces tubes sarcos- poridiques et les Psorospermies utriculiformes. Nous verrons du reste, en étudiant les autres Psorospermies, que chez ces dernières, celles des Poissons et des Insectes, le mode de développement serait analogue à celui que nous venons de décrire.

4<6 LES SPOROZOAIRES.

II

Si les Psorospermies utriculiformes dont nous venons de parler n'ont avec les autres Sporozoaires que des affinités incertaines, bien moins certaines encore sont les relatioas qu'ont avec ces organismes les produits parasiLiques dont j'ai maintenant à vous entretenir et dont je ne trouve pas à fixer ailleurs la position. C'est donc, pour ainsi dire, en appendice à ce que nous avons dit précédemment que je vais les décrire.

Ce n'est pas à l'intérieur des organes, dans les fibres musculaires striées, qu'ont été rencontrés les tubes parasitaires dont je veux vous parler maintenant , mais fixés sur les pattes , sur les branchies des larves d'Insectes aquatiques , Phryganes , Libellules , et certains Crustacés , le Gammarus pulex^ VAsellus aquaiicus, etc.

Il s'agit de tubes droits ou, quelquefois, plus ou moins recourbés, que l'on trouve fixés par une extrémité sur les pattes d'un Insecte aquatique ou d'un Crustacé, Ces organismes vivent libres dans l'eau , l'animal ne leur fournit qu'un support. Ils ont été observés d'abord par Lieberkiihn {Archiv de Miiller, 1856), puis par Lachmann {Verhandl. d. naturh. Ver. preuss. Rheinl. 16. Jahrg. 1859) par Schenk [Wûrzh. Verhandl. 1859); enfin, par Cienkowski [Botan. Zeitung, 1859) qui en a donné la description la plus complète et la plus exacte.

Sous la forme que j'estime la plus jeune, ce sont des tubes hyalins formés par une membrane très mince dans laquelle est un contenu granuleux avec plusieurs noyaux disséminés. La longueur des tubes peut atteindre un demi-millimètre (fig. 32, a). A côté de ceux-ci , il en est d'autres qui présentent un stade plus avancé. Le contenu est représenté par des corps fusiformes disposés en une ou plusieurs rangées en spirale, comme tournant dans l'intérieur du tube [b, d). Mis en liberté par la destruction de la paroi , ils se fixent sur l'animal

LES SARCOSPORIDIES.

U7

OU sur un autre , subissent de nouvelles transformations et se rem- plissent à leur tour de corps fusiformes qui passent par les mêmes phases.

Pendant tout le printemps, en été et en automne, la reproduction de ces organismes se fait par des corps amiboïdes résultant du fraction- nement du contenu des tubes autour de chaque noyau, et mis en liberté

FiG. 32. Amœbidium parasiticum, (d'après Cienkowski).

FiG. 3{f Amœbidium parasiticum. Zoospores libres et enkystées (Cienkowski).

FiG. 34.— Amœbidium parasiticum. Spores enkystées en voie de segmentation (Cienkowski).

FiG. 35 Jeunes Amœbidium libres (Cienkowski),

par une ouverture dans le tube, soit à une extrémité, soit sur sa longueur (e). C'est ce que Cienkowski regarde comme des zoospores qui ressemblent à VAmoeba diffiuens d'Ehrenberg. Ils sont caractérisés

448 LES SPOROZO AIRES.

par leurs larges expansions pseudopodiques et par la fluidité de leur plasma (fig. 33, z). Cependant, Cienkowski a vu que ces spores n'ab- sorbent pas les grains de carmin dont les Amibes ordinaires sont avides. Quand elles se sont mues pendant quelques heures , elles deviennent immobiles , grossissent , et leur contenu se segmente en corps fusiformes plus ou moins analogues à ceux qui ont été engendrés dans les tubes pendant la première période de l'année (fig. 34). Quelques corps amiboïdes, au lieu d'engendrer directement des corps fusiformes, passent à un état de repos, s'enkystent et restent immobiles pendant quelque temps (fig. 33, s) ; enfin, leur contenu s'organise aussi en corps fusiformes.

Ajoutons que dans ces tubes, comme dans les Psorospermies utricu- liforraes que je vous ai décrites antérieurement, on a signalé de nom- breuses gouttelettes graisseuses mêlées aux corpuscules fusiformes.

Quelle est la nature de ces organismes? Je vous ai dit que je ne croyais pas pouvoir les mieux placer qu'à la suite des Sarcosporidies , et c'est là, en efi"et, que les rangent, depuis Lieberkiihn, la plupart des auteurs. Toutefois, Cienkowski, qui est botaniste, en a fait des végétaux dont il a cherché les affinités parmi les Champignons. Il a désigné l'un d'eux sous le nom à'Amœbidium parasiticum. Il est, en effet, plus facile de les nommer que de les classer ; cependant, je crois que si on les découvrait maintenant , on serait moins embarrassé pour trou- ver leur place dans la classification, surtout en raison de la production de ces corps fusiformes ou falciformes.

Mais, si cette présomption est fondée, si l'on doit considérer les Amœbidium comme des Psorospermies utriculiformes ou Sarcospo- ridies, je pense qu'il faut en faire une section à part, à côté de ces habitants des muscles. Ils s'en distinguent, en efi'et, par plusieurs points. Ils vivent à l'extérieur ; et même sont-ce de véritables parasites ? Je crois que ce nom ne leur convient guère et qu'ils n'empruntent rien à l'hôte qui ne leur fournit qu'un point d'appui, les transporte à travers le monde ambiant et favorise ainsi l'accomplissement des phénomènes de leur vie. Ce sont donc plutôt des commensaux que des parasites.

LES SARCSOPORIDIES. 419

Nous savons, d'ailleurs, que ces faits de commensalisme de deux êtres qui s'associent pour se prêter une aide réciproque ne sont pas rares parmi les Protozoaires ; nous en avons vu des exemples chez les Ciliés, comme les Epistylis anastaiica, E. branchiophïla, qui vivent sur les larves de Phryganides et de Crustacés; comme le Zoothamnium Aselli sur VAsellus aquaiicus ; comme YOpercularia herherina sur les Insectes aquatiques. Chez les Flagellés , nous trouvons des faits du même genre : le Chlorangium slentorinum vit sur les Stentors, le Colacium calvum sur les Daphnies. Il en est de même pour les Acinétiens : le Dendrocomeles paradoxus vit en compagnie du Spi- rochona gemmipara sur les branchies des Crevettines, etc.

D'ailleurs, il est probable qu'avant de devenir des parasites internes, les Psorospermies ont commencé par vivre à la surface de leur hôte . Ainsi, nous avons vu le Klossia octopiana vivre dans les orga- nes, mais aussi au dehors, dans la peau du Poulpe. On rencontre des faits analogues chez les Psorospermies des Poissons et des Insectes ; on les trouve au dedans et k la surface de la peau , des branchies, et aussi dans le foie, la rate, le rein, le cœur. Les Myxosporidies présen- tent même cet avantage qu'on a pu suivre sur elles les dégradations organiques qu'entraînent les conditions diverses de leur existence, l'ectoparasitisme et l'endoparasitisme. Ces êtres, en effet, sont d'autant plus compHqués que leur vie se passe au dehors, en contact avec l'air libre ; d'autant plus simples, au contraire, qu'ils vivent plus complète- ment dans la profondeur des organes.

<20 LES SPOROZO AIRES.

IV

LES PSOROSPERMIES DES POISSONS

ou MYXOSPORIDIES.

I

Pour suivre, comme nous le faisons d'habitude , l'ordre historique du développement de nos connaissances sur ces organismes , il nous faut remonter à l'année 1838, époque à laquelle un observateur belge, Gluge , professeur à l'université de Bruxelles , décrivit une maladie cutanée chez l'Epinoche. Gluge publia un petit mémoire sur ce sujet dans les Bulletins de l'Académie des Sciences de Belgique (t. V, 1838). Sur l'épiderme des Epinoches , cette maladie produit des petites tumeurs pustuleuses, sphériques, plus ou moins nombreuses, blanchâtres, dont le volume varie depuis celui d'une tête d'épingle jusqu'à la grosseur d'un pois, adhérentes à la peau. Leur siège est variable aussi ; on les trouve sur le dos , le ventre , à l'angle de la mâchoire, sur la nageoire caudale. Quand on les pique , il en sort un liquide blanchâtre comme du lait , visqueux , coagulable par l'alcool , renfermé dans une membrane qui double intérieurement la petite vésicule formée par les tissus du Poisson. C'est donc un véritable kyste à membrane propre, lisse et transparente. Au microscope, Gluge reconnut dans le liquide une infinie quantité de corpuscules ovalaires.

LES MYXOSPORIDIES. ^2^

Il n'entre d'ailleurs dans aucun détail à leur sujet , mais signale seule- ment la résistance qu'ils présentent aux réactifs chimiques , comme l'alcool, la potasse caustique , les acides minéraux concentrés , comme l'acide sulfurique. Il pensa que ces corpuscules étaient des cristaux analogues à ceux qui donnent aux téguments des Poissons leur couleur métallique et irisée, et qui se trouvent dans la profondeur de la peau sous forme de plaques ou de plaquettes cristaJloïdes à aspect argentin. La composition chimique de ces plaques est, du reste, mal connue ; on xes suppose formées de phosphate de chaux ou de magnésie combiné à une matière organique, probablement la guanine.

Cette observation de Gluge passa inaperçue. C'est Jean Miiller qui, le premier, appela d'une manière particulière l'attention sur ces productions. En 1841 , dans son Archiv, il décrivit, chez diverses espèces de Poissons d'eau douce, une maladie cutanée, sorte d'exan- thème vésiculeux affectant la peau de différentes parties du corps , la muqueuse de la voûte palatine et divers autres points. Chez un jeune Brochet, il trouva pour la première fois ces petites tumeurs arrondies dans l'épaisseur des muscles de l'œil et de la sclérotique ; elles mesu- raient depuis un cinquième de ligne à une demi-Jigne. Ces tumeurs contenaient une matière blanchâtre sous forme d'un liquide plus ou moins visqueux. Cette matière était presque entièrement composée de granulations moléculaires mêlées à une quantité innombrable de petits corpuscules que Miiller compara à des spermatozoïdes, présentant une tête allongée et une longue queue. Ils étaient formés d'une enveloppe résistante et ne dépassaient guère le volume d'un corpuscule sanguin du Brochet. Le corps de ces petits éléments était formé par la mem- brane qui paraissait continue sur toute la surface et présentait un aplatissement sur les côtés , ce qui en faisait , vu de profil , un corps lenticulaire aplati , avec une sorte de bordure mince tout autour

Miiller a vu , en outre , qu'à l'opposé de la partie caudale existent deux vésicules géminées, convergeant par leur extrémité antérieure vers le pôle supérieur du corpuscule , elles paraissent fixées à un petit bouton, et divergeant par leur extrémité postérieure. La cavité

122 LES SPOROZOAIRES.

du corps paraît remplie d'une substance gélatineuse homogène avec quelques rares granulations. 1 a queue , qu'il comparait à celle d'un spermatozoïde , est immobile et va en s'amincissant vers l'extrémité ; elle a trois ou quatre fois la longueur du corps, et, dans certains cas, est fourchue, soit à l'extrémité seulement, soit dans une partie plus ou moins grande de sa longueur. Mis au contact de l'eau, ces petits corps se conservent pendant un temps très long.

Pour rappeler à la fois la forme de ces corpuscules ressemblant à des spermatozoïdes et, en même temps, la maladie cutanée dont ils paraissent devoir être la cause , J. Mûller leur a donné le nom de Psorospcrniie.«i, de t|;w:a, gale, et de «r-spaa, semence. Il poursuivit ses études , examina d'autres espèces de Poissons et retrouva chez beaucoup d'entre elles des petits corps analogues , mais dont la forme était différente. Ainsi, chez le Lucioperca Sandra, chez le Cyprinus ruiilus , le Perça fiuviatilis, il trouva des corpuscules semblables, mais dépouvus de queue, et dont l'organisation, dans ses traits princi- paux, était identique à celle des corpuscules du Brochet ; c'est-à-dire qu'ils présentaient un corps plus ou moins ovalaire , arrondi ou allongé , av^ec des vésicules géminées plus ou moins grosses et rap- prochées.

Plus tard encore, il trouva des kystes cutanés analogues, contenant des Psorospermies , dans la vessie natatoire d'un Poisson de mer, la Merluche, {Gadus merluccius). Le pêcheur de qui il tenait ce dernier Poisson , lui apprit que la maladie cutanée dont il était affecté était très fréquente chez les Merluches qu'elle rendait impropres à être livrées à la consommation. Existait-il une relation entre le mauvais état du Poisson et la maladie dont il était atteint.? C'est une question que nous examinerons plus tard. Pour moi, je ne fais pas un doute que la maigreur extrême de celui de Millier ne fût due aux Psorospermies, et nous verrons, en effet, que souvent le corps des Poissons est absolument farci de ces parasites.

Quant au développement de ces corps , J. Millier n'a presque rien observé. Il a vu des Psorospermies dans lesquelles les vésicules

LES MYXOSPORIDEES. <23

géminées étaient libres dans la cavité du corpuscule ; d'autres fois , deux corpuscules étaient placés parallèlement l'un à l'autre dans une même enveloppe et se touchaient par leur face latérale. J. MûUer crut que ces dispositions résultaient d'une transformation des vésicules géminées et que ces organismes se multipliaient par une sorte de génération endogène.

Tous ces faits sont parfaitement exacts , mais leur interprétation n'est pas toujours juste. D'ailleurs, Jean MùUer rencontra des corpus- cules psorospermiques dans les Poissons des provenances les plus diverses, de l'Inde, de l'Amérique, des différentes contrées de l'Europe : les pièces des collections ichthylogiques de Berlin , conser- vées dans l'alcool , furent examinées par lui , et un grand nombre présentaient de ces tumeurs qui jusqu'alors avaient échappé à l'atten tion des naturalistes.

De 1842 à 1845 , Greplin , en Allemagne, et Dujardin , en France, observèrent ces Psorospermies. Dujardin en parle dans l'Appendice de son Histoire naturelle des Helminthes, et a fait même une obser- vation très remarquable. Il dit avoir vu ces Psorospermies , non pas libres, comme Mûller les avait toujours décrites, mais renfermées dans une « substance glutineuse, diaphane, analogue à celle des Amibes : » observation extrêmement juste. Dujardin avait, d'ailleurs, une habileté et un tact merveilleux pour reconnaître les Protozoaires. Il a reconnu que ces corpuscules prenaient naissance dans un sarcode et que, par conséquent , les Psorospermies de Miiller devaient être considérées non pas comme une forme définitive, une entité organique, mais comme la production de « ces végétations ramifiées de sarcode » qu'il avait rencontrées à la surface du corps des Poissons, notamment sur le Leuciscus erythrophthalmus ; que c'était une production animale distincte qu'il compare aux corpuscules grégarinaires, aux pseudona- vicelles, par exemple, des kystes du Lombric. Mais, il ne poursuivit pas cette observation et ce que nous en savons se réduit à ce que je viens de dire.

Leydig, en 1851 (MûUer's Archiv), et Lieberkiihn, en 1854 (même

124 LES SPOROZOAIRES.

recueil), insistèrent davantage sur cette analogie révélée par Dujardin et n'hésitèrent pas à faire rentrer ces organismes dans le cycle d'évolution des Grégarines ; ils se crurent même fondés à désigner sous le même nom de navicelles les corpuscules qui naissent, soit dans la substance plasmique dont nous parlons , soit dans le corps des Grégarines.

Cependant Lieberkiihn a signalé quelques différences entre le corps des Grégarines à l'état d'accroissement et ces masses plasmiques dans lesquelles se produisent lesPsorospermies. Il a constaté que ces masses étaient dépourvues de membrane et n'avaient pas de noyau, tandis que chez les Grégarines, il y a une membrane distincte et un superbe noyau de cellule. S'il avait connu la structure exacte des Psorospermies proprement dites, il aurait été bien plus frappé des différences qu'elles présentent avec les pseudonavicelles.

Leydig a vu , chez les Plagiostomes, des masses vermiformes d'une substance gélatineuse et granuleuse, et pense que les Psorospermies naissent par une sorte de génération endogène de cellules filles au sein de ces masses.

Quant à Lieberkiihn, ce qui le conduisit à assimiler ces productions aux Grégarines, ce fut une observation qu'il fit et dans laquelle il vit une de ces Psorospermies s'ouvrir, et la masse plasmique intérieure sortir en se mouvant comme une Amibe. Cela suifit pour que Lieberkiihn fît de la Psorospermie une pseudonavicelle puisqu'il pensait , nous le savons, que les pseudonavicelles se comportaient ainsi pour se trans- former en jeunes Grégarines. Cette observation sur la sortie de la masse plasmique est parfaitement exacte, seulement Lieberkiihn n'a pas suivi la transformation de cette masse et n'a pas vu le phénomène le plus curieux de la reproduction de ce parasite.

LES MYXOSPORIDIES, >I25

II

Remak (Mûller's Archiv, 1852) ne s'est occupé des Psorospermies que d'une manière incidente et en étudiant des productions toutes différentes , c'est-à-dire des espèces de kystes sanguins qui se forment sur le trajet des ramifications de l'artère splénique chez certains Poissons, chez la Tanche, par exemple , ils sont très communs. Ils constituent des masses globuleuses supportées par un pédoncule plus ou moins long dans la tunique adventive de l'artère, masses qui pren- nent naissance dans un diverticulum de l'enveloppe conjonctive du vaisseau. L'étude de ces kystes était, pour ainsi dire, à la mode en ce temps là, et l'on voulait savoir si la matière rouge qu'ils contien- nent est du sang, et comment ce sang pouvait sortir de l'artère. Ce sont cep kystes sanguins que Remak examinait , et il était arrivé à ce résultat que la matière rouge était produite, non pas par des cristaux d'hématoïdine, comme le croyaient Kôlliker et d'autres observateurs, mais par une substance pigmentaire résultant de la transformation des globules graisseux de la rate et ne dérivant pas de la matière colo- rante du sang. Dans ses recherches , Remak reconnut plusieurs fois que ces kystes renfermaient de grandes quantités de Psorospermies mêlées aux éléments qu'ils contiennent naturellement. En effet, j'ai souvent eu l'occasion de rencontrer ces ramifications de l'artère splé- nique de la Tanche garnies de ces kystes. On les voit alors couvertes de points bruns plus foncés que le reste du tissu. Ces granulations sont des kystes, et souvent, en effet, on trouve dans leur intérieur des Psorospermies. D'ailleurs, on rencontre souvent les kystes en d'autres points, et ils ne renferment pas toujours des Psorospermies. Ces orga- nismes sont ici un accident : on peut les trouver dans ces kystes comme on les trouve dans la rate , dans la vessie natatoire ou en d'autres points; ils ne sont point les hôtes nécessaires des kystes sanguins.

126 LES SPOROZOAIRES.

Remak n'a , du reste , pas fait d'observations à ce sujet. Plus tard , j'aurai l'occasion de parler de nouveau des Psorospermies des kystes sanguins de la rate, et nous verrons comment on peut expliquer leur formation.

Pendant longtemps, nos connaissances n'ont, pour ainsi dire, point fait un pas, tant à propos de la structure que du mode de développement des Myxosporidies. En 1863, j'ai communiqué à l'Académie des Sciences des observations concernant la structure de ces petits corps que l'on considère généralement aujourd'hui comme les spores des iMyxosporidies. J'avais examiné leur structure dans la substance des Myxosporidies et je me réservais de faire une seconde communication ; cette communication je la ferai ici.

Plus tard , d'autres auteurs se sont occupés de ces organismes. Gabriel, en 1879, décrivit les Psorospermies que l'on rencontre dans la vessie urinaire du Brochet. Quand on ouvre le premier Brochet venu et quand on incise la vessie urinaire et qu'on l'étalé , on est presque certain d'y trouver des Psorospermies ; quelquefois elle est enduite d'une couche mucilagineuse jaune , tout entière formée de Myxosporidies. Lieberkiihn les avait décrites, le premier, comme des Grégarines, et je les avais moi-même étudiées en 1863. Depuis , Biitschliles a examinées aussi, et nous rapporterons les résultats de toutes ces observations.

Dans ces travaux récents sur ces Psorospermies, chaque auteur a porté son attention sur un point plus ou moins délimité du sujet ; je me suis surtout occupé de la structure intime des corpuscules ou spores , il en est de même pour Bùtschli, qui a, en outre, étudié les Myxospo- ridies proprement dites , c'est-à-dire les masses sarcodiques au sein desquelles ces spores prennent naissance. J'avais attribué moins d'im- portance à ces masses; j'avais bien vu que, dans certaines circons- tances , ces corpuscules naissaient dans de petites masses de sarcode , mais je considérais la Psorospermie comme la forme parfaite et définitive des organismes, et la masse sarcodique comme une sorte de matrice ou gangue dans laquelle ces Psorospermies se formaient.

LES MYXOSPORIDIES. 427

Bûtschli professe une manière de voir différente : la forme adulte et définitive de l'organisme , celle qui représente l'entité biologique , c'est la masse sarcodique amorphe de Dujardin , et les Psorosperraies ne seraient que des corps reproducteurs , des spores; c'est ainsi qu'il les décrit. Aujourd'hui, j'avoue que je suis tout à fait disposé à me rallier à l'opinion de Biitschli, surtout après ce que nous savons sur les Grégarines et autres Sporozoaires à période de végétation et période de reproduction.

Il est évident que ces Myxosporidies correspondent à ce qu'on peut appeler la masse grégarinaire des Sporozoaires ; c'est l'équivalent d'une Grégarine ou d'une Goccidie avant l'enkystement. Nous avons vu que les Grégarines ont une forme bien définie , puisqu'elles ont ' no enveloppe ; que les Psorospermies oviformes, quoique souvent sans enveloppe , ont aussi une forme régulière : ce sont des masses arrondies placées dans l'intérieur des cellules. Descendant à un degré de plus dans la dégradation de l'organisme , nous arrivons à une masse amorphe ou sans forme fixe, continuellement variable en raison même des mouvements amiboïdes qui l'animent. C'est une Grégarine réduite à une masse sarcodique amorphe pouvant changer de forme à chaque instant. Ces masses, en effet, sont mobiles, comme cela a été constaté pour la première fois par Lieberkiihn chez le Brochet et plus tard par Bûtschli. Gabriel a nié ces mouvements, bien qu'ils soient réels ; je les avais décrits dans les masses sarcodiques analogues que l'on trouve dans d'autres organes.

Ces végétations sarcodiques , qui produisent les Psorospermies , siègent, pour ainsi dire, dans toutes les parties du corps des Poissons, même les parties les plus différentes, l'épiderrae des nageoires ou de la surface du corps (Gluge). Elles affectent le tissu conjonctif sous- épidermique : ce sont donc des endoparasites. On les rencontre très fréquemment sur les la:uelles branchiales , surtout chez les Tanches , sous forme de petites masses ovalaires , blanchâtres , placées entre les lamelles. On les trouve dans les organes internes les plus divers , sauf les muscles et le système nerveux ; mais, en

428 LES SPOROZOAIRES.

dehors de ces derniers tissus , elles sont partout à foison, dans la rate, le foie, les reins , et leur siège de prédilection se trouve le long des ramifications artérielles. Les lieux d'élection, chez certains Poissons, comme les Cyprins, Carpes et Tanches, par exemple, sont les branchies et la vessie natatoire. Ce dernier organe , comme on sait , se compose de deux parliez, une portion antérieure courte et une portion postérieure longue. Le sièga des Myxosporidies est toujours la courte portion antérieure ; je ne les ai jamais rencontrées sur la longue portion postérieure. Elles se présentent sous forme de tumeurs mamelonées , blanchâtres , qui occupent souvent la plus grande partie de la surface de l'organe. 11 est quelquefois facile d'énucléer ces tumeurs avec les aiguilles pour les porter sous le microscope.

Les tumeurs branchiales , dont Biitschli a donné une bonne des- cription , forment de petits corps qui varient de 2 à 6 millimètres de longueur; elles sont ovalaires, plus ou moins allongées parallèlement à la direction d^s lamelles. Elles sont situées sous l'épiderme, dans le tissu conjonctif qui réunit les deux couches épidermiques qui forment la lamelle. On peut enlever ces petits kystes et les transporter sur le porte-objet. On voit alors qu'ils sont composés d'une membrane d'en- veloppe et d'un contenu. La membrane est assez épaisse , quelquefois de 0'""',01, formée d'une substance assez ferme, sans structure et toute pénétrée de petites granulations réfringentes. BiitschU prétend qu'elle loge des noyaux très petits, répandus en très grand nombre dans la membrane d'enveloppe, mais il ne sait pas si ces petits noyaux et la membrane sont une production du kyste ou une production de la lamelle branchiale destinée à isoler le parasite. Pour ma part, je suis assez disposé à considérer l'enveloppe comme appartenant en propre au kyste ; quant aux petits noyaux que BiitschU a réussi à colorer par le carmin, j'avoue que je n'ai jamais pu reconnaître aucun élément défini. Le contenu présente des caractères fort intéressants. Formé par la substance plasmique plus ou moins liquide ou consistante , il renferme des éléments divers , des granulations , sans doute grais_ seuses, quelquefois assez volumineuses , des Psorospermies à tous les

LES MYXOSPORIDIES. 429

degrés de développement , et de petites vésicules avec un amas cen- tral de granulations. J'avais très bien vu ces vésicules en 1863 ; Bûtschli les considère comme des noyaux libres, ce que j'admettrais volontiers, car il a reconnu un noyau dans les Psorospermies complètement déve- loppées, et ces vésicules peuvent être le premier état des Pso- rospermies.

Un autre organe très favorable à la recherche de ces organismes est, avons-nous dit, la vessie natatoire des Poissons. On peut détacher une portion de la membrane et la porter sous le microscope ; comme le tissu en est transparent, il est facile d'observer les tumeurs. 11 en est de même pour la vessie urinaire du Brochet : on enlève, avec la pointe du scalpel, une partie de la matière mucilagineuse jaune qui recouvre la membrane de cette vessie et, en la portant sous le microscope , on voit que les éléments qui la composent sont très divers

Mais examinons d'abord les caractères physiques et chimiques de ces corps. C'est Lieberkiihn qui, le premier, les a observés en ce point , et les a considérés comme des corps grégarinaires. La forme de ces Myxosporidies du Brochet est , d'ailleurs , très variable suivant l'âge de la masse sarcodique. Dans les masses plus jeunes, la forme est généralement arrondie, avec un plasma homogène, finement granuleux, incolore ; dans les masses plus âgées, la forme est allongée, quelquefois en boyau plus ou moins irrégulier ou même ramifié (végétations ramifiées de Dujardiii ). On trouve alors ces masses pressées les unes contre les autres de manière à former un enduit presque continu. Elles sont formées par du sarcode et exé- cutent des mouvements constatés d'abord par Lieberkiihn, puis par BiJtschli ; ces mouvements sont peu sensibles, très lents , et pour les voir il faut placer ces masses, non pas dans Toau, mais dans l'urine du Brochet. Biitschli a étudié d'une façon assez complète leur structure. Il y a reconnu deux couches : une couche externe, ectosarc ou ectoplasme, et une couche interne, endosarc ou endoplasme. La première est for- mée par une substance protoplasmique, dense, homogène, qui ne ren- ferme que de très fines granulations. C'est cette couche que Biitschli

<30 J^ES SPOROZOAIRES.

a vue s'allonger en pseudopodes ou expansions plus ou moins larges , ou en filaments extrêmement fins qui , quelquefois , hérissent toute la surface d'un véritable chevelu. Ce chevelu est formé par des fila- ments pseudopodiques très fins qui s'allongent, se raccourcissent , rentrent et sortent lentement. L'endoplasme est généralement de couleur jaune ou brunâtre. On y distingue d'abord , répandus dans la masse plasmique, une foule de globules graisseux colorés en jaune , ce qui contribue pour une grande part à la coloration de la Myxos- poridie , puis , des cristaux d'héraatoïdine signalés pour la première fois par Meissner, puis par Lieberkiihn et Biitschli. Ces cristaux sont libres ou renfermés dans des globules graisseux, soit isolés , soit ras- semblés en conglomérats. Gomment se forment-ils dans ces Myxos- poridies? on n'en sait rien , mais il est bien certain qu'ils proviennent du sang du Poisson, à la suite d'une extravasation sanguine à travers les parois du vaisseau, irritées sans doute par la présence de la production parasitaire.

Biitschli a vu quelquefois des cellules épithéliales de la vessie libres dans la substance de ces kystes : il a trouvé que ces cellules détachées étaient occupées, sur une portion plus ou moins grande de leur contour, par des Myxosporidies. Ce fait rappelle la jeune Gré- garine à l'état de céphalin fixé sur une cellule épithéliale.

Quant aux corpuscules qui naissent dans ces Myxosporidies, ils ont probablement la signification de corps reproducteurs ou spores, ainsi que le pense Biitschli, et bien que cela ne soit pas pour moi hors de doute ; leur structure est, en efiet, très compliquée , leur taille et leur forme varient avec chaque Poisson , à ce point que l'on peut dire que chaque Poisson a sa forme spéciale de Psorospermie. Ordinairement ovalaire chez la Carpe et la Tanche , par exemple, ils sont souvent cordiformes ou arrondis , comme chez YAcerina cernua et la Lotte ; en forme de spermatozoïde, avec une queue plus ou moins longue, comme chez la Perche et le Brochet. Leurs dimensions ne varient pas moins : fort petits chez la Lotte , ils ne mesurent pas , d'après mes observations , plus de 8 ]x., ce qui est le diamètre d'un globule

LES MYXOSPORIDIES.

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sanguin de ce Poisson ; chez le Brochet , ils ont 36 {x de longueur, et chez la Carpe 18 [x de long sur 12 [j. de large.

La structure de ces corps est extrêmement singulière. Ils sont toujours composés d'une membrane d'enveloppe et d'un contenu. L'en- veloppe est une coque solide formée non pas d'une seule pièce, mais de deux valves appliquées l'une contre l'autre , comme les deux moitiés d'une coquille de noix , et ce n'est que dans certaines condi- tions que ces deux valves peuvent s'ouvrir ; elles présentent une Ugne de suture toujours visible quand on regarde la Psorospermie par la

FiG. 36. Psorospennies de la Tanche. a , Psorospermie vue de face 6 , vue de profil ; c, avec les filaments déroulés ; d, Psorospermie laissant échapper son contenu sarcodique, sous forme d"une amibe, à travers ses valves écartées et montrant les bandes élastiques de la coque détendues; e, vésicule contenant le filament spiral; f, g, h, vésicule avec filament déroulé (d'après Balbiani).

tranche (fig. 36, b.) Ces valves sont sans structure appréciable, homo- gènes, d'une transparence admirable, formées d'une substance qui, au point de vue de sa composition chimique , est encore inconnue , mais très réfractaire aux réactifs , les alcalis caustiques , l'acide sulfurique même concentré, etc. J'avais constaté autrefois qu'elle est complète- ment insoluble dans la soude et dans l'acide sulfurique bouillant; cependant Biitschli a vu qu'elle finit par se dissoudre dans ce dernier

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LES SPOROZOAIRES.

réactif. Mais si la coque ne se dissout pas , ses valves s'ouvrent d'une manière très régulière. Nous verrons que cette déhiscence , ainsi provoquée , se produit à l'état physiologique dans certaines conditions.

FiG. 37. Psorospïrmies du Brochet. a, Psorospermie de face ; b, de profil ; c, Psorospermie dont les deux valves se sont écartées antérieurement pour laisser soitir le globule sarcodique iclériour; d, Psorospermie avec les filaments déroulés fd'après Balbiani.

Le contenu présente, à l'un des pôles du corpuscule, deux vésicules géminées qui ne manquent dans aucune Psorospermie ; quelquefois , cependant, on ne voit qu'une seule vésicule , ce qui n'indique pas une espèce particulière, mais ne représente qu'une dégradation organique de la même espèce. Ces vésicules, toujours inclinées l'une vers l'autre et rapprochées à l'extrémité antérieure du corpuscule, ont une forme variable et s'allongent en une sorte de petit canal qui se fixe à la paroi, au pôle, l'on voit une ouverture très fine qui met le contenu du corpuscule en rapport avec le monde extérieur. Les vésicules sont formées d'une paroi épaisse et , dans leur intérieur, présentent un filament enroulé en spirale, très difficile à apercevoir, aussi a-t-il passé inaperçu jusqu'en 1863, époque à laquelle je l'ai mis en évi- dence pour la première fois {Comptes rend, de l'Acad. des Se, 1863).

LES MYXOSPORIDIES.

133

Mais avec les réactifs , on peut s'assurer facilement de son existence , car certains liquides ont la propriété de le faire dérouler et sortir en dehors de chaque vésicule, tantôt en ligne droite, comme une antenne, tantôt en une spirale plus ou moins lâche, ou suivant des courbes plus ou moins capricieuses et emmêlées. fFig. 36, e, f, g, h ; 37, d; 3S , d; 39, ?>;40, &;41,c.)

FiG. 38. Psorospermies de la Perche. a , Psorospermie de face ; 6, de profil avec deux prolongements cau- daux ; c, forme un peu anormale ; d, Psorospermie avec les filaments dé- roulés (d'après Balbiani.)

FiG. 39. Psorospermie de l'Ablette. a, l'sorospermie vue de face; b, la même avec les filaments déroulés (d'après Balbiani.)

FiG. 40. Psorospermies de V Acer in a cernua. a , Psorospermie vue de face; 6, la même avec les filaments déroulés (d'après Balbiani).

FiG. 41. Psorospermies de la Lolte. a , Psorospermie vue de face ; b, vue de même avec les vésicules dont les filaments sont sortis ; c, Psorospermi montrant les deux filaments sortis , enroulés en lire -bouchon (d'après Balbiani j.

Quand le filament est ainsi sorti, on voit qu'il est plus épais à la base et va en s'ainincissant vers son extrémité antérieure. 8a longueur est quelquefois très considérable , huit ou dix fois plus grande que celle delà Psorospermie. Après l'émi-ssion du filament, il est plus facile d'observer l'épaisseur do la paroi de la vésicule vidée , car elle revient un peu sur elle-même. On y constate l'existence d'un liquide pâle , qui

43* LES SPOROZOAIRES.

remplace le filament spiral sorti. Les deux vésicules étaient déjà con- nues de Millier, et c'est fortuitement qu'en les traitant par la potasse j'ai réussi à faire sortir le filament spiral, comme l'ont fait plus tard Bessels, en 1867, Aimé Schneider, en 1875, Bûtschli, en 1881. J'avais employé les solutions alcalines, Aimé Schneider a réussi en se servant de la glycérine , et Biitschli de l'acide sulfurique concentré. Ce dernier observateur compare avec raison ces filaments aux organes urticants ou trichocystes des Cœlentérés. Mais, connaissant la signification des organes urticants, j'avoue que je ne comprends pas bien à quoi peuvent servir ces organes aux Psorospermies , qui sont complète- ment immobiles et ne se nourrissent pas , car on sait que les tricho- cystes ont pour but de paralyser la proie et d'en rendre la captm-e plus facile.

Outre ces éléments, on remarque encore dans la cavité des Psoros- permies d'autres petits corpuscules qui apparaissent comme des globules réfringents , au nombre de deux , trois ou quatre , disposés symétriquement et placés souvent à la base des vésicules géminées. (Fig. 36, a, c ; 3S, a, d; 39 et 41). J'avais considéré ces petits globules comme des vésicules à filament à l'état rudimentaire et destinées à se développer au moment de la reproduction, car, à ce moment, les Psorospermies renferment trois ou quatre vésicules à filament. Biitschli a attaqué cette manière de voir ; néanmoins, je crois devoir la maintenir.

Quant au reste de la cavité , il est complètement rempli par la substance homogène plasmique. Celle-ci prend quelquefois la forme d'un globule qui se ramasse au centre de la cavité, et l'on peut en déterminer la condensation en faisant agir les acides sur la Psoros- permie, l'acide acétique, par exemple. Cette condensation se produit du reste naturellement au moment de la reproduction. C'est dans rintérieur et au centre de cette masse plasmique que Biitschli a trouvé un noyau qu'il suppose avoir une relation avec un des noyaux libres décrits par lui dans la Myxosporidie.

LES MYXOSPORIDIES. 135

-A.

III

Après avoii" décrit la constitution des Psorospermies des Poissons et des masses plasmiques dans lesquelles on les trouve, nous devons examiner la manière dont ces corpuscules prennent naissance dans les Myxosporidies ; malheureusement, nos connaissances sur le mode de formation de ces spores sont encore bien incomplètes.

Jean Millier croyait que les vésicules polaires devenaient libres à un certain moment et s'organisaient en Psorospermies dans la cavité de l'ancienne par une sorre de génération endogène. C'était une opinion erronée, mais c'est que J. Millier ne connaissait pas les masses plasmiques au sein desquelles les Psorospermies prennent naissance et croyait que ces dernières sont des formes définitives.

Leydig (Milliers Archiv. 1851) connaissait très bien ces masses pour les avoir étudiées dans la vésicule biliaire des Plagiostomes ; il avait vu naître les Psorospermies dans ces masses , opinion qui avait été déjà émise par Dujardin six ans auparavant. Il supposait qu'au sein de ces masses naît une vésicule claire, dans laquelle i) s'en produit une autre, plus petite , contenant des granulations. Peu à peu, la vésicule interne prend la forme d'une Psorospermie dans la vésicule mère , tandis que ses granulations s'agglutinent et , par fusion ou en se dissolvant , roduisentles deux corpuscules polaires tels que nous les connaissons. Ceux-ci sont ensuite mis en liberté, par rupture de la vésicule mère, dans Ta matrice commune, c'est-à-dire dans la masse plasmique au sein de laquelle s'est produit le phénomène.

Leydig a observé dans ces Psorospermies des corpuscules à quatre capsules polaires ayant une forme particulière (dans le rein et la vésicule biliaire de la Torpille). Ces quatre capsules polaires étaient placées parallèlement à côté l'une de l'autre. Il les prenait pour des

136 LES SPOROZOAIRES.

vésicules homogènes et ignorait l'existence du filament spiral, qui n'a été découvert qu'en 1863.

Lieberkiihn ( MûUer's Aixhiv , 1854 ) faisait aussi former les Pso- rospermies , qu'il avait observées sur la vessie urinaire du Brochet, au sein d une masse plasmique qu'il appelle masse grégarinairo, pre- nant ces corpuscules pour des organismes tout à fait analogues aux Grégarines. Suivant lui, cette masse se fragmenterait en petits globules ou vésicules dont chacune s'organiserait en une Psorospermie. Il n'a pas observé ni décrit la transformation de ces petits globules en Psorospermies. Quant à l'origine de ces masses grégarinaires, au sein desquelles se produisent les Psorospermies , pour Lieberkiihn , c'est le contenu d'une Psorospermie qui s'échappe, ses deux valves s'étant ouvertes en s'écartant. Chaque valve, comprenant le corpuscule polaire correspondant, laisse ainsi échapper la masse centrale sous forme d'un globule amiboïde qui, en grossissant, devient la masse sarcodique au milieu de laquelle vont se produire de nouvelles Pso- rospermies. Il y a évidemment un fond très exact dans cette opinion de Lieberkûhn, mais cet observateur n'a pas suivi dans tous ses détails la manière dont les Psorospermies prennent naissance au sein des masses plasmiques.

En 1863, je me suis contenté (Comptes rendus de VAcad. des Sciences) de décrire les Psorospermies , mais à l'état de maturité complète ; j'avais cependant indiqué qu'à certaines phases de leur existence leur contenu sarcodique se concentre dans ces corpuscules sous forme de globules qui s'échappent à travers un écartement des valves de la Psorospermie. Ceux-ci grossissent et dans leur intérieur s'organisent d'autres Psorospermies. J'avais donc confirmé les idées de Lieberkiihn , mais je considérais les Psorospermies comme des organismes à l'état parfait et j'attribuais au sarcode qui s'échappe la signification d'une spore. C'est ce qui m'avait conduit à regarder les Psorospermies comme une sorte de végétal, et il y a, en réalité, bien des faits qui plaident en faveur de cette idée ; cependant, aujourd'hui, la plupart des auteurs les considèrent comme des animaux.

LES MYXOSPORIDIES. ^37

Quoi qu'il en soit, il restait une lacune à combler : comment pren- nent naissance les masses sarcodiques ? J'ai observé la formation de ces masses sur les nageoires des Poissons, et particulièrement de la Tanche. De tous nos Poissons d'eau douce , la Tanche est, on eflet, celui qui présente le plus de ces parasites, et en toutes saisons. De plus, les jeunes ont les nageoires minces et transparentes, de sorte qu'elles sont favorables à l'observation. C'est en portant sous le microscope les nageoires dorsale et caudale déjeunes Tanches qu'on peut suivre les phénomènes. J'ai vu ainsi que, quand on rencontre ces petits kystes qui se trouvent sur les lamelles branchiales, on est cer- tain d'en rencontrer aussi dans les organes profonds. C'est un crité- rium presque infaillible. Dans les nageoires, j'ai observé fréquemment des petits corps amiboïdes de volume très variable, mêlés à des Pso - rosperraies développées. J'ai suivi avec beaucoup de soin ces petites Amibes , petites Myxosporidies à l'état naissant. Elles se meuvent comme les Amibes les plus agiles , ÏAmœba diffiuens, par exemple : en moins d'un quart-d'heure, j'ai pu tracer, sur l'une d'elles, neuf changements de forme. J'ai vu aussi que la température ambiante a la

y^^^ FiG. 42. Petite masse amiboïde sortie d'une Psorosperniie de la Tanche ; a-e quelques- \ uns de S3S chan!»ements de forme successifs ; n, noyau (d'après Baibiani) .

plus grande influence sur leurs mouvements qui sont bien plus rapides pendant les temps chauds que par le froid. Les pseudopodes sont larges et obtus , lobés comme chez XAmceha diffiuens. J'ai observé aussi un noyau dans ces petites masses amiboïdes , noyau très visible quand les Amibes ne sont pas remplies de trop de globules graisseux, comme cela leur arrive plus tard. On voit facilement le noyau au moment la petite masse sort de la spore. C'est le noyau dont

^38 LES SPOROZOAIRES.

Bûtschli a constaté l'existence dans l'intérieur de la Psorospermie. Il n'y a pas de vésicule contractile et, à ce point de vue, ces corps diffèrent des Amibes ordinaires

Tout en errant ainsi à travers les tissus de la nageoire, les petits corps amiboïdes augmentent de volume en absorbant des sucs nutri- tifs ; ils se pénètrent de globules graisseux , puis , ayant atteint un certain volume , tendent à prendre une forme arrondie ou ovalaire , quelquefois irrégulière avec des expansions et des lobes , et s'entou- rent d'une mince membrane d'enveloppe que l'on peut mettre on évidence en ajoutant de l'eau à la préi)arati()n. Cette eau pénètre peu à peu dans les tissus de la nageoire et la membrane devient visible , les mouvements se ralentissent de plus en plus et, finalement, s'arrêtent : la petite masse paraît , pour ainsi dire , figée sur place. Indépen- damment de cette mince membrane propre, la petite masse s'enkyste par condensation autour d'elle du tissu conjonctif de la nageoire, ainsi qu'il arrive pour tous les corps étrangers qui pénètrent dans les organes.

FiG 43. Myxosporidies des nageoires delà Tanche avec des spores (Psorospermios* en voie de développement n, petiie Myxosporidie contenant des noyaux; 6, état plus avancé ; c, grosse Myxosporidie enkystée dans les liscsus de la nageoire et contenant des spores mûres pour la plupart (d'après Balbiani)

A mesure que ces masses grossissent, on voit dans leur intérieur le nombre des noyaux augmenter. Ils se multiplient par division succes- sive ; j'ai vu des divisions fréquentes de ces noyaux , et , sur mes dessins, jo trouve des figures qui montrent très nettement ces divisions. A une phase plus avancée, ces petits noyaux condensent autour d'eux

LES MYXOSPORIDIES.

439

une portion de la substance plasmique et se transforment en globules qui sont précisément les petits globules sur leïtquels ont porté les observations de Lieberkiihn. Ils grossissent , prennent une forme elliptique et à un de leurs pôles apparaissent deux corpuscules d'abord très pâles , puis brillants , qui sont les rudiments des vésicules polaires. Comment se produisent celles-ci? J'avoue que je ne suis pas arrivé à des résultats bien satisfaisants à ce sujet ; cependant, ii est un détail que j'ai vérifié maintes fois. J'ai vu des éléments qui renfer- maient trois globules granuleux dont un plus gros et deux plus petits ; il est probable que le gros devient le noyau signalé par Biitschli dans

FiG. 44. Trois états de développement des spores dans les Myxosporidies de la Tanche. Les spores se développent deux à deux dans une pelitî masse de sarcode homogène, n-b. et sont contenues à maturité dans une vésicule , c. On voit à rintérieiir de la spore, dans a et b, les capsules polaires en voie de développement (d'après Balbiani).

le plasma intérieur de la Psorospermie complètement développée, et y^^que les deux plus petites se transforment dans les corpuscules à filament spiral J'ai observé aussi des Psorospermies incomplètement développées, pâles, renfermant des éléments que je crois être des capsules polaires en voie de formation : 1" deux vésicules sphériques , contenant chacune un petit globule central, placées dans la substance de la Psorospermie, loin des pôles ; deux petites vésicules semblables placées Tune à côté de l'autre à un des pôles du corpuscule : 3^ deux vésicules piriformes avec un petit globule central, tantôt éloignées l'une de l'autre, tantôt rapprochées et situées à l'une des extrémités de la Psorospermie. Ces vésicules étaient, à n'en pas douter, les petits organes à filament spiral. Mais ce que je n'ai pu établir nettement, c'est leur

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LES SPOROZOAIRES.

origine : proviennent-ils des noyaux préexistants dans les Psorosper- mies en voie d'organisation dans la substance plasmique, ou d'une formation libre dans cette substance ? C'est ce qui est encore incertain. Plus récemment , Biitschli est arrivé à des faits très analogues à ceux que j'avais observés dix-huit ans auparavant; c'est ce qui me fait beaucoup regretter de ne pas avoir publié mes observations à cette époque. Bûtschli donne les siennes comme nouvelles, et il en a, en effet, le droit, puisque mes recherches étaient inédites ; je n'élève donc aucune réclamation de priorité , mais je demande qu'il reste acquis que, longtemps auparavant, j'avais fait des observations qui confirment celles de Bûtschli.

FiG. 45. Myxosporidies et Psorospermies de la vessie urinaire du Brochet, a , Myxospo ridie remplie de granulations graisseuses , sans spores ; 6, Myxospcidie avec spores bien développées ; c , d , très jeunes Myxosporidies ; e, /', forme la plus commune des spores ou Psorospermies. L'une d'elles, /, présente ses filaments déroulés et ses capsules polaires vides ; g, forme plus rare des spores avec deux capsules à chafiue pôle (d'après Balbiani).

Dans les Myxosporidies de la vessie urinaire du Brochet, les Pso- rospermies ont une structure particulière qui diffère de celle que nous avons décrite pour les Psorospermies des autres organes , les nageoires, la vessie natatoire, les branchies. Ces Psorospermies ont la

LES MYXOSPORIDIES. U1

forme d'un fuseau avec un corpuscule polaire à chaque extrémité. Par la potasse, on fait sortir de chaque vésicule le filament spiral qui s'allonge dans l'axe de la Psorospermie , et les capsules se vident ( fig. 45, f). Dans la masse plasmique existe un noyau. Gomment se forme cet organisme au sein de la Myxosporidie ? Bûtschli a fait à cet égard des observations intéressantes. A l'état le plus jeune, c'est un globule de sarcode avec un nombre variable de noyaux transparents, ordinairement six ; bientôt il prend une forme allongée et se divise en deux autres globules dans lesquels les noyaux se répartissent. Chacune de ces deux masses devient l'origine d'une spore : c'est une masse sporigène ou un sporoblaste. Chaque sporoblaste est ainsi formé aux dépens de la masse sarcodique primitive et renferme trois noyaux. Mais avant de se diviser, la masse commune s'était entourée d'une mince membrane d'enveloppe et c'est dans l'intérieur de celle-ci que la division a eu lieu. Puis, les deux sporoblastes s'allongent en fuseau et les trois noyaux se disposent à la file, l'un au centre et les deux autres aux extrémités.

Telle est la disposition qui conduit bientôt à l'organisation que l'on trouve dans les spores mûres. Le noyau médian persiste et devient celui de la Psorospermie ; quant aux deux autres, Biitschli inchnait d'abord à croire qu'ils se transforment directement en capsules /xDolaires, mais il a été obligé de renoncer à cette hypothèse, en obser- vant d'autres faits. 11 a vu que les noyaux extrêmes disparaissent com- plètement, mais, auparavant, il s'était produit, en arrière de chacun d'eux, un petit globule brillant, d'abord sphérique, puis qui s'allonge, formé probablement par une condensation locale de protoplasma. Ce sont les rudiments des globules polaires qui paraissent donc prendre naissance par suite d'une condensation locale de la substance proto- plasmiquc. Bientôt ces globules se rapprochent des pôles, s'organisent en corpuscules polaires proprement dits, avec le filament spiral dont la formation n'a pas été observée.

Bûtschli a aussi examiné les Myxosporidies des branchies et il a vu des faits analogues, mais qui s'éloignent parfois aussi des précédents.

445 LES SPOROZOAIRES.

Ainsi, il a vu des vésicules qui paraissaient échancrées ou déprimées sur un point de la surface semblant correspondre à l'ouverture par laquelle passe le filament spiral au moment de sa détente. Dans l'inté- rieur de cette vésicule sont trois masses de sarcode disposées, deux près de l'ouverture, et une plus en arrière. Il est probable que ces trois masses représentent trois noyaux, et que le noyau situé en arrière persiste pour constituer le noyau de la Psorospermie, tandis que les deux masses antérieures représentent les deux noyaux qui, dans la Psorospermie de la vessie urinaire du Brochet , sont situés aux extré- mités, et qui disparaissent ; mais il n'a pas pu reconnaître quel est le sort ultérieur de ces deux noyaux.

Dans d'autres vésicules, les capsules polaires paraissaient situées à l'intérieur des deux noyaux antérieurs et se prolongeaient en un filament plus ou moins long également placé dans le noyau. II y a donc des faits qui ne concordent pas, et il faut reconnaître, avec Biitschli, que le sujet mérite de nouvelles investigations. Je tenais seulement à constater ici la très grande analogie des faits que j'ai observés dix-huit ans avant Biitschli avec ceux décrits dans le travail que cet auteur a publié l'an dernier (1881) dans la Zeitschrift f. wiss. Zool.

La maturité acquise , ces petits éléments sont aptes à la repro- duction. Bûtschli les a décrits comme des spores et je crois qu'il a eu de sérieuses raisons pour le faire. En effet, quand la spore est mûre, elle tend à se reproduire, et il en résulte la formation d'une nou- velle petite masse plasmique ou Myxosporidie qui n'est autre que le contenu primitif de la Psorospermie, contenu qui s'est échappé à l'état d'Amibe. Je me suis attaché , dans mes anciennes études, à observer la façon dont a lieu la sortie de ce globule sarcodique, et j'ai constaté qu'à ce moment entre en jeu un mécanisme très singulier, destiné à favoriser la sortie du globule.

La Psorospermie , en effet , montre alors une organisation fort curieuse et dont on ne remarque aucune trace avant la maturité complète. Chacune des deux valves présente sur son contour un ruban élastique, ruban placé sur la ligne de suture des deux valves et

LES MYXOSPORIDIES.

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qui s'applique exactement contre le bord de la valve. Chaque ruban est formé de deux parties qui s'articulent aux deux pôles du corpus- cule et se prolongent en un ou deux filaments tantôt effilés, tantôt élargis à leur extrémité (fig. 36, c?; 46, a, h, c.) Ces rubans sont doués d'une remarquable élasticité, qui, seulement alors, entre en jeu. Les pièces qui les composent sont si bien appliquées contre le bord de la valve qu'il est . impossible de les voir avant ce moment. Aucun auteur ne les a vues, et je suis certainement le premier à les avoir observées en 1863. Bùtschli , lui-même , ne sait pas ce que je veux décrire, tous ces faits lui ayant complètement échappé.

A

Fig. 46. Psorospermies de la vessie natatoire de la Tanche montrant leur appareil élastique détendu, a et i , Psorospermies réunies deux à deux par cet iippareil (état de conjugaison?). Le nombre des capsules à filament spiral est de trois ou quatre dans chaque spore et l'on voit à l'intérieur de celle-ci le plasma contracté eu boule; c, spore isolée avec les filaments élastiques détendus , les capsules vides et le plasma en boule (d'après Palbiani).

Au moment de la maturité, les filaments se détachent, les rubans élastiques se détendent on s'enroulant ou en se recourbant et en- traînent les valves qui s'entr'ouvent. Cette observation est très difficile, et je ne me flatte même pas d'avoir absolument saisi le mécanisme de cette déhiscence.

Il est évident que cet appareil représante un instrument de dissémi- nation ; on peut le rapprocher de celui dont sont pourvues les spores des Equiselum, appareil composé de quatre filaments ou élalères qui enveloppent la spore en se recouvrant en croix à sa surface. Lors de la maturité et sous l'influence de l'humidité, les quatre filaments se

U4 LES SPOROZOAIRES.

débandent comme de petits ressorts et projettent la spore à une certaine distance. C'est avec cet appareil que les filaments élastiques des Psorospermies présentent le plus d'analogie, et je ne vois rien autre à quoi je puisse les comparer. Ici , l'appareil n'a pas pour but de projeter la spore, mais de provoquer l'écartement des deux valves pour permettre la sortie du globule amiboïde. Quant à celui-ci, nous savons ce qu'il devient, nous savons qu'il grossit aux dépens des sucs qui l'entourent et développe une nouvelle Mjxosporidie.

Cet appareil de déhiscence a encore un autre usage. En efiét, on observe sur les Psorospermies bien mûres la réunion de deux de ces corps par leurs filaments élastiques agissant à la manière de grappins ou organes de rétention. Cet état de conjugaison s'accompagne de phénomènes très curieux , évidemment en rapport avec la repro- duction de ces corpuscules, car, à ce moment , on remarque que les vésicules à filament spiral se sont accrues en nombre : on en compte trois ou quatre (fig. 46, a, h,) au lieu de deux. Comment se forment- elles ? Vous vous rappelez ces petits globules disposés de façon à peu près symétrique, homogènes, brillants, ressemblant à des globules graisseux (voir fig. 36 et suivantes), placés au-dessous des capsules à filament : ce sont des capsules à l'état rudimentaire et qui ne se déve- loppent qu'au moment de la maturation des spores. Chacune ren- ferme alors un filament spiral comme les capsules anciennes. Ces vésicules ne tardent pas à émettre leur filament pendant que les Psorospermies se tiennent embrassées, et ces filaments sortent plus ou moins droits ou contournés. Les Psorospermies s'étant détachées , il arrive parfois que les vésicules émettent leur filament spiral dans l'intérieur même du corpuscule. J'étais, quand j'ai fait ces observations, très porté à voir dans ces éléments des organes de fécondation, quel- que chose comme des anthérozoïdes. Nous trouvons, en effet , ici toutes les apparences d"un phénomène de reproduction sexuelle : d'abord, rapprochement de deux individus, puis, présence d'un élément femelle, le globule sarcodique devenant libre à ce moment, et, enfin, des filaments que j'avais lieu de comparer à des anthérozoïdes. En un

LES MYXOSPORIDIES. . i45

A

mot , ce processus rappelle involontairement à l'observateur une génération sexuelle cryptogamique. Mais ces interprétations, quoique émises avec réserve, m'ont attiré , de la part de Leuckart et de Biitschli, une critique sévère. Ces auteurs préfèrent les comparer à des organes urticants. On peut leur répondre en leur demandant quelle serait ici la signification physiologique des organes urticants, qui sont des armes offensives et défensives. Quels seraient, chez ces organismes, leur rôle et leur utilité? J'étais donc en droit de les considérer comme des anthérozoïdes, aussi bien, si ce n'est mieux, que Leuckart et Biitschli d'en faire des organes urticants. Nous avions, je crois, autant de raisons, les observateurs allemands et moi, pour soutenir notre interprétation. Dans tous les cas, les phénomènes dont il s'agit méritent d'être étudiés de nouveau.

Je suis malheureusement obligé , faute de temps , de passer très rapidement sur toutes ces questions ; très rapidement aussi sur la comparaison à établir entre les Myxosporidies et les autres Sporo- zoaires. Il est évident qu'il existe entre eux des points de ressemblance, mais aussi des différences. Les points de ressemblance se trouvent dans ces masses plasmiques qui représentent la forme de Grégarine ordinaire et la masse plasmique des Psorospermies oviformes ou Coccidies. Les Psorospermies elles-mêmes peuvent être considérées comméles spores des Myxosporidies. Mais aussi il y a des différences considérables, principalement dans la structure de ces spores, les capsules à filament spiral n'ayant pas d'analogie chez les autres Psorospermies, Ce sont des formes tout à fait spéciales, et il est difficile d'y voir les homologues des corps falciformes. Cela est vrai quand on les compare aux pseudonavicelles , mais ces différences disparaissent en grande partie quand on compare aux spores des Grégarines et des Coccidies les formes les plus dégradées des Myxospo- ridies. En effet, toutes les Psorospermies d'un Poisson paraissent appartenir à une même espèce, car on peut suivre la gradation des formes. Cette espèce est représentée par des formes plus ou moins parfaites, suivant les conditions de son développement. Dans un

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LES SPOROZOAIRES.

organe qui reçoit largement le contact de l'air, comme les branchies, la vessie natatoire (qui, à certains moments, est remplie d'oxygène pur), ces parasites sont dans de très bonnes conditions de développement : c'est alors qu'ils acquièrent ces formes si compliquées que j'ai décrites. Mais examinés dans des conditions moins bonnes, comme ils en trouvent dans les organes profonds , le rein , le foie , la rate (PI. IV, fig. 1 et 2) on constate une dégradation très manifeste de leurs formes. La pre- mière est la disparition d'une des vésicules à filament spiral : il n'en reste alors plus qu'une (fig. 3, A.); quelquefois elles disparaissent toutes les deux et la Psorospermie se réduit à une coque contenant une substance plasmique granuleuse, mais composée toujours de deux valves (fig. 3, B.) Sous une forme encore plus réduite, les valves sont réunies et il ne reste plus qu'une capsule d'une seule pièce. On trouve alors toutes les gradations entre la Psorospermie la plus parfaite et une simple enveloppe contenant une matière granuleuse, ce qui nous conduit à la pseudonavicelle.

Fig. 47. Formes dégradées de Psorospermies dans la rate , le foie et les reins de la Tanche, a , b, c, Psorospermies conoïdes avec une ou deux capsules polaires ; d , e, f, Psorospermies réduites aux deux valves de la coque, tantôt rapprochées, tantôt écartées; en d, une des valves contient une capsule à filament spiral (d'après Balbiani).

Je crois donc qu'on peut établir une homologie entre ces éléments qui présentent des différences si grandes quand on les envisage dans les formes les plus parfaites. Certaines phases de la formation de ces Psorospermies atrophiées rappellent presque complètement la forma-

LES MYXOSPORIDIES. 147

tioii des spores dans l'intérieur du kyste de certaines Coccidies. On trouve parfois des vésicules avec quatre corps fusiformes qui rappellent beaucoup les corpuscules falciformes des Coccidies.

D'ailleurs, les Sporozoaires, envisagés dans leur ensemble, présen- tent des particularités d'organisation qui peuvent être portées très loin, dans certains types, sans que les caractères de parenté disparaissent. Ainsi, l'appareil de sporulation de certaines Grégarines (Gamocystis , Clepsidrina) présente des détails de structure très compliqués qui n'existent pas chez d'autres espèces et chez les Coccidies, le kyste n'offre, par exemple, qu'un simple micropyle, sans que les liens de parenté qui réunissent certaines formes aux autres soient rompus. Malgré ces différences, il y a des analogies, et malgré ces analogies, il y a des différences; aussi, si dans l'état actuel de nos connaissances, les Myxosporidies peuvent être classées parmi les Sporozoaires, ce n'est pas sans une certaine réserve, et il convient de les étudier encore avant de les comparer d'une manière rigoureuse aux autres types do cette famille.

Examinons maintenant ces organismes au point de vue des maladies qu'ils produisent. Contrairement aux Grégarines et aux Coccidies , qui sont localisées dans certaines parties du corps de leur hôte, le foie, le tube digestif, plus rarement dans les organes d'excrétion, le rein, ^|es tubes de Malpighi des Insectes, etc., les Myxosporidies se répandent dans presque tous les organes, les plus profonds comme les plus super- ficiels : la peau , les Psorospermies ont été vues d'abord par Gluge, dans les kystes cutanés de l'Epinoche, la rate, le rein, la vessie nata- toire et même le cœur et l'ovaire. En un mot, les Myxosporidies sont des parasites cosmopolites, tandis que les autres Sporozoaires sont localisés. Ce cosmopolitisme, elles le partagent avec la dernière classe qui nous reste à examiner, les Psorospermies des Insectes, auxquelles on n'a pas encore donné de nom, mais que je crois devoir ranger parmi les Sporozoaires : tels sont les corpuscules de la pébrine. On trouve les Myxosporidies jusque dans les cellules des canalicules uri- nifères, dans les jeunes follicules de Graaf, qu'elles transforment eu

U8 LES SPOROZOAIRES.

une poche remplie de Psorospermies. Gomme, en même temps , elles se multiplient avec une activité prodigieuse , il en résulte que les animaux ainsi infestés présentent des troubles graves et peuvent même périr.

Certains états morbides des Poissons doivent sans doute être attri- bués aux Myxosporidies, Tel est le cas de cette Merluche observée par J. Millier, et qui était remarquable par une maigreur extraor- dinaire. J'ai, pour ma part, rencontré souvent des Gardons, des Tanches et d'autres Poissons que la présence de ces parasites avait réduits à un état cachectique, caractérisé par la décoloration des tissus, la destruction des globules sanguins rouges, l'augmentation des globules blancs : c'était une véritable leucocythémie. Il n'est donc pas surpre- nant que cette maladie puisse causer de grands ravages parmi les Poissons, surtout les jeunes, qui en sont plus souvent affectés. Cepen- dant, cette cause n'est pas indiquée parmi celles qui font périr les Poissons. Cela tient d'ailleurs à une raison bien simple : quand la maladie règne, on cherche d'abord, pour l'exphquer, ce qu'il y a de plus gros, et le plus ordinairement ce sont les Helminthes, que Ton accuse. C'est ce qui est arrivé lors de l'épidémie qui a sévi, il y a quel- ques années, sur les Tanches, dans les étangs des Dombes ; c'étaient des Ligules qui entravaient la digestion , et les Poissons mouraient d'inanition. Mais on ne songe pas,. le plus souvent, aux causes mi- croscopiques. Aujourd'hui, cependant, on pénètre davantage dans l'intimité des tissus pour y rechercher les lésions qui expliquent les phénomènes morbides. Pour moi, je crois que si l'on cherchait plus souvent, on arriverait à trouver plus souvent aussi des lésions micros- copiques , et l'on expliquerait la mortalité qui sévit sur les jeunes Poissons, et particulièrement sur ceux qui vivent sur les fonds maré- cageux et la vase. En effet , outre les espèces que j'ai déjà signalées d'après mes propres travaux et d'après ceux d'autres observateurs , il en est beaucoup d'autres qui renferment des Psorospermies, et il n'est pour ainsi dire pas une seule espèce de Poisson je n'aie trouvé une Psorospermie d'une forme particuhère et spéciale. Par contre,

LES MYXOSPORIDIES. 449

jamais je n'en ai iroiivé sur les Salmonidés de nos bassins de pisciculture du Collège de France , souvent atteints , en revanche , par un autre Protozoaire, un Inlusoire cilié parasite, Y Ichihyophtirius multiflliis (1).

(1) A la fin de l'hiver de 1883, un autre Infusoire, un Flagellé d'espèce nouvelle, a fait de grands ravages parmi nos jeunes alevins de Truite et de Saumon : c'est le Bodo necator, dont M. Henneguy, préparateur du cours, a donné la description dans les Co.nptes rendus de l'Acad. des sciences du 5 mars 1883. Sur Y Ichthyophliriu^ multifiliis, voir la note de M. Daniel Fouquet dans les Archives de Zoologie expérimentale^ t. v. 18"Ï6.

450 LES SPOROZO AIRES.

LES PSOROSPERMIES DES ARTICULES

ou MICROSPORIDIES

Il me reste à examiner un dernier groupe, une dernière famille de Sporozoaires, mais j'avoue que je ne sais au jusle quel nom lui donner, et pour vous faire comprendre mon embarras , il me suffira de vous retracer l'historique de nos connaissances sur ce sujet.

En 1853, Leydig (Zeitschrift f. loiss. Zool., t. V) signala dans le Coccus hesperidum , Insecte hémiptère bien connu des horticulteurs et que l'on trouve dans toutes les serres , des corpuscules brillants , ovalaires , libres , très réfractaires aux réactifs chimiques , acide acétique , soude caustique , etc. Il les avait rencontrés dans la cavité du corps et, sans décrire chez eux aucune organisation, il les compai^a, pour l'aspect, aux pseudonavicelles des Grégarines, et ne leur donna pas de nom particulier.

De 1855 à 1863, il retrouva ces corpuscules chez beaucoup d'autres Articulés, des Araignées, une Abeille, une Tipule des prés, des Crustacés (Daphnia). Ces corpuscules, semblables aux précédents, étaient répandus dans tous les organes du corps et présentaient la même résistance aux réactifs. Leydig revient sur leur ressemblance

LES MIGROSPORIDIES. i^i

r

avec les pseudonavicelles ou les Psorospermies, c'est le terme dont il se sert, car on doit se rappeler que Leydig et Lieberkiihn désignaient sous le nom de Psorospermies les pseudonavicelles des Grégarines. D'ailleurs Leydig considérait ces corpuscules comme des végétaux.

Pendant ce temps, d'autres auteurs les trouvaient dans les animaux les plus différents : Hermann Munk, dans le tube génital de V Ascaris mystax, un Ver nématoïde ; Bischoif , chez ces mêmes animaux , et cet auteur commit même, à ce sujet, une erreur restée célèbre dans la science, car, à un certain moment , il prit ces petits corps pour les corpuscules séminaux des Nématoïdes. Une discussion importante s'était alors élevée entre les naturalistes relativement aux éléments fécondateurs des Nématoïdes : c'est dans cette discussion que BischolBF intervint avec un fait faux en représentant les corps qui nous occupent comme des corpuscules séminaux. Vlacovicli , professeur à Padoue, les trouve chez un Reptile , le Coluher carhonarius et les signale encore chez un Insecte orthoptère , le Grillus campesiris ou Grillon des champs ; Lebert et Frey, chez un Insecte coléoptère, VEmus olcns. Mais le fait le plus important fut la rencontre de ces corpuscules chez les Vers à soie, alors décimés par une cruelle mala- ^-4i€ qui dévastait les magnanneries de l'Europe entière, la galtina des Itahens , qu'on appelait en France pèbrine , maladie des petits , à cause de la petite taille qu'atteignaient les individus malades , êtisie, et plus récemment maladie corpiisculeuse (Pasteur).

Rien de plus différent que les opinions des auteurs sur la nature de cette maladie, et ceux qui ont signalé la présence des corpuscules chez le Ver à soie sont très nombreux : Gornalia, Filippi, Ciccone, Vittadini, etc. On les appela alors corpuscules de Cornalia ou corpuscules vibrants , en raison d'un mouvement d'oscillation très remarquable dont ils sont animés et qui n'est qu'un mouvement brownien. De tous côtés on se mit à les étudier : les Italiens les considéraient comme résultant d'une métamorphose régressive des cellules, et toile était aussi l'opinion de Chavannes , (de Lausanne), qui les prenait pour les nucléoles des globules sanguins détruits.

432 LES SPOROZOAIRES.

Guérin-Méneville, qui avait été chargé par le gouvernement français d'étudier la maladie, considéra les corpuscules comme des hèma- tozoïdes parasites du sang ; Nsegeli , de Munich , en fit des Champi- gnons schizomycètes , le genre Nosema , et ceux des Vers à soie furent le Nosema bombycis. Pour Lebert, de Breslau, c'était aussi un végétal, une Algue unicellulaire, le Panhisiophylon ovatum. E. Hallier, d'Iéna, les désigne comme les stylospores d'un Champi- gnon très commun, qu'on rencontre sur des plantes très diverses, le Pleospora herbaru7n , opinion combattue par Gibelli , Maestri et Colombo , qui nourrirent des Vers à soie avec des feuilles infectées de Pleospora sans que ces Vers contractassent jamais la pébrine. D'autre part, les corpuscules eux-mêmes n'ont jamais présenté de ger- mination, et, cette observation négative , je puis la confirmer , car j'ai eul'occasion de la faire : jamais les corpuscules ne germent comme ils le feraient s'ils représentaient les spores d'un Champignon.

M. Pasteur a beaucoup varié dans son opinion sur ces corpuscules. D'abord il les avait assimilés à des cellules cancéreuses , mais en 1866 {Comptes rendus de V Académie des Sciences), il les regardait comme des productions ni animales ni végétales, incapables de se reproduire et qu'il fallait ranger « parmi ces corps réguliers de formes que les physiologistes distinguent sous le nom (Vorganites », et il cite comme appartenant à cette classe les globules du sang , les globules du pus , les grains d'amidon et les spermatozoïdes. C'est , certainement , une définition qu'un biologiste n'eût pas donnée.

En 1870 (Études sur la maladie des vers à soie), il se range à l'opinion de Leydig et classe les corpuscules de la pébrine parmi les Psorospermies. En faisant cette assimilation, Leydig avait dit lui-même qu'il ne cédait qu'à une simple impression relativement à la ressem- blance de ces êtres, et, en effet, il ne s'était pas assuré le moins du monde de la nature psorospermique des corpuscules ( Miiller's Archiv 1863). Cependant, dès 1867, je publiais plusieurs Mémoires, d'abord dans les Comptes rendus de r Académie des Sciences , puis un peu plus étendus et accompagnés d'une planche dans le Journal de VAnatomie

LES MICROSPORIDIES. 453

de Ch, Robin , et j'apportais , je crois , la première démonstration de la nature psorosperraiqiie de ces corps par des preuves tirées de leur mode de développement absolument ignoré jusque-là. Néanmoins, M, Pasteur , ses élèves et ses partisans continuent à attribuer la découverte de la vraie nature des corpuscules pébrineux à Leydig qui n'a fait que la soupçonner et n'en a pas donné la moindre preuve. Je pourrais demander à M. Pasteur pourquoi il a attendu jusqu'en 1870, et jusqu'à ce que je sois venu confirmer l'idée de Leydig, pour se ranger à l'opinion de l'auteur allemand ? Et alors pourquoi n'emploie-t-il pas le nom de Psorospermies et use-t-il constam- ment du mot corpuscules qui n'a rien de scientifique et qu'il faut bannir de la science ; mot qu'on était en droit d'employer quand on n'avait pas de connaissances sur la nature de ces corps, mais qu'il faut abandonner, aujourd'hui qu'on sait , grâce à mes observations, que ce sont des Psorospermies. Et encore ce dernier nom est-il maintenant trop vague , puisqu'il s'applique à des Grégarines , aux ^Psorospermies des Poissons, aux Coccidies et aux Psorospermies ut^'iculiformes des muscles. Il désigne aujourd'hui trop de choses pour servir encore à désigner une chose nouvelle, les corpuscules des Vers à soie malades. D'ailleurs, ceux-ci n'appartiennent à aucun des groupes que nous avons étudiés ; il faut donc créer un autre terme , et je propose, pour la première fois, le nom de Migrosporidies. La raison qui m'a porté à créer cette nouvelle dénomination est fondée sur un caractère physique, savoir, l'extrême petitesse de ces organismes.

-154 LES SPOROZO AIRES

II

Nous venons de voir combien les auteurs diffèrent d'opinion sur la nature des corpuscules des Vers à soie malades de la pébrine, ainsi que de ceux de beaucoup d'autres animaux. Insectes, Arachnides, Crustacés. Nous devons ajouter au nombre de ces animaux un Ver cestoïde , le Tœnia expansa des Ruminants, chez qui ils ont été vus par M. Monniez, (Bull, scient, du département du Nord, 1879). Stein a été jusqu'à les trouver chez les Infusoires , mais inconsciemment. Il représente dans son grand ouvrage des Stentor Rœselii avec un noyau frag- menté , tandis qu'il est ordinairement rubané (1). Les fragments sont hypertrophiés sous l'influence des parasites, et bourrés do petits cor- puscules tout à fait analogues, d'après les figures et les descriptions de Stein, à des productions parasitaires. Et ces fragments, écrasés sous le microscope , montraient ces corpuscules ovalaires , brillants , tout à fait semblables à ceux de la pébriiie. Stein pensait d'abord avoir affaire à des spermatozoïdes , mais il a fini par reconnaître qu'il se trouvait en face de parasites dont la nature lui était inconnue , mais je ne doute pas que ce ne soit des Microsporidies.

Ces productions sont donc très répandues, mais c'est chez les Articulés et surtout les Insectes qu'on les trouve le plus fréquemment, ce qui jus- tifie le nom de Psoro.spermies des Insectes qu'on leur a donné quelque- fois. Nous avons vu que ce nom de Psorospermies est devenu trop vague aujourd'hui , car il s'applique à plusieurs groupes de Sporozoaires et à leurs corps reproducteurs. Aujourd'hui donc , je pense que le besoin de leur coordination systématique se fait sentir et qu'il convient d'ap- porter un peu d'ordre dans la classification de ces êtres. Ainsi , nous avons désigné les uns , avec Leuckart, sous le nom de Coccidies;

(1) Der Organismus der Infusionsfhiere.. 2" partie, ISG"?, pi. VIII, fig. 13 etl i

LES MICROSPORIDIES. -155

r

Bûtschli a désigné sous celui de Myxosporidies les Psorospermies des Poissons; j'ai proposé précédemment le nom de Sarcosporidies pour les Psorospermies des muscles, et pour justifier celui de Microspori- DiEs pour les parasites psorospermiques des Insectes, je me base, pour établir cette désignation , sur l'extrême petitesse de ces organismes , qui sont les plus petits de tous les Sporozoaires, car ils ne mesurent pas plus de 4 [X de long sur 2 [x de large. Vlacovich a calculé le volume d'un seul de ces corpuscules et a trouvé 67 mille millionièmes de milli- mètre cube : 0"""000000067, c'est-à-dire que pour occuper l'espace d'un millimètre cube il faudrait plus de quatorze millions de ces organismes. Si on 'es compare aux autres Sporozoaires, par exemple aux Coccidies, on trouve que celles-ci sont de véritables colosses, car les spores du Coccidium ovifornie du Lapin, par exemple, ont une longueur de 18 {a sur 9 IX de largeur.

Cette taille si minime rend très difficile l'observation de la structure intime de ces productions. Elles sont certainement formées d'une membrane d'enveloppe et d'un contenu , bien qu'il soit impossible de les distinguer à cause de la très faible différence de leur pouvoir réfringent, mais au moment de la reproduction, le contenu s'échappe et , alors , on peut reconnaître la présence de la membrane qui forme un petit sac vide à double contour.

La surface de ces spores est absolument lisse et saris détails de structure , même sous le plus fort grossissement. Leydig , avec un grossissement considérable , a cru reconnaître une ligne saillante allant d'un pôle à l'autT'e du corpuscule. J'avais cru aussi , dans le principe , reconnaître cette ligne, et j'en avais conclu que ces Psorospermies présentaient une structure bivalve comme celles des Poissons. Aujourd'hui, je crois que j'ai été victime d'une erreur d'optique, d'autant plus que, quand la spore s'est vidée , ce n'est pas par l'écartement des valves , mais par un orifice qui s'ouvre à l'un des pôles.

Quelques auteurs ont signalé la présence d'un noyau dans les Psorospermies de certains Arthropodes. Leydig l'a décrit chez celles

156 LES SPOROZOAIRES.

du Daphnia rectirostris. Munk , chez les Psorospermies de Y Ascaris wystax , a vu aussi une tache claire qu'il suppose un noyau. Mais ces faits sont très douteux.

M. Pasteur distingue, chez le Ver à soie , plusieurs variétés de corpuscules. D'abord, des corpuscules ovoïdes , brillants , homogènes , qui ne présentent rien de bien appréciable dans leur intérieur. Il les considère même comme des organismes caducs , décrépits et inca- pables de reproduction. Puis, des corpuscules en forme de gourde, étranglés au milieu , ou de poire , beaucoup plus pâles , formés d'une enveloppe à double contour et d'un contenu dans lequel sont deux ou trois petites granulations , ou même davantage , qu'il appelle des granulins. Nous verrons quel rôle il leur fait jouer. Ces corpuscules piriforraes, pâles, sarcodiques, sont pour lui des organismes jeunes et seuls capables de se multiplier. Nous reviendrons sur ce sujet.

J'ai observé aussi des corpuscules piriformes associés à d'autres et qui paraissaient présenter quelque chose comme un no3'au , mais en les examinant de plus près , on reconnaît une simple vacuole placée vers l'une des extrémités ou vers les deux extrémités (PI. V,fig. 1, ô, c.) Je ne considère pas ces corpuscules comme des formes parfaites mais comme des spores en voie de développement; du reste, je n'ai jamais vu trace de noyau. On pourrait cependant, par analogie, conclure à l'existence de ce noyau , car on sait combien ce petit élément est dif- ficile à distinguer dans les spores beaucoup plus volumineuses des Goccidies et des Grégarines.

Quant à l'action qu'exercent les substances chimiques sur ces corpuscules, tous les auteurs sont d'accord pour reconnaître l'extrême résistance que ceux-ci présentent, même aux réactifs les plus concen- trés. Leydig, le premier, a signalé cette résistance. D'après Vlacovich, quand on fait subir à ces corps un traitement par des acides, puis par une solution alcoolique d'iode, ils prendraient une coloration violette, d'où Vlacovich a conclu que leur enveloppe, au moins, est formée par une substance analogue à la cellulose végétale, mais le fait n'a pas été confirmé. M. Pasteur a reconnu aussi l'extrême résistance aux agents

LES MICROSPORIDIES. -157

chimiques que présentent les corpuscules ovoïdes brillants qu'il consi- dère comme des formes âgées et caduques, tandis que les corps piriformes, jeunes et prolifiques, sont plus facilement attaquables par les réactifs. Il a vu que l'eau iodée contracte leur contenu et leur donne un aspect vacuolaire ou granuleux.

Tels sont les principaux caractères de ces Microsporidies quand on les examine en dehors de l'organisme de l'Insecte. Voyons maintenant comment elles se comportent en présence des tissus de l'animal vivant.

La meilleure méthode pour suivre le développement des Microspo- ridies du Ver à soie consiste à faire ingérer des corpuscules à des Vers bien sains. Il y a pour cela un moyen fort simple. C'est de délayer dans de l'eau des spores prises dans un papillon de Ver à soie corpus- culeux que l'on broie dans un mortier et dont on fait une bouillie avec p laquelle on badigeonne des feuilles de mûrier. On présente celles-ci aux Vers sains qui les acceptent assez bien. Au bout de très peu de jours les Vers à soie sont infestés. On trouve d'abord les corpuscules dans l'intestin. Ingérés avec les feuilles de mûrier, ils sont , en effet , d'abord en contact avec la paroi de l'intestin. Cette paroi est consti- tuée, à l'intérieur, par une cuticule extrêmement fine , anhisto , sans solution de continuité. Sous la cuticule est la couche épaisse des cellules épithéliahîs , recouverte elle-même de deux couches muscu- laires, l'une à fibres transversales , l'autre à fibres longitudinales. Enfin vient la membrane séreuse qui tapisse l'intestin au dehors. Au bout de quelques jours , les corpuscules ont franchi la cuticule et on les trouve dans les cellules épithéliales et même dans les tuniques musculaires.

Pour faire cette expérience, il faut opérer sur des Vers très jeunes et ayant, au plus, quelques millimètres de long, sans quoi on ne pour- rait qu'avec beaucoup de peine examiner le tube digestif dans toute sa longueur. Dans ces conditions, même, je n'ai pas pu découvrir le mécanisme de la pénétration des corpuscules à travers la cuticule.

i|;;g LES SPOROZOAIRES.

Mais en examinant ce qu'ils sont devenus dans les cellules épithéliales, et mieux encore, dans les tuniques musculaires, j'ai aperçu des petites masses sarcodiques, de volume très variable, ordinairement allongées dans la direction des fibres longitudinales. Les plus petites dépassent à peine le volume d'un corpuscule ; d'autres sont plus ou moins volu- mineuses , mais toujours dirigées dans le sens longitudinal , dans l'interstice des fibres musculaires. Ces petites masses sarcodiques sont la matrice des corpuscules et l'on peut les comparer aux Myxosporidies des Poissons. En effet , on voit d'abord apparaître dans ces masses sarcodiques , quand elles ont pris une certaine dimension en absorbant les sucs nutritifs ambiants, de petits globules pâles qui grossissent et se transforment en corps ovalaires ou piriformes , mais toujours plus larges que les corpuscules mûrs. Ce sont les jeunes spores. Dans ces spores, on voit se former une ou deux grandes vacuoles pâles, puis, les spores se condensent , prennent plus de consistance , les vacuoles s'effacent, et tout le sarcode disparaît , absorbé par les éléments qui se sont formés dans son sein. 11 ne reste alors qu'un petit amas de spores mûres qui s'éparpillent dans tous les sens , en raison de ce que la masse sarcodique disparue ne peut plus les retenir. Ils vont donc se développer ailleurs en d'autres masses sarcodiques, et c'est ainsi que l'organisme tout entier du Ver se remplit de proche en proche de Microsporidies.

LES MICROSPORIDIES. 159

III

Comment naissent ces petites masses sarcodiques ouMicrosporidies?

Dans mes premières recherches, en 1866,j'avais cru que les corpus- cules, au contact des tissus du Ver, subissaient comme une sorte de ramollissement et se transformaient en un petit globule de sarcode homo- gène qui prenait ensuite la forme d'une petite amibe. Celle-ci allait en grossissant et, parvenue à une certaine dimension, donnait naissance, par génération endogène, h des corpuscules qui recommençaient le cycle des phénomènes. Mais j'ai observé plus récemment sur l'Atiacus Pernyi que les Microsporidies ne se forment pas de cette manière, mais Wr un procédé qui présente beaucoup d'analogie avec celui qui produit les Myxosporodies des Poissons. Nous avons vu que celles-ci ne sont que le contenu sarcodique de la spore qui s'échappe sous forme d'A- mibe, grossit aux dépens des tissus ambiants et forme ces masses gélatineuses dans lesquelles se produisent de nouvelles spores. Ce sont les mêmes faits que j'ai observés, il y a deux ans, pour les Microspo- ridies des Insectes. Les spores s'ouvrent non pas par l'écartement de deux valves, mais elles se percent par un bout et le contenu s'échappe sous la forme d'un petit globule qui se meut par des mouvements ami- boïdes. Comment a lieu l'ouverture de la spore? Par dissolution locale de la membrane d'enveloppe ou par un micropyle préformé ? La peti- tesse de ces éléments rend l'observation du processus trop difficile pour qu'on puisse répondre à cette question. Après la sortie du contenu l'enveloppe de la spore se présente comme une membrane à double contour très net (PI. V, fig. 2).

On pourrait objecter, avec quelque apparence de raison, que j'ai pu confondre ces spores de Microsporidies avec des spores de Schizomy- cètes, de Bacillus, par exemple, qui ont un mode de germination tout

<60 LES SPOROZOAIRES.

à fait analogue. Chez certains Bacillus, en effet, les spores, au mo- ment de germer, s'ouvrent aussi, par une extrémité et le contenu s'échappe ; mais il y a des caractères qui permettent de distinguer les spores des Bacillus et celles des Microsporidies : d'abord, le volume. Les spores do Bacillus sont beaucoup plus petites et les plus volumi- neuses, celles du Bacillus ou Clostridium amylobactcr, ne mesurent que 2 [X à 2, 5 }i de long sur 1 ijl de large. De plus, dans la spore de Microsporidie , le contenu sort comme une petite masse irrégulière, amiboïde , tandis que dans la spore de Bacillus , le contenu afiecte au moment de sa sortie la forme d'un bâtonnet cylindrique ; celui-ci bientôt s'allonge et se divise en nombreux articles qui tantôt se séparent les uns dos autres, tantôt restent contigus et forment un filament plus ou moins long.

D'ailleurs, je n'ai jamais observé de Schizomycète, Bacillus ou autre, chez les AUacus Pernyi même les plus malades de la pébrine , et jamais je n'ai trouvé, chez cette espèce, de coïncidence des parasites de cette dernière maladie avec les parasites de la flacherie.

Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que, d'après les phénomènes de leur reproduction et de leur développement, les parasites de la pébrine, maladie engendrée précisément par l'abondance de la pro- duction des corpuscules, sont de véritables Psorospermies, comme j'ai essayé de l'établir dès 1866. Mes observations sont donc les premières qui aient donné une base certaine à l'opinion de Leydig, et M. Pasteur les pouvait juger autrement qu'en disant que j'ai fait connaître le premier en France la manière de voir de l'observateur allemand (^^i^c/es sur la maladie des vers à soie, t. I, p. 30). M. Pasteur a d'ailleurs cherché aussi à étudier le développement des corpuscules de la pébrine et est arrivé à des résultats bien difierents. L'exposition n'en est même pas facile k comprendre et déroute les biologistes qui y cherchent des analogies avec les phénomènes que présentent les organismes connus.

Pour M. Pasteur, les corpuscules ovoïdes, brillants, qu'on rencontre par milliers dans les Vers à soie pébrineux seraient, comme nous l'avons dit antérieurement, des formes caduques, décrépites et incapables de

LES MICROSPORIDIES. m

t

se reproduire ; il les compare aux globules rouges du sang dos Verté- brés , aux globules du pus, et les désigne sous le nom à'organiies. Et à ce propos, je dois vous donner quelques explications sur ce terme à'organiies que l'on rencontre quelquefois dans différents ouvrages il est pris dans des acceptions très diverses. 11 a été créé par Serres, en 1842, pour désigner les parties de l'embryon qui se réunissent pour former un organe chez l'adulte : par exemple, les trois pièces qui com- posent l'os iliaque ou celles qui forment les autres os. Tel est le sens attribué par Serres à ce terme, et c'est toujours ainsi qu'on l'entend en anatomie comparée et en embryologie. Mais, plus tard, on a désigné sous ce nom tantôt les globules du sang, tantôt les éléments anato- miques en général (1). C'était déjà inutile, mais M. Pasteur lui donne encore des significations nouvelles et l'applique aux globules du sang et du pus, aux grains d'amidon, aux spermatozoïdes, aux corpuscules des Vers à soiepébrineux, c'est-à-dire aux choses les plus hétéroclites. 'C'est donc un mot qu'on doit rejeter de la science, à moins de le restreindre au sens pour lequel Serres l'avait créé. Mais revenons à notre sujet.

Les corpuscules seuls capables de se reproduire, d'après M. Pasteur, sont ceux qu'il appelle cellules et corpuscules piriformes; les pre- miers sont arrondis, les seconds en l'orme de poire ou de gourde. Ces derniers sont pâles, ternes, « sarcodiques « ; ils se détruisent faci- lement par les réactifs, l'eau iodée, par exemple, qui les contracte et fait apparaître , dans leur intérieur, une ou plusieurs granulations mûriformes que M. Pasteur désigne sous le nom de granulins ou de nucléoles, et qu'il considère comme les germes des corpuscules. Quant aux éléments qu'il appelle cellules, on ne sait trop pourquoi, car il y a dans toute cette description un abus de termes évident, ils représen- tent des formes encore plus jeunes. Ces cellules produisent aussi des granulins et ceux-ci se transforment dans la cellule mère en autant de

(1) Milne Edwards, Leçons sur la physiolo<jie et t' anatomie comparée de l'homme et des animaux, 185"— 1881.

11

462 LES SPOROZOAIRES.

corpuscules nouveaux qui, devenus libres à l'état sarcodique, se multi- plient par scission transversale et prennent enfin l'aspect de corpus- cules ovoïdes, brillants, caducs.

M. Pasteur paraît admettre aussi que , dans certaines conditions, les granulins, au lieu de se développer dans l'intérieur du corpuscule mère, s'échappent par un orifice de la paroi et c'est dans les tissus du Ver que s'opère leur transformation en corpuscules bien développés. Quelle est la nature de ces granulins ? M. Pasteur ne le dit pas : il les appelle aussi quelquefois nucléoles, ce qui ne rend pas sa description plus claire, au contraire. Comment s'opère cette transformation des gra- nulins, soit dans les cellules mères, soit dans l'organisme du Ver, après qu'ils sont mis en liberté ? Par un simple gonflement du granulin ou par un dépôt de matière à sa surface. Ce qui manque surtout pour l'intelligence de ces phénomènes, ce sont des termes de comparaison permettant de les rattacher à des phénomènes analogues qui se produi- sent chez d'autres organismes. On ne sait, en efiet, quel est le mode de développement observé chez d'autres êtres vivants, auquel on puisse comparer ce que M. Pasteur a décrit ; tout au plus peut-on rapprocher ces faits de ce que certains auteurs ont observé chez quelques Proto- zoaires. On se rappelle que Stein a vu s'échapper du corps de certains Flagellés enkystés des granules qu'il considère comme des spores et qui se développent au dehors en nouveaux Flagellés. On aurait vu aussi, do l'intérieur de quelques Rhizopodes, sortir de petites spores, se développant en nouveaux indiviflus. Mais, outre que ces faits sont encore très problématiques, les Microsporidies ne ressemblent en rien à des Flagellés, non plus qu'à des Rhizopodes.

Les faits décrits par M. Pasteur s'éclairent, au contraire , d'un nou- veau jour, quand on les interpréta à la lumière de mes observations. En efi"et , ces corpuscules pâles , sphériques ou piriformes , qui , pour M, Pasteur, sont la forme fertile et reproductrice du parasite, sont mes corpuscules en voie de développement. C'est sous cette forme qu'on les voit apparaître d'abord dans les masses de sarcode, et, une fois mûrs, ils deviennent les corpuscules ovoïdes brillants. Ceux-ci repré-

LES MICROSPORIDIES. i(i3

sentent un état de maturation complète et non de décrépitude. Quant aux granulins, quelle est leur signification? Il est probable que M. Pasteur a attaché une très grande importance à des éléments qui sont loin déjouer le rôle qu'il leur a attribué. Sans doute ces granulins ne sont autre chose que les granulations graisseuses qui se trouvent en si grand nombre dans les masses sarcodiques formant la matrice des spores chez tous les Sporozoaires . granulations graisseuses que l'on voit aussi dans les jeunes spores. M. Pasteur leur a donc attribué une importance exagérée.

Il décrit aussi une multiplication par division spontanée et su].pose qu'avant de passer à l'état d'organismes caducs et décrépits, les cor- puscules se multiplient par scissiparité. Or, j'ai publié un travail spécial pour montrer quelle est la source de l'erreur commise par M. Pasteur à ce sujet. J'ai montré (Comptes rendus de V Académie des Sciences, 1866) que ce que M. Pasteur a décrit comme une division est une "~~coaloscence de deux corpuscules , ce qui résulte de leur mode de développement au sein des masses plasmiques dans lesquelles des corpuscules restent souvent accolés. Du reste , cette multiplication des spores par scissiparité ne s'observe dans aucun autre groupe de Sporozoaires.

Je crois qu'il est inutile de m'arrêter plus longtemps sur les obser- vations de M. Pasteur, que je pense pouvoir caractériser d'un seul mot en disant que leur auteur y prouve combien il est peu familier avec les recherches de la biologie. Mais avec cette réserve , je rends justice à ses travaux qui ont rendu aux sériciculteurs un réel service en leur permettant de reconnaître une graine saine d'une graine malade.

Quand la spore a Iranchi le tube digestif du Ver à soie, car c'est tou- jours par qu'elle s'introduit dans l'animal, le chemin lui est ouvert pour pénétrer dans tous les organes, môme les plus éloignés du point d'entrée. C'est ainsi que les parasites arrivent dans les glandes sérici- gèneS; dont ils distendent les cellules et en forment des tumeurs toutes

iU

LES SPOROZOAIRES.

remplies de spores et de masses psorospermiques. (Fig. 48). Les vais- seaux de Malpighi, les parois intestinales (Fig. 49), le corps graisseux, tous les organes, en en mot, de la chenille, sont gorgés de corpuscules. Pendant l'état de chrysalide, l'envahissement se continue et se propage aux organes nouveaux qui appartiennent en propre au papillon, les pattes, les ailes, les antennes, etc. Le parasite pénètre jusque dans la profondeur des organes de la reproduction, dans les faisceaux sper- matiques, les gaines ovigères , les ovules (PI. V, fig. 5, 6, 7), il va infecter d'avance les nouvelles générations.

FlG. 48. Portion delà glande séricigène d'un Ver à soie envahi pai* djs Micro- sporidies (d'après Balbiani).

Fig. 49 Portion de Testomac d'une chenille de Bombyx neuslria contenant des Microsporidies à divers états de développement (d'après Balbiani)

Ce n'est pas seulement chez le Ver à soie du mûrier que ces corpuscules donnent lieu à une maladie très grave, qui a porté un très grand préjudice h l'éducation de ces utiles insectes ; cette maladie commence aussi à envahir les Eombycides nouveaux que l'on élève comme succédanés du Ver à soie du mûrier. L'espèce qui remplit peut-être le mieux ce rôle est YAitacus Pernyi. C'est une belle chenille qui a l'avantage de se nourrir des feuilles de nos chênes

LES MICROSPORIDIES.

<6o

indigènes : son alimentation n'entraîne donc aucune dépense. Ses cocons sont énormes et fournissent la soie la plus belle, la plus solide après celle du Ver à soie ordinaire. On en fabrique déjà de très belles étoffes, en grande quantité. VAtiacus Pernyi est complètement accli- maté en Espagne et en Italie, et bien près de l'être aussi en France (1). Malheureusement , cette chenille commence à être envahie par la pébrine, que je crois avoir été le premier h signaler dans cette espèce je l'ai étudiée d'une manière assez approfondie. Les Microsporidies qui donnent naissance à la maladie sont tout à fait semblables à celles qu'on trouve chez le Bombyx du mûrier, seulement elles présentent une particularité curieuse au point de vue pathologique : les parasites restent toujours confinés dans l'estomac et ne vont jamais au-delà , même dans les organes les plus voisins. La présence des corpuscules dans les cellules épithéliales de l'estomac donne lieu à une hypertro- ]phie de cette couche : le protoplosma des cellules disparaît presque complètement et celles-ci sont réduites presque à la membrane d'en- veloppe remplie de masses de parasites. (PL V, fig. 4).

FiG. 50. Cellules vitellines d'un œuf de Bombyx rrori renfermant des Micro- sporidies. On voit , au centre de la grande cellule , un seul noyau sphé- rique et quatre noyaux dans la petite cellule (d'après Balbianij.

Y\Q 51 . Coupe de la paroi de l'estomac d'un jeune Ver à soie montrant les cellules épithéliales et la tunique mus- culaire remplies de Microsporidies (d'a- près Balbiani).

J'ai trouvé cette même localisation stomacale chez d'autres Insectes d'ordres très différents , une Sauterelle, le Decticus griseus , par

(l; Voyez Balbiani , Rapport iwr la Sériciculture nouvelle, dans les Rapports du Jury international de V Exposition universelle de ]8'78.

-166 LES SPOROZOAIRES.

exemple (1). Les espèces sauvages sont souvent victimes d'épidé- mies de pébrine , mais , comme elles vivent isolément , la marche de la maladie est beaucoup plus lente que chez les Vers à soie , qui sont accumulés par milliers dans les magnaneries. On peut , d'ailleurs, communiquer la pébrine h d'autres Insectes en leur faisant absorber des spores de Microsporidies av(^c les aliments, et il suffit quelquefois, pour les infecter, d'un seul repas. Il y a , du reste, une espèce qui s'infecte encore plus vite que le Ver à soie , c'est le Bombyx neustria, vulgairement appelé la Livrée. Les excréments des Vers à soie , souillés de spores , mis en contact avec les feuilles fournies aux chenilles de cette espèce, suffisent pour infecter celle«;-ci (fig. 48). D'autres espèces sont, au contraire, plus résistantes à l'infec- tion ou môme paraissent absolument réfractaires. Ainsi, je n'ai jamais réussi à communiquer la pébrine à un autre Bombycide, le Liparis chri/sorrhœa, vulgairement Cul-brun.' Chez ces espèces , les corpus- cules ne traversent jamais la cuticule qui double intérieurement l'estomac , par conséquent , n'apparaissent pas même dans les cellules épithéliales sous-jacentes. J'ai observé les mêmes résultats pour les larves de Mouches, de Fourrais, chez les Vers de farine ou larves du Tenebrio molitor. On avait eu l'idée, à un certain moment, d'utiliser les corpuscules de la pébrine pour détruire le Phylloxéra, en répan- dant dans les vignes les litières des magnaneries. Mais il aurait fallu s'assurer d'abord si le Phylloxéra appartient à la catégorie des animaux aptes à contracter la pébrine, et, de plus, trouver un moyen de lui faire absorber des corpuscules solides, à lui qui passe sa vie le suçoir enfoncé dans les racines de la vigne. Puis , comment aurait -on pu distribuer les corpuscules dans toute la terre d'un vignoble? Mais hâtons-nous d'ajouter que cette* idée paraît aban- donnée. Elle était, du reste, jugée d'avance, car depuis longtemps on

(1) J'ai constaté récemment (1883), chez le Ver à soie du mûrier, une forme de pébrine caractérisée aussi par le développement exclusif des Microsporidies dans les cellules épithéliales de l'estomac. Voyez, sur ces parasites, chez VAtlacas Pemyi, ma Note dans les Comptes rendus du 4 décembre 1882.

LES MICROSPORIDIES. 167

se sert , dans les pays l'on élève les Vers à soie, des litières des magnaneries pour fumer les vignobles,, et cette pratique n'a eu aucune influence sur le Phylloxéra , puisque c'est précisément dans cette région que le Phylloxéra a fait sa première apparition: les départements du Gard, de Vaucluse, de l'Hérault.

Voulez-vous avoir une idée de la marche rapide de la maladie psorospermique des Vers à soie, en France, et des ruines qu'elle y a causées ? Il vous suffira de savoir qu'elle a débuté dans le département de Vaucluse en 1845, et qu'en 1846 elle avait déjà envahi l'Hérault, le Gard et la Drôme ; en 1849, l'Ardèche et l'Isère, et, en 1851, toutes les Cévennes, c'est-à-dire la région l'on élève le plus de Vers à soie. A cette époque, tout ce pays était complètement ruiné et il ne restait plus une seule magnanerie. En 1856, la production de la soie était tombée au quart de son chiffre ordinaire. En 1854, l'Italie était envahie -4)ar la pébrine et bientôt elle le fut d'un bout à l'autre.

Quant aux pertes occasionnées par la pébrine, M. de Quatrefages, en 1867, les estimait, pour la sériciculture française seule, à un milliard au moins , depuis le début de la maladie en 1854 , c'est-à-dire pendant une période de treize ans (1).

Cependant, depuis douze ou quinze ans, grâce à la méthode de grainage cellulaire appliquée à des graines reconnues saines par le microscope, méthode propagée par M. Pasteur, l'état des choses s'est amélioré. Depuis l'emploi de cette méthode, qui s'est promptement gé- néralisée en France, en Italie, en Allemagne, et même au Japon, l'in- dustrie séricicole tend à se relever. C'est ainsi que nos excellentes races jaunes, qui fournissaient la plus belle soie du monde entier, sont en grande partie reconstituées et l'importation étrangère a diminué. En effet, en 1869, les graines du Japon étaient importées pour 70 7o pour l'approvisionnement des éducateurs français ; aujourd'hui, la pro- portion n'est plus que de 20 °/o- Malheureusement, ces résultats tendent

(l) Rapports du Jury international de l'Exposition universelle de 1861, t. XII, 1868, p. 429.

168 LES SPOROZO AIRES.

à être contrebalancés par le développement d'une autre grave maladie, Idiflacherie, dont la nature est plus obscure et qu'il est plus difficile de prévenir par les moyens prophylactiques.

Aces causes de dépérissement pour la sériciculture il faut, d'ailleurs, en ajouter d'autres qui proviennent de conditions économiques nou- velles pour l'industrie en France. D'abord, Taugmentation des frais d'éducation. Ces frais montent aujourd'hui à 115 francs par once de graine (de 25 à 30 grammes), pour la feuille de mûrier et la main- d'œuvre, tandis qu'autrefois ces dépenses ne s'élevaient qu'à 85 francs. Cette différence constitue une perte sèche même avec la production moyenne de 19 kilog. de cocons par once de graine qu'on récoltait autrefois. Pour équilibrer les frais, il faudrait que cette production s'élevât à 23 kil. au moins.

11 y a malheureusement encore à ajouter la concurrence des soies d'Orient, concurrence très active depuis l'ouverture du canal de Suez qui facilite l'importation de ces marchandises nouvelles Puis, la dimi- nution de la consommation de la soie : en effet, pour compenser la perte sur la production , les fabricants surchargent la soie de matières chimiques afin d'augmenter son poids , à ce point que pour une partie de soie il y a quelquefois 40 parties de surcharge chimique. Il en résulte que les étoffes de soie ainsi traitées se détruisent toutes seules, même sur les rayons des magasins. Aussi le public s'en dégoûte et préfère la laine et le coton, qui sont plus durables et plus solides.

Mais nous ne pouvons insister plus longtemps sur ces considérations d'ordre économique que l'on trouvera traitées avec détails dans divers ouvrages spéciaux et notamment dans l'excellent rapport de M. E. Maillot sur V Exposition sèricicole de 1878.

NOTE ADDITIONNELLE.

169

NOTE ADDITIONNELLE

RELATIVE AUX RÉACTIONS MICROCHIMIQU^ DES SPOROZO AIRES.

L'impression de ce volume était presque terminée , lorsque je reçus de M. le Professeur Vlacovich , de Padoue , une lettre dans laquelle il me signala quelques inexactitudes que j'avais commises en parlant, dans mes leçons sur les Sporozoaires , publiées dans le Journal de Micrographie , de ses expériences sur les propriétés microchimiques des corpuscules des Vers à soie. Ces faits étant rapportés sans chan- gement dans le présent volume , je m'empresse de rectifier, dans cette Note additionnelle , le passage concernant les observations de M. Vlacovich.

Il y est dit que ce savant avait constaté que les corpuscules prenaient une coloration violette après avoir été traités successive- ment par les acides et une solution alcoolique d'iode , mais que le fait n'avait pas été confirmé (voyez p. 156;. En réalité , pour obtenir cette coloration, il faut, d'après M. Vlacovich, procéder de la manière suivante : Les corpuscules sont placés d'abord pendant 48 heures dans une solution concentrée de soude ou de potasse (26''/o de soude ou 32 °/o de potasse ) ; ils sont traités ensuite par une solution aqueuse saturée d'iode ou une solution diluée d'iode dans l'iodure de potassium, puis enfin par un acide minéral dilué ou un acide organique concentré, tel que l'acide acétique cristallisable. En suivant les indications de M. Vlacovich , j'ai pu effectivement me convaincre que les cor- puscules prennent , sous 1 influence de ce traitement , une coloration lie de vin ou même violette bien accentuée. M. Vlacovich me fait de

170 LES SPOROZOAiRES.

plus remarquer que cette coloration n'est pas attribuée par lui, comme je le lui fais dire , à ce que la membrane d'enveloppe du corpuscule est formée par une substance analogue à la cellulose végétale , mais à l'existence d'une substance particulière imprégnant la membrane et peut-être même le contenu , d'où elle sort en partie pour se répandre par exosmose dans le liquide environnant. M. Vlacovich pense que cette substance est la disamiline de Naegeli (1). L'opinion de l'hono- rable professeur de Padoue sur le siège périphérique de la coloration violette des corpuscules des Vers à soie ne me paraît pas devoir être acceptée sans réserve. Si la question est difficile à trancher en raison de ia petitesse de ces organismes et de l'impossibilité , au moins dans les conditions ordinaires , d'y distinguer une enveloppe et un contenu , les observations faites sur d'autres Sporozoaires semblent démontrer que c'est le contenu qui, sous l'action des réactifs , prend la coloration violette. Ainsi, Kloss , chez le Klossia helicina , et Biitschli , chez la GregatHna Blatlarum, ont constaté qu après le traitement par l'iode et l'acide sulfurique, les granulations de l'endoplasme prennent une teinte vineuse ou violacée , tandis que la membrane d'enveloppe n'offre rien de semblable. Biitschli en conclut que les granulations endoplasraiques sont formées par une substance plus ou moins analogue à la substance amyloïde, ainsi que je l'ai rapporté dans le texte (p. 20) (2). J'ai pu confirmer ces observations sur des Klossia qui se trouvaient dans des Hélices rapportées dernièrement des Pyrénées. Je me suis assuré que la coloration violette ne s'observe que sur les individus chez lesquels le travail de sporulation n'a pas encore commencé , et que , dès que le contenu s'apprête à se diviser en sphères granuleuses ou sporoblastes , la coloration cesse de se manifester. J'ai d'ailleurs obtenu quelquefois celle-ci en employant seulement la potasse et l'iode, sans addition d'acide. Mais, quel que soit l'état de développement

(1) Vlacovich, Sui corpu^coli oscillanti del Bombice del gelso , p 22 (Extrait des Alti deW Istutito veneto di scienze, leltere ed arti, vol. XI . ser. III, 1861 ).

(2^ C'est par erreur que le travail de Biitschli est mentionné dans le texte comme se trouvant dans l'Archiv f. rrùkr. Anal. 1876 ; il faut lire : Archiv f. Anal. u. Physiol. 1810.

NOTE ADDITIONNELLE. ^^^

de ces parasites , jamais l'enveloppe ne se colore ou elle prend seule- ment une couleur jaune ou brune suivant le degré de concentration de la solution iodée. Vlacovich a obtenu les mêmes résultats sur les Psorospermies oviformes du foie du Lapin , il a vu également le contenu seul prendre, .«•ous l'influonce des réactifs, une teinte violette, tandis que l'enveloppe restait incolore (1).

Dans la lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser, M. le professeur Vlacovich revendique contre M. Pasteur la priorité de la distinction des corpuscules des Vers à soie en corpuscules pâles et corpuscules brillants {CorpuscoU pallidi e lucidi). Mais il rattache ces variations dans les caractères optiques des corpuscules à des différences dans leur structure et leur composition intime , sur lesquelles il me paraît inutile d'insister, tandis que nous avons vu qu'elles se rapportent en réalité à des états de développement différents ; les corpuscules brillants représentant l'état de maturité complète, et les corpuscules pâles des formes incomplètement développées. La cause de ces différences d'aspect des corpuscules devait échapper à M. Vlacovich dans l'igno- rance où il se trouvait des phénomènes de reproduction de ces organismes : il croit , en effet , à leur multiplication par division et admet , en outre, comme une simple hypothèse , leur reproduction par des germes minimes qui se forment dans l'intérieur des corpuscules adultes. A cet égard . ses idées ne sont donc pas plus exactes que celles de M. Pasteur, et pour cette raison il est inutile d'insister sur la réclamation qu'il élève contre ce dernier.

(1) Loç. cit., p. 14

FIN

TABLE DES MATIÈRES.

Pages.

Avant- Propos V

I. Les Grêgarines 1

L Généralités , historique 1

IL Structure intime et histologie 15

III. Classification 27

IV. Développement 30

V. Formation et émission des spores 45

II. Les Psorospermies oviformes ou Goccidies 69

I. Historique et classification 69

IL Accroissement et reproduction 74

HT. Développement et transmission 89

III. Les Psorospermies utricdliformes ou Sargosporidies. 106 I. Historique et organisation , 106

H. S)avco!i^ondie:i exlernes {Amœbidium parasîtïcum) . 116

IV. Les Psorospermies des Poissons ou Myxosporidies 120

I. Historique 120

IL Organisation. Forme des spores 125

HI. Développement 135

V. Les Psorospermies des Articulés ou Microsporidies . 150

I. Historique 150

IL Structure. Forme des spores 154

III. Développement. Considérations sur la pébrine 159

Note additionnelle 169

39772

TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE.

Pages.

Fig. i . Gregarina giganiea ( d'après E . van Beneden ) 8

Fig. 2. Géplialin de Geneiorhynchus Monnieri (d'après

A. Schneider)... 8

Fig. 3. Céphalin de Hoplorhynchus oligacanthus Bo- thryopsis histrio Dufouria agilis (d'après A.Schneider) 11

Fig. 4. CZeps/rfrm« 5/ai/arttm (d'après A. Schneider).... 13

Fig. 5. Figures schématiques des quatre types de structure

des Grégarines (d'après A.Schneider) 18

Fig. 6. Premières phases de l'enkystement de deux indi- vidus conjugués de Clepsidrina Blatiaruin ( d'après Biitschli) 35

Fig. 7. Deux phases plus avancées de l'enkystement

(d'après Bùtschli) 36

Fig. 8. Formation des spores chez le Siylorynchus ohlon-

gaius [ d'après A. Schneider) 41

Fig. 9. Kyste bien développé de Clepsidrina Blattarum

(d'après Biitschli) 42

Fig. 10. Portion très grossie du bord d'un kyste au même

degré de développement (d'après Biitschli ) 43

Fig. 11. Deux phases plus avancées de l'enkystement ( d'a- près Biitschli ) 47

Fig. 12. Kyste mûr de Clepsidrina Blaliarum ( d'après

Bùtschli) 48

ne TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE.

Pages

Fig. 13. Portion basilaire renflée d'un sporoducte évaginé

( d'après Biitschli ) 49

Fig. 14. Kyste du Camocystis tenax en voie d'émission des

spores ( d'après A. Schneider ) 51

Fig. 15. Pseudonavicelles du Monocystis du Lombric à trois stades différents du développement et spore mûre de Clepsidrina Blatiarum ( d'après Bûtschli) 53

Fig. 16. Premières phases du développement de la Gréga- rine géante du Homard [Porospora giganiea Schn.) ( d'après E. van Beneden ) 59

Fig. 17. Transformation de la pseudofilaire en jeune Gré-

garine ( d'après E. van Beneden ) 60

Fig. 18. Dernières phases du développement de laGrégarine

géante ( d'après E . van Beneden ) 61

Fig. 18*'* Développement du Clepsidrina Blattarum (d'après

BùtschU) 66

Fig. 19. Oi^lhospora propria , du Trilon cristatus (d'après

A. Schneider) 76

Fig. 20. Eime7Ha nova, du G^omem (d'après A. Schneider). 77

Fig. 21. Eimer'ia falciformis , de la Souris (d'après Eimer). 78

Fig. 22. Cyclospora glomericola (d'après A. Schneider)... 81

Fig. 23. Isospora rara, de la Limace grise (d'après A.

Schneider) 83

Fig. 24. Coccidium oviforme dans les cellules épithéliales

des conduits hépatiques ( d'après Balbiani ) 84

Fig. 25. Coupe d'un foie de Lapin envahi pai' le Coccidium-

oviforme ( d'après Balbiani ) 84

TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE. 477

Pages.

Fig, 26. Klossia helicina de V Hélix hortensis (d'après

Kloss) 99

Fig. 27. Coccidium oviforme du foie du Lapin (d'après

Balbiani) 104

Fig. P8. Tubes psorospermiques des muscles de Ja Souris

(figure de Miescher, reproduite d après Siebold). 107

Fig. 29. Tube psorospermique du diaphragme du Porc , dont l'enveloppe est rompue sur un point ( d'après Manz ) 109

Fig. 30. Psorospermies des muscles du Porc ( d'après

Leuckart ) 110

Fig; 31. Psorospermies utriculiformes de l'Otarie (Olaria

californiana ) ( d'après Balbiani ) 111

Fig. 32. Amœhidium parasiticum (d'après Cienkowski) . 117

Fig. 33 Aûtœbidium parasilicum. Zoospores libres et

enkystées ( d'après Cienkowski ) 117

Fig. 34. Amœbidium parasiticum. - Spores enkystées en

voie de segmentation ( d'après Cienkowski) 117

Fig. 35. Jeunes Amœbidium libres (d'après Cienkowski).. 117

Fig. 36. Psorospermies de la Tanche ( d'après Balbiani ) 131

Fig. 37. Psorospermies du Brochet (d'après Balbiani) 132

Fig. 38. Psorospermies de la Perohe (d'après Balbiani)... 133

Fig. 39. Psorospermies de l'Ablette (d'après Balbiani) \33

Fig. 40. Psorospermies de V Acetina cernua (d'après

Balbiani) 133

Fig. 41. Psorospermies de la Lotte (d'après Balbiani) 133

Fig. 42. Petite masse amiboïde sortie d'une Psorospermie

de la Tanche ( d'après Balbiani) 137

12

478 TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE.

Pages.

Fig. 43. Myxosporidies des nageoires de la Tanche avec des spores ( Psorospermies ) en voie de développe- ment (d'après Balbiani ) 138

Fig. 44. Trois états de développement des spores dans les

Myxosporidies de la Tanche (d'api es Balbiani). 139

Fig. 45. Myxosporidies et Psorospermies de la vessie uri-

naire du Brochet ( d'après Balbiani ) 140

Fig. 46. Psorospermies de la vessie natatoire de la Tanche montrant leur appareil élastique détendu ( d'à près Balbiani ) 133

Fig. 47. Formes dégradées de Psorospermies dans la rate, le foie et les reins de la Tanche (d'après Balbiani) 146

Portion de la glande séricigène d'un Ver à soie envahi par les Microsporidies (d'après Balbiani). 164

Portion de l'estomac d'une chenille de Boinbyx neustria contenant des Microsporidies à divers états de développement ( d'après Balbiani ) 164

Cellules vitellines d'un œuf de Bombyx mort ren- fermant des Microsporidies (d'après Balbiani). . 165

Coupe de la paroi de l'estomac d'un jeune Ver à soie montrant les cellules épithéliales et la tunique musculaire remplies de Microsporidies ( d'après Balbiani ) 165

Fig.

48.

Fig.

49.

Fig.

50.

Fig.

51.

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EXPLICATION DES PLANCHES. 479

EXPLICATION DES PLANCHES.

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Planche I.

FiG. 1. Kyste de Monocystis du testicule du Lombric.

FiG. 2. Division du contenu d'un kyste en deux masses ovoïdes, au début de la formation des pseudonavicelles.

FiG. 3. Kyste dont le contenu , resté indivis , s'est recouvert à sa surface d'une couche de petits globules clairs ou spo- roblastes.

FiG. 4. Stade plus avancé d'un kyste semblable à celui représenté fig. 2. Chacune des deux masses ovoïdes intérieures s'est recouverte d'une couche de sporoblastes.

Fig. 5. Kyste dont le contenu s'est divisé en quatre segments inégaux qui ont produit chacun une couche superficielle de sporoblastes.

Fig. 6. Le contenu s'est presque en entier résolu en sporoblastes et ne renferme plus que quelques amas de la substance granuleuse primitive.

Fig. 7, Les sporoblastes commencent à se transformer au centre du kyste en spores naviculaires ( pseudonavicelles ) , tandis qu'à la surface ils présentent encore leur forme sphérique primitive.

Fig. 8. Gros kyste rompu par l'efiFet de la compression ; il laisse échapper son contenu formé de pseudonavicelles presque . mûres et de quelques masses granuleuses non transfor- mées en spores.

180 LES SPOROZOAIRES.

Planche II.

FiG. A. Spores simples et concrètes du Pileocephalus chinensis

FiG. B. Spores de Porospora gigantea.

FiG. a. Spores du Gamocystis tenax ; b, an Hoplorhynchus oligacanthus , c, du Hyalospora roscoviana; d, de YAcanthocephalus Dujardini; e, f, spore et chapelet de spores du Clepsidrina Blatiarum.

FiG. 1. Macrospores du Monocystis du Lombric.

FiG. 2. Diverses anomalies de forme des macrospores du môme.

FiG. 3. Microspores du Monocystis.

FiG. 4. Spores du Dufouria agilis.

FiG. 5. Spores du Gonospora Terehellae.

FiG. 6. Spores de YUrospora Nemertis.

FiG. 7. Dernières phases du développement des pseudonavicelles du Monocystis du Lombric.

Toutes ces figures sont repioduites d'après Aimé Schneider, sauf la fig. e et la fig. 7, qui le sont d'après Biitschli.

EXPLICATION DES PLANCHES. 481

Planche III.

FiG. i. Coupe pratiquée près de la surface du rein d'un Hélix hortensis, montrant en K , K, des Klossia helicina à divers stades d'évolution. C , cellules épithéliales du rein renfermant des concrétions d'urate d'ammo- niaque.

FiG. 2. Portion plus grossie d'une coupe du même organe. K, K, Klossia helicina renfermés dans les cellules épithéliales considérablement dilatées. G , G , cellules épithéliales saines avec les concrétions uratiques intérieures.

FiG. 3. Gellule rénale fortement grossie , contenant trois jeunes Klossia. On aperçoit le noyau de la cellule placé vers son extrémité étirée en pédoncule.

FiG. 4. - Klossia dont le contenu s'est divisé en un grand nombre de sporoblastes sphériques.

FiG. 5. Transformation des- sporoblastes en spores; chacune de celles-ci présente quatre corpuscules falciformes et le nucléus de reliquat.

FiG. 6 Une spore isolée.

FiG. 7. Spore volumineuse renfermant , par exception , huit cor- puscules falciformes au lieu de quatre , plus le nucléus de reliquat.

FiG. 8. Corpuscules falciformes observés à l'état de liberté dans la substance du rein ils se meuvent par des contractions énergiques qui en modifient constamment la forme. Chaque corpuscule présente vers son milieu un noyau arrondi clair.

-182 LES SPOROZOAIRES.

FiG. 9. Portion de l'artère mésentérique d'une Tanche dont les ramifications portent des kystes développés aux dépens de la tunique conjonctive du vaisseau et renfermant dans leur intérieur des Myxosporidies à divers degrés de développement. Les kystes sont sessiles ou plus ou moins longuement pédoncules. Le contenu est formé tantôt par les parasites seulement, tantôt par une substance granuleuse, colorée en brun par de l'héma- toïdine , au milieu de laquelle se trouvent des Myxo- sporidies.

EXPLICATION DES PLANCHES. -183

/l

Planche IV.

FiG. 1. Portion de l'artère splénique d'une Tanche, portant sur ses nombreuses ramifications des corpuscules de Malpighi dont la plupart renferment des Myxosporidies.

FiG. 2. Deux corpuscules de Malpighi de la rate d'une Tanche, vus à un plus fort grossissement et présentant dans leur intérieur des Myxosporidies. Parmi celles-ci , on aperçoit des formes bien développées , ovalaires , à deux capsules polaires, telles qu'on les observe chez ce Poisson; les autres sont des formes dégradées , généralement piri- formes , ne renfermant souvent qu'une seule capsule ou en étant dépourvues.

FiG. 3. Formes diverses , très grossies, des spores contenues dans les corpuscules de Malpighi. A , spores renfermant une ou deux capsules polaires et une masse plasmique rem- plissant plus ou moins la cavité de la spore. B , spores réduites à leur coque bivalve, tantôt fermée, tantôt ouverte. G , spores incomplètement développées , à l'état de petites masses plasmiques amiboïdes ou de vésicules granuleuses.

484 LES SPOROZOAIRES.

Planche V,

FiG. L. Microsporidies du Ver à soie (Microsporidium Boynbycis), vulgairement : corpuscules vibrants ou de pébrine a, spores à l'état de maturité parfaite; b, spores in- complètement développées ; c, formes anormales des spores.

FiG. 2. Spores laissant échapper le plasma intérieur sous forme d'une petite masse amiboïde.

FiG. 3. Développement des spores dans la masse sarcodique repré- sentant l'état végétal if ou d'accroissement do la Micro- sporidie.

FiG. 4. Deux cellules épithéliales de l'estomac d'une chenille à'Aitacus (Saiurnia) Pernyi, envahies par des Micro- sporidies ; a, cellule au début de l'invasion; b, cellule entièrement remplie d'amas de spores.

FiG. 5. Faisceau spermatique d'un Ver à soie au cinquième âge, présentant des Microsporidies sous la membrane d'en- veloppe et entre les filaments séminaux.

Fio. 6. Follicule du testicule d'un Ver à soie bien développé , contenant des amas de Microsporidies mêlés aux sper- matoblastes intérieurs.

FiG. 7. Portion d'une gaîne ovarique d'un Ver à soie adulte. On aperçoit des Microsporidies dans un ovule et les cellules vitellogènes correspondantes , ainsi que dans la tunique épithéliale.

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